Baya, icône algérienne et universelle, «reine de l’Arabie heureuse»

Baya, l'Ane bleu, circa 1950. Gouache sur papier, 100x150cm. Collection Kamel Lazaar Foundation. Cop Photo Rodolphe Alepuz.
Baya, l'Ane bleu, circa 1950. Gouache sur papier, 100x150cm. Collection Kamel Lazaar Foundation. Cop Photo Rodolphe Alepuz.
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Publié le Lundi 07 novembre 2022

Baya, icône algérienne et universelle, «reine de l’Arabie heureuse»

  • L’exposition permet de découvrir quelques chefs-d’œuvre de l’artiste parmi les archives laissées par Marguerite Caminat, sa mère adoptive
  • «À partir de 1963, elle développe de nouveaux thèmes, à commencer par ses paysages, son Jardin d’Éden, une célébration joyeuse de la nature et de la vie»

PARIS: À la fois virtuose, discrète, mystérieuse, Fatma Haddad – connue sous le nom d’artiste qu’elle a choisi, «Baya» – accède à la célébrité dès l’âge de 16 ans. Elle est alors érigée au rang d’icône par une génération d’intellectuels français d’après-guerre. Plus de vingt ans après sa disparition – en 1998 –, elle continue de susciter l’admiration.

À travers l’exposition Baya, femmes en leur Jardin, dédiée à l’étourdissante production de l’artiste, le musée de l’Institut du monde arabe et la donation Claude et France Lemand ont voulu rendre hommage à cette grande figure algérienne et universelle. Ils ont déployé dans l’Espace des donateurs nouvellement créé un choix de ses gouaches et de céramiques qui couvre l’ensemble de la période de créativité de Baya (1944-1998). L’exposition permet de découvrir quelques chefs-d’œuvre de l’artiste parmi les archives laissées par Marguerite Caminat, sa mère adoptive.

L’exposition, fruit d’une collaboration avec des institutions nationales et internationales, fondations et musées privés, s’accompagne d’un ouvrage – à la fois catalogue savant et livre d’art – qui présente les œuvres de Baya (dessins, peintures et sculptures) ainsi que des photos d’archive éclairées par un choix de textes, une chronologie détaillée et les résultats des recherches menées par l’historienne Anissa Bouayed.

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Les oiseuax musiciens, gouache sur papier, 1976. (Photo fournie).

Rencontre bouleversante avec Marguerite Caminat

Née en 1931 près de Fort-de-l’Eau (une commune qui a aujourd’hui pour nom «Bordj-el-Kiffan», une localité située à l’est d’Alger) dans une famille modeste, Baya est orpheline très tôt. Elle grandit en Kabylie et près d’Alger, où elle travaille avec sa grand-mère dans une ferme horticole. La rencontre avec Marguerite Caminat change le cours de la vie de la jeune fille: officiellement embauchée pour faire le ménage et les courses dans l’appartement de cette Française qui a trouvé refuge à Alger en 1940, elle finit par en devenir la protégée, puis la fille adoptive. Tout au long de sa vie, Marguerite Caminat n’aura de cesse de soutenir et d’encourager Baya après avoir découvert ses exceptionnelles aptitudes artistiques.

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Les petits orphelins 1947. Gouache sur papier. (Photo fournie).

À tout juste 16 ans, l’artiste est propulsée très tôt au sommet de la notoriété: une première grande exposition est organisée à Paris en novembre 1947 par le galeriste Aimé Maeght, qui a découvert son talent par hasard au cours d’un voyage à Alger. Elle éblouit les amateurs d’art parisien, parmi lesquels André Breton, qui préface le catalogue de l’exposition dans la revue Derrière le miroir.

L’écrivain écrit à son sujet: «Je parle non comme tant d’autres pour déplorer une fin mais pour promouvoir un début et, sur ce début, Baya est reine. Le début d’un âge d’émancipation et de concorde, en rupture radicale avec le précédent, et dont un des principaux leviers soit pour l’homme l’imprégnation systématique, toujours plus grande, de la nature.» Dès l’été 1948, elle revient en France pour réaliser des sculptures dans les ateliers de céramique Madoura, à Vallauris, et sa créativité dans le travail de l’argile est remarquée par Picasso.

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Portrait de Baya, exposition d'artistes algériens, fête de l'Huma, 1998. (Photo fournie).

