EREVAN: Le président de l'enclave indépendantiste arménienne du Nagorny Karabakh a appelé mardi ses concitoyens à revenir dans la région et à ne pas prendre part aux actions de protestation contre le cessez-le-feu marquant la victoire de l'Azerbaïdjan.
« L'Artsakh (nom arménien du Nagorny Karabakh) restera à l'Arménie. Revenez », a déclaré dans un live sur Facebook le président Arayk Harutyunyan.
« Vous vivrez une meilleure vie en Artsakh que partout ailleurs dans le monde, (...) pendant ces deux jours nous allons résoudre le problème des infrastructures, de l'eau, de l'électricité (...) », a assuré M. Harutyunyan, alors que plus de la moitié des 150.000 habitants de l'enclave ont fui la guerre ayant éclaté fin septembre.
L'armée azerbaïdjanaise a depuis engrangé des gains territoriaux considérables, s'emparant en fin de semaine dernière de la ville symbolique et stratégique de Choucha (Chouchi en arménien), victoire suivie de la signature d'un cessez-le-feu négocié par la Russie et annoncé lundi par le Premier ministre arménien Nikol Pachinian.
L'accord a provoqué un choc en Arménie et y a été vécu comme une lourde défaite, l'opposition accusant M. Pachinian de « trahison ».
Le président du Nagorny Karabakh, qui tout au long du conflit s'est affiché auprès de ses troupes, a appelé ses concitoyens « à ne pas participer aux manipulations politiques, aux manifestations et aux provocations ».
« Ne cherchez pas un traître en particulier. Nous sommes tous des traîtres. Nous avons trahi nos jeunes soldats », a-t-il expliqué.
« Nous n'avions pas assez de ressources, pas assez de réservistes ou de volontaires », et la division d'élite des services de sécurité arméniens a même refusé de venir combattre sur le front, « je leur ai demandé, je les ai suppliés », a-t-il accusé.
« Après la chute de Chouchi, la capture de notre capitale Stepanakert était une question de minutes. Personne n'était là pour protéger la ville, à peine 100 à 200 combattants, l'armée était sur les autres fronts », a justifié M. Harutyunyan, ajoutant que « seuls ceux qui ont combattu sur le front et les mères qui ont perdu leurs fils ont le droit de nous accuser ».
L'accord de cessez-le-feu prévoit le déploiement de près de 2.000 soldats de la paix russes ces prochains jours entre les belligérants.
Ils seront déployés à mesure que les forces arméniennes quitteront les territoires repassant sous contrôle de l'Azerbaïdjan - au total sept districts limitrophes qui lui échappaient depuis les années 1990, et une petite partie du Nagorny Karabakh à proprement parler, avec donc une république autoproclamée amoindrie et affaiblie.
L'armée russe protègera tout particulièrement le corridor de Latchin, seule voie d'approvisionnement reliant le Nagorny Karabakh à l'Arménie. De premiers postes d'observation russe doivent être installés à partir de jeudi dans le sud de l'enclave.
Sur la question des habitants arméniens des localités passées sous contrôle azéri, M. Harutyunyan a assuré que les autorités étaient prêtes à les soutenir et leur fournir des conditions de vie et des logements décents à Erevan d'abord, puis au Karabakh dans un second temps.
Dans un communiqué, le patriarche de l'église apostolique arménienne, Garéguine II, a exhorté les forces politiques et militaires de l'Arménie et de l'Artsakh « à travailler ensemble pour résoudre la crise actuelle », appelant à « rester fort » et à faire preuve de « solidarité ».
Le Patriarche a néanmoins demandé aux autorités de l'Arménie et du Karabakh de « donner immédiatement des explications compréhensibles et convaincantes au peuple (...) sur ces décisions et leur impact sur le futur de notre patrie ».
Plusieurs monastères, dont celui millénaire de Dadivank, sont situés dans des zones qui vont revenir sous contrôle azéri, suscitant de nombreuses interrogations sur le sort de ce patrimoine religieux, historique et culturel.