PARIS: Reporters Sans Frontières a pressé mercredi la junte au pouvoir au Mali de faire cesser les menaces proférées contre un journaliste malien et de protéger toute la profession, dans un contexte où la liberté de la presse est "en chute libre" selon l'ONG.
Malick Konaté, directeur de la chaîne d’information en ligne Horon TV et journaliste reporter d’images pour différents médias internationaux dont l'AFP, est attaqué depuis plusieurs mois avec virulence sur les réseaux sociaux par des internautes l'accusant d'être hostile à la junte et à son entreprise de "refondation" de l'Etat malien, confronté à la propagation jihadiste et à une crise multidimensionnelle.
Les campagnes ont redoublé avec la diffusion la semaine passée par la chaîne française BFMTV d'une enquête sur la présence de Wagner au Mali. La junte qui a pris le pouvoir par la force en août 2020 conteste avoir fait appel à cette société de sécurité russe accusée d'exactions au Mali comme dans d'autres pays.
Le Collectif pour la défense des militaires (CDM) a accusé jeudi Malick Konaté de "participation active et négative" à un film "diffamatoire" contre l'armée, dans un climat où les voix discordantes de plus en plus rares s'exposent à de violentes attaques sur le thème de l'atteinte à l'unité nationale ou de collusion avec la France, et risquent des ennuis de la part des autorités.
Dans un communiqué publié sur Facebook, le CDM, réputé proche de la junte, parle d'"acte de haute trahison contre le peuple souverain du Mali" et réclame une enquête contre Malick Konaté et "ses complices internes et externes".
Les autorités ont par le passé prêté une oreille très attentive aux prises de position du CDM.
Flux de menaces
BFMTV a précisé dans un communiqué que Malick Konaté n'avait "jamais participé à la rédaction du reportage" et qu'il avait simplement tourné une interview avec les membres d'une autre organisation favorable à l'intervention russe, avec l'accord du président de cette organisation.
Malick Konaté a néanmoins fait l'objet d'un flux de menaces et d'appels à son élimination, anonymes ou non, sur les réseaux sociaux.
"Malick Konaté craint pour sa vie simplement parce qu’il a effectué son travail de journaliste en participant à un documentaire", a dit RSF dans un communiqué.
"Les autorités doivent absolument réagir, et protéger l’exercice du journalisme et la liberté d’informer, dans un pays où les professionnels des médias ne peuvent quasiment plus exercer librement par peur de représailles", a-t-elle ajouté.
Pour RSF, "la situation du journaliste, extrêmement préoccupante, illustre la chute libre que connaît la liberté de la presse au Mali".
Vendredi, des services d'enquête ont appelé chez Malick Konaté à Bamako pour lui demander de se présenter afin d'être interrogé. Malick Konaté est depuis plusieurs semaines à l'étranger. Ses images pour BFMTV ont été tournées il y a plusieurs mois.
RSF rappelle qu'au cours des derniers mois, la junte a ordonné la suspension des médias français RFI et France 24 et que les correspondants étrangers ont quitté le pays faute d'accréditation. Les autorités ont suspendu pour deux mois début novembre l'une des principales chaînes d'information maliennes après des propos jugés critiques d'un de ses journalistes contre la junte.