PARIS: "Si les fantômes existent, c'est forcément dans un endroit comme celui-là": Phoenix, groupe français à l'aura internationale, a enregistré dans un musée parisien "Alpha Zulu", album qui convoque l'esprit pop de leurs débuts.
Un des morceaux du disque prévu ce vendredi s'appelle "The Only One" et Phoenix est bien "le seul" (traduction du titre) groupe à pouvoir se réfugier en pleine crise sanitaire au Musée des arts décoratifs, dans une aile du palais du Louvre à Paris, pour y installer son studio d'enregistrement.
"Comment on a trouvé cet endroit? Ou plutôt comment ce plan nous a trouvé?" se demande, songeur, le chanteur Thomas Mars, rencontré par l'AFP dans ce lieu improbable, aux côtés de ses trois autres comparses. Ils ont gardé en poche les cartes magnétiques d'accès et pourraient sans mal se faire guides.
"Chaque disque, on veut le faire dans un endroit nouveau et par une coïncidence folle une vieille amie est devenue directrice de ce musée et elle cherchait à faire des résidences d'artistes, le rêve s'est réalisé", complète Laurent Brancowitz, un des guitaristes du groupe.
"Christian (Mazzalai, autre guitariste) et moi, ados, on passait devant les bâtiments, ça semblait énorme, et on se demandait s'il y avait des pièces vides", reprend Thomas Mars.
"La nuit, souvent, il y a une pièce en haut, comme un grenier, à la lumière toujours allumée", renchérit "Branco". "De l'extérieur, on ne sait pas ce qu'il y a dedans, c'est comme si un étudiant était en train d'y écrire, c'est d'un romantisme fou, c'est cette émotion qu'on cherche quand on crée, on va avoir du mal à faire mieux", développe le guitariste.
«Aventuriers de l'arche perdue»
Emotion et romantisme sont bien au rendez-vous d'"Alpha Zulu", mais Phoenix retrouve surtout la grâce pop des débuts, à l'image du titre "Identical". C'est ce genre d'étincelle qui leur a ouvert les portes d'une carrière internationale. En 2009, le groupe joua en direct au Saturday Night Live, première pour des Français dans ce célèbre show télé américain.
Une belle lumière baigne les morceaux, les quatre Versaillais s'amusant à parer d'effets leur musique pour brouiller l'origine des sons, entre guitares et synthés. Une joie enfantine d'essayer toutes les combinaisons possibles née du lieu d'enregistrement.
"Ce que j'ai trouvé le plus inspirant, c'est que notre studio servait aussi à entreposer des objets, des œuvres, comme à la fin des +Aventuriers de l'arche perdue+, c'était vivant, loin d'un musée figé", se souvient Thomas Mars. "C'est semblable à notre façon de faire de la musique, avec des