RIYAD: La transition énergétique, la technologie nucléaire civile et la durabilité environnementale figurent parmi les nombreux domaines potentiels de coopération entre l'Argentine et l'Arabie saoudite dans la lutte contre le changement climatique, a déclaré Santiago Cafiero, le ministre argentin des Affaires étrangères, lors d'un entretien exclusif avec Arab News mercredi.
De telles considérations figurent en bonne place ce mois-ci dans le programme diplomatique mondial. La visite de M. Cafiero en Arabie saoudite coïncide avec la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP27) qui se tient en Égypte, où le Royaume présente son Initiatives verte saoudienne et son Initiative verte au Moyen-Orient.
«L'Argentine a signé les engagements internationaux et a effectivement relevé ses ambitions en matière d'émissions de carbone», a indiqué M. Cafiero, mettant en relief l'engagement de cette nation sud-américaine à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
Dans ce contexte, il a cité des projets de transition énergétique comprenant l'hydrogène solaire et vert ainsi que des initiatives de durabilité telles que l'agriculture régénératrice comme quelques-uns des nombreux atouts du pays.
«L'Argentine est le huitième plus grand pays du monde. C’est un pays immense dont les ressources naturelles sont très connues. Nous en prenons aussi grand soin. Nous avons une vision du développement productif durable dans le respect de l'environnement, et nous avons l'intention de continuer sur cette voie», a-t-il affirmé.
«L'Argentine a un important rôle à jouer en matière de transition énergétique. Aujourd'hui, nous avons des projets d'hydrogène vert et nous avons également des avancées en ce qui concerne les minéraux stratégiques pour l'électromobilité, comme le cuivre et le lithium. L'Argentine peut vraiment devenir un acteur important de la transition énergétique, et je pense que nous pouvons travailler en coopération avec l'Arabie saoudite sur ce plan.»
La visite de Santiago Cafiero dans le Royaume – la première en tant que haut diplomate argentin – a lieu alors que le monde fait face à de multiples crises qui se chevauchent – des effets résiduels de la pandémie de Covid-19 à l'inflation, jusqu’aux contraintes climatiques et à la guerre en Ukraine – et qui ont provoqué des perturbations dans l'alimentation mondiale et les chaînes d'approvisionnement en énergie.
Alors que l'Arabie saoudite et l'Argentine ont relevé ces défis à leur manière, M. Cafiero estime que les deux pays peuvent apporter une importante contribution en coopérant dans tous les domaines, depuis les affaires et la diplomatie, à la sécurité énergétique.
«En cette période d'incertitude, je pense que des pays amis comme l'Arabie saoudite et l'Argentine ont beaucoup à apporter au monde s'ils s'unissent, s'ils travaillent ensemble et coopèrent», a affirmé M. Cafiero à Arab News.
Selon Santiago M. Cafiero, l'Arabie saoudite et l'Argentine ont «toutes les possibilités» pour rapprocher leurs deux peuples, aux niveaux commercial et politique ainsi que dans les domaines de la culture et de l'énergie propre.
«L'Argentine possède des ressources naturelles et humaines, a-t-il indiqué, et elle a également une nette tendance politique à aller dans cette direction avec l'Arabie saoudite lorsqu'il s'agit de développer des relations d’affaires et de commerce, comme aussi de prêter main forte au reste du monde en vue de fournir de l'énergie et garantir l’approvisionnement alimentaire.»
L'année dernière, le président argentin, Alberto Fernandez, a exhorté les investisseurs d'Arabie saoudite et d'autres pays à «tourner leur regard vers l'Argentine», affirmant qu'il souhaitait des investissements étrangers qui «produisent et génèrent des gains». Depuis lors, de nouveaux liens d'affaires se sont déjà noués.
#Riyadh | Foreign Minister H.H Prince @FaisalbinFarhan receives #Argentine’s Foreign Minister, @SantiagoCafiero. ???? pic.twitter.com/kUhDqnHymA
— Foreign Ministry ?? (@KSAmofaEN) November 9, 2022
«Aujourd'hui, le travail que nous menons au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international est celui d'une feuille de route pour les secteurs stratégiques que nous savons être de l’intérêt de l'Arabie saoudite. Il s'agit de l'industrie agro-alimentaire et de la biotechnologie industrielle», a précisé M. Cafiero.
«Et puis nous avons aussi réalisé des progrès intéressants dans l'économie axée sur la connaissance et les minéraux stratégiques. L'Argentine dispose également d'une grande capacité pour son propre développement de services liés à la production de gaz non conventionnel et de secteurs de haute technologie tels que le secteur des satellites ou l'application de la technologie nucléaire à des fins pacifiques.»
La technologie du nucléaire civil est un domaine de coopération prometteur entre nos deux pays. L'Arabie saoudite – qui a la bénédiction non seulement du don précieux du pétrole mais aussi de vastes réserves d'uranium nécessaires à la production nucléaire – planifie actuellement son premier réacteur en collaboration avec l'Agence internationale de l'énergie atomique.