«Artiste douée et grande travailleuse, quelles que soient les circonstances, Baya a affirmé très jeune sa personnalité, son identité, son autonomie, sa décision de faire œuvre d’artiste, mais sans jamais heurter les autres, aidée en cela par des personnes exceptionnelles: Marguerite Caminat, Jean Sénac, Jean de Maisonseul. Elle ne s’est jamais considérée comme une artiste de l’Algérie française, en dépit de la tentative d’exploitation politique de l’exposition de 1947 – ni d’ailleurs des politiques de l’Algérie indépendante», déclare à Arab News en français Claude Lemand, l’un des commissaires de l’exposition (avec Anissa Bouayed et Djamila Chakour), à quelques heures de l’ouverture de l’exposition.

En 1953, Baya épouse le musicien El Hadj Mahfoud Mahieddine et se consacre à sa famille dans leur demeure de Blida, en Algérie. Elle fait alors une pause de dix ans qui coïncide avec la période de la guerre d’indépendance de l’Algérie (1954-1962). Puis elle recommence à produire, tout en restant pleinement impliquée dans sa vie familiale. De nouvelles perspectives s’ouvrent à elle. Elle est particulièrement soutenue par Jean de Maisonseul, devenu directeur du Musée national des beaux-arts d’Alger après l’indépendance. Ce dernier joue un rôle décisif pour que ce musée garde ses collections prestigieuses et pour la promotion de la jeune peinture algérienne. Il permet à Baya de trouver les moyens de créer, expose ses œuvres dès  1963 et en acquiert une partie, qui fait aujourd’hui encore la fierté de ce musée.

Le «Jardin d’Éden»

C’est une période charnière pour l’artiste: «À partir de 1963, elle développe de nouveaux thèmes, à commencer par ses paysages, son Jardin d’Éden, une célébration joyeuse de la nature et de la vie. Oasis dans le désert, ce Jardin d’Éden est entouré de montagnes et de dunes ensoleillées, avec une source et quatre rivières, des arbres symboliques de l’Algérie – l’olivier et le palmier-dattier –, une nature riante et paisible, pleine d’oiseaux et de poissons de toutes les couleurs, en couples, en famille ou solitaires. Les oiseaux chantent, les poissons dansent. Oasis ou île, le Jardin d’Éden a les couleurs de l’Algérie: bleu de la Méditerranée, rouge de sa terre, vert de sa végétation, or de ses dunes», explique Claude Lemand.

«La douleur, la tristesse et la mort sont absentes du Jardin d’Éden de Baya, qui n’a pas de clôture artificielle, contrairement au modèle dominant du jardin arabo-andalou. C’est parfois une île et parfois un village habité, avec des chemins, des maisons, une mosquée, des fleurs, des animaux fantastiques: ses oiseaux fétiches, à la fois huppes et paons, des poissons et, dès ses premiers dessins, des papillons», décrit-il encore.

Mais, comme pour répondre aux critiques qui lui reprochent le caractère répétitif de son œuvre, l’artiste développe d’autres thèmes, comme celui des «natures mortes vivantes»: «Les femmes en sont absentes, mais elles sont pleines d’oiseaux et d’instruments de musique – inspirés par la profession de son mari – dont elle fait les personnages principaux de ces compositions. Tous les éléments de ses natures mortes sont représentés comme des êtres vivants, en mouvement, l’œil toujours bien ouvert aux autres et au monde, attitudes expressives de séduction et d’affection mutuelle, participant à une harmonie générale, à une symphonie de formes et de couleurs», ajoute Claude Lemand.

Un troisième thème est développé par Baya à partir de 1963, celui des femmes: «Des musiciennes, des danseuses, des mères, des femmes seules dans leur jardin ou à deux ou trois, épanouies et heureuses, debout ou assises, entourées d’instruments de musique et d’oiseaux avec lesquels elles dialoguent.»

Au fil de la visite, le visiteur découvre le bestiaire énigmatique des céramiques de Baya, la puissance chromatique de ses peintures joyeuses et colorées, qui montrent une nature luxuriante, ou l’élégance de ses sculptures d’argile, avant de s’immerger dans le dialogue sans fin de ses arabesques. Des créations aux couleurs vibrantes, portées par un répertoire de formes exclusivement féminines, rondes et généreuses.

«Baya privilégie le bleu turquoise, le rose indien, l’émeraude et le violet profond. Elle peint avec une finesse inégalée le monde de l’enfance et de la maternité, exprimant sa fascination pour le souvenir de sa mère», souligne le collectionneur, qui évoque l’art magistral de la composition que possède l’artiste. «Elle dessinait d’abord au crayon, puis elle mettait la couleur. Elle commençait par la femme puis passait aux autres éléments, laissant des blancs dans ses premières œuvres, avant de céder à “l’horreur du vide” de l’esthétique arabo-musulmane et de remplir de motifs tous les espaces laissés vides de ses compositions.»

Dans ses peintures, il y a une harmonie entre les femmes et l’ensemble des êtres vivants: «Chacun a son langage, qui est compris de tous les acteurs de la scène, comme au Jardin d’Éden, comme au Paradis et comme au temps des prophètes cités dans la Bible et le Coran, par le don d’Allah à ses élus: Adam, le premier homme, le roi Salomon et la reine de Saba», observe Claude Lemand.

«Reine de l’Arabie heureuse»

Loin de l’image naïve que certains se faisaient de son œuvre, Baya apparaît aujourd’hui comme l’impératrice d’un Jardin d’Éden, une sorte de royaume luxuriant où la jeune femme pouvait librement coucher ses rêves sur le papier, une «reine de l’Arabie heureuse», selon les mots d’André Breton.


La Saudi League en passe de rejoindre le top 3 mondial, selon le patron de la FIFA

La ligue est en passe de devenir l'une des trois meilleures au monde, a-t-il ajouté.  (Fourni)
La ligue est en passe de devenir l'une des trois meilleures au monde, a-t-il ajouté. (Fourni)
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  • Gianni Infantino souligne qu’un championnat national au rayonnement mondial attire plusieurs des meilleurs joueurs de la planète
  • Le football féminin dans le Royaume est également promis à une croissance accrue

DOHA : Gianni Infantino, président de la Fédération internationale de football association (FIFA), a déclaré que l’Arabie saoudite est devenue un pôle majeur sur la scène mondiale du football.

Il a salué les évolutions dynamiques observées ces dernières années, qui ont permis au Royaume d’acquérir une présence internationale significative et de développer un championnat national à la dimension mondiale, réunissant certaines des plus grandes stars du football, au premier rang desquelles Cristiano Ronaldo.

La ligue est en passe de devenir l'une des trois meilleures au monde, a-t-il ajouté. 

Dans un entretien exclusif accordé à Asharq Al-Awsat, publication sœur d’Arab News, le président de la FIFA a affirmé que l’équipe nationale saoudienne, après son exploit retentissant face à l’Argentine lors de la Coupe du monde 2022, demeure capable de rééditer de telles performances, potentiellement face à l’Espagne lors du Mondial 2026.

Il a souligné que le football saoudien a réalisé des progrès remarquables, non seulement au niveau de l’équipe nationale senior, mais également dans les catégories de jeunes. Il a également indiqué que le football féminin dans le Royaume est appelé à se développer davantage, grâce à l’attention croissante que lui portent les instances dirigeantes du football ces dernières années.

Gianni Infantino a par ailleurs exprimé sa satisfaction personnelle quant à l’organisation de la Coupe du monde 2034 en Arabie saoudite, décrivant le Royaume comme un pays accueillant, doté d’une culture riche, d’une cuisine savoureuse et d’un peuple remarquable — autant d’éléments qui, selon lui, contribueront au succès de ce grand événement footballistique.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le festival Winter at Tantora revient à AlUla et célèbre un riche patrimoine culturel

Le festival tire son nom du Tantora, un cadran solaire antique situé au centre de la vieille ville. (SPA)
Le festival tire son nom du Tantora, un cadran solaire antique situé au centre de la vieille ville. (SPA)
Le festival tire son nom du Tantora, un cadran solaire antique situé au centre de la vieille ville. (SPA)
Le festival tire son nom du Tantora, un cadran solaire antique situé au centre de la vieille ville. (SPA)
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AlUla : Le festival Winter at Tantora a été lancé jeudi à AlUla. Il se déroulera jusqu’au 10 janvier et propose une saison culturelle célébrant le riche héritage civilisationnel, culturel et historique de la région.

Le programme du festival comprend une large palette d’activités culturelles, artistiques et traditionnelles, a rapporté l’Agence de presse saoudienne (SPA).

Parmi les attractions figurent Old Town Nights, Shorfat Tantora, When Shadow Tracks Us et le Carnaval d’Al-Manshiyah.


Le Forum d’Asilah distingué par le Prix du Sultan Qaboos pour la culture

Hatim Betioui, secrétaire général du Forum d’Asilah, reçoit le Prix et la Médaille du Sultan Qaboos pour la culture, les sciences, les arts et les lettres. (Photo: fournie)
Hatim Betioui, secrétaire général du Forum d’Asilah, reçoit le Prix et la Médaille du Sultan Qaboos pour la culture, les sciences, les arts et les lettres. (Photo: fournie)
Les lauréats du Prix du Sultan Qaboos avec le Dr Mohammed bin Saïd Al-Maamari, ministre omanais des Awqaf et des Affaires religieuses, et Habib bin Mohammed Al-Riyami, président du Centre supérieur du Sultan Qaboos pour la culture et les sciences. (Photo: fournie)
Les lauréats du Prix du Sultan Qaboos avec le Dr Mohammed bin Saïd Al-Maamari, ministre omanais des Awqaf et des Affaires religieuses, et Habib bin Mohammed Al-Riyami, président du Centre supérieur du Sultan Qaboos pour la culture et les sciences. (Photo: fournie)
Le prix est décerné en alternance : une année réservée aux Omanais, et l’année suivante ouverte à l’ensemble du monde arabe. (Photo: fournie)
Le prix est décerné en alternance : une année réservée aux Omanais, et l’année suivante ouverte à l’ensemble du monde arabe. (Photo: fournie)
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  • Hatim Betioui, secrétaire général du Forum d’Asilah, a été récompensé à Mascate par le Prix du Sultan Qaboos 2025 dans la catégorie des institutions culturelles privées
  • Cette distinction prestigieuse célèbre l’excellence culturelle arabe et souligne le rôle d’Oman dans la promotion de la pensée, des arts et des lettres

MASCATE: Lors d’une cérémonie organisée dans la capitale omanaise, Mascate, Hatim Betioui, secrétaire général du Forum d’Asilah, a reçu le Prix du Sultan Qaboos pour les institutions culturelles privées.

Hatim Betioui, secrétaire général de la Fondation du Forum d’Asilah, a été distingué mercredi soir à Mascate par le Prix des institutions culturelles privées (catégorie Culture), à l’occasion de la cérémonie de remise du Prix du Sultan Qaboos pour la culture, les arts et les lettres, dans sa douzième édition (2025). La cérémonie s’est tenue sous le patronage du Dr Mohammed bin Saïd Al-Maamari, ministre omanais des Awqaf et des Affaires religieuses, agissant par délégation de Sa Majesté le Sultan Haitham bin Tariq.

Lors de cette édition, le prix a également été attribué, aux côtés de la Fondation du Forum d’Asilah, à l’artiste égyptien Essam Mohammed Sayed Darwish dans le domaine de la sculpture (catégorie Arts), ainsi qu’à Hikmat Al-Sabbagh, connue sous le nom de Yumna Al-Eid, dans le domaine de l’autobiographie (catégorie Lettres).

Au cours de la cérémonie, Habib bin Mohammed Al-Riyami, président du Centre supérieur du Sultan Qaboos pour la culture et les sciences, a prononcé un discours dans lequel il a souligné le rôle et l’importance de ce prix, affirmant que cette célébration constitue une reconnaissance du mérite des lauréats, appelés à devenir des modèles d’engagement et de générosité intellectuelle.

Al-Riyami a également indiqué que l’extension géographique atteinte par le prix, ainsi que l’élargissement constant de la participation des créateurs arabes à chaque édition, résultent de la réputation dont il jouit et de la vision ambitieuse qui sous-tend son avenir. Il a mis en avant le soin apporté à la sélection des commissions de présélection et des jurys finaux, composés de personnalités académiques, artistiques et littéraires de haut niveau, spécialisées dans les domaines concernés, selon des critères rigoureux garantissant le choix de lauréats et d’œuvres prestigieux.

La cérémonie a également été marquée par la projection d’un film retraçant le parcours du prix lors de sa douzième édition, ainsi que par une prestation artistique du Centre omanais de musique.

En clôture de la cérémonie, le ministre des Awqaf et des Affaires religieuses a annoncé les domaines retenus pour la treizième édition du prix, qui sera exclusivement réservée aux candidats omanais. Elle portera sur : la culture (études sur la famille et l’enfance au Sultanat d’Oman), les arts (calligraphie arabe) et les lettres (nouvelle).

Il convient de rappeler que ce prix vise à rendre hommage aux intellectuels, artistes et écrivains pour leurs contributions au renouvellement de la pensée et à l’élévation de la sensibilité humaine, tout en mettant en valeur la contribution omanaise — passée, présente et future — à l’enrichissement de la civilisation humaine.

Le prix est décerné en alternance : une année réservée aux Omanais, et l’année suivante ouverte à l’ensemble du monde arabe. Chaque lauréat de l’édition arabe reçoit la Médaille du Sultan Qaboos pour la culture, les sciences, les arts et les lettres, assortie d’une dotation de 100 000 rials omanais. Pour l’édition omanaise, chaque lauréat reçoit la Médaille du mérite, accompagnée d’une dotation de 50 000 rials omanais.

Le prix a été institué par le décret royal n° 18/2011 du 27 février 2011, afin de reconnaître la production intellectuelle et cognitive et d’affirmer le rôle historique du Sultanat d’Oman dans l’ancrage de la conscience culturelle, considérée comme un pilier fondamental du progrès civilisationnel.