«L'Argentine revient sur soixante-dix ans de travail sur la technologie nucléaire à des fins pacifiques, a déclaré M. Cafiero. En fait, nous développons un réacteur pour des études ici, en Arabie saoudite, et pour le développement d'applications liées à la technologie nucléaire, c’est-à-dire des applications liées à la médecine nucléaire, au traitement du cancer, voire à des produits agricoles.»
«Nous utilisons également la technologie nucléaire pour éliminer le plastique des océans, ce que nous faisons déjà en Antarctique.»
Malgré tous ses atouts technologiques, l'économie argentine a connu plusieurs années agitées, principalement en raison d'une inflation chronique. Le mois dernier, le Fonds monétaire international, qui a qualifié la situation économique du pays de «fragile», a approuvé un prêt de 17,5 milliards de dollars (1 dollar = 0,98 euro) à Buenos Aires – la deuxième tranche d'un programme de soutien de 44 milliards de dollars.
FAITS MARQUANTS
* 1,03 milliard de dollars, montant des importations saoudiennes en provenance d'Argentine en 2021.
(Source: UN COMTRADE)
Santiago Cafiero affirme que l'économie argentine a maintenant renoué avec la croissance, ce qui a entraîné une explosion des exportations, des investissements étrangers records ainsi qu’une augmentation de l'emploi.
«Nous sommes optimistes quant à la voie que prend l'économie argentine, a indiqué M. Cafiero. Nous avons connu trois années consécutives de récession économique en 2018, 2019 et 2020, en raison de la pandémie.»
«Ce n'est qu'en 2021 que l'Argentine a recommencé à connaître une croissance qui s’est développée: 10,3 % cette année. Au premier semestre de cette année, nous avons également connu une croissance de six points du produit national brut. Nous estimons donc que nous sommes sur la bonne voie.»
Il a ajouté: «Au cours de l'année dernière, 1,2 million d'emplois ont été créés. Jusqu'à présent cette année, 30 000 emplois ont été créés chaque mois… Au premier semestre de 2022, nous avons eu un taux d'investissement record dans l'histoire de l'Argentine et nous allons atteindre des niveaux d'exportation record au cours de cette année.»
Malgré ses récents revers économiques, l'Argentine reste célèbre pour sa richesse culturelle, ses auteurs renommés comme Victoria Ocampo, ses grands musiciens tels que Diego Torres, et ses célèbres sportifs Messi et Maradona.
Alors que l'Arabie saoudite apparaît comme la nouvelle plaque tournante du Moyen-Orient pour les arts, la culture, la musique, les sports et le cinéma, Santiago Cafiero considère que le pouvoir de convaincre a un rôle à jouer pour forger des liens plus étroits entre le Royaume et l'Argentine.
«Je pense que nous avons la possibilité d'apporter davantage d'Argentine en Arabie saoudite, et davantage d'Arabie saoudite en Argentine, a-t-il affirmé. Nous devrions donc non seulement relier ces deux peuples dans leur développement commercial et politique, mais aussi avancer ensemble d'un point de vue culturel.»
Se référant au match d'ouverture de l'Arabie saoudite contre l'Argentine qui suscite un grand intérêt dans le cadre de la Coupe du monde au Qatar le 22 novembre, M. Cafiero a affirmé: «En ce qui concerne le football, même si nous ne sommes divisés que par un match et que nous voulons tous deux que notre équipe gagne, c'est vraiment un sport qui établit des ponts.»
Sur le front diplomatique, les États arabes du Golfe s'inquiètent depuis longtemps des activités de l'Iran et du Hezbollah en Amérique latine. Plusieurs gouvernements régionaux ont tenté de nouer des liens avec l'Iran, faisant peu de choses pour apaiser ces inquiétudes.
De telles tentatives de l'Argentine ont été moins importantes au cours des dernières décennies. Après une période de coopération nucléaire qui a débuté au milieu des années 1980, les relations avec l'Iran ont été ébranlées par deux attentats à la bombe à Buenos Aires au début des années 1990.
Ces attentats à la bombe, le premier contre l'ambassade d'Israël en 1992 et le second contre l'Association mutuelle israélite argentine en 1994, ont détruit ce qui était auparavant une relation étroite et mutuellement bénéfique.
«Les relations diplomatiques de l'Argentine avec l'Iran sont à un niveau plutôt bas, à la suite des attentats que l'Argentine a subis en 1992 et 1994», a précisé M. Cafiero.
«La justice argentine avait alors demandé aux autorités iraniennes de participer à l'enquête, mais celles-ci n'ont pas coopéré. Depuis, la relation est donc tendue.»
En revanche, selon M. Cafiero, l'Arabie saoudite et l'Argentine peuvent renforcer l'ordre international grâce à leur coopération et s'enrichir mutuellement en établissant des ponts culturels et institutionnels.
«Nous avons besoin d'un monde plus sûr et nous nous efforçons d'obtenir cette sécurité sur la base d'un multilatéralisme solidaire», a-t-il soutenu.
«Je pense que nous avons de part et d’autre deux cultures très puissantes qui devraient construire des ponts entre elles. Une fois qu'elles se connaîtront et se comprendront, il est certain qu’elles s'enrichiront mutuellement.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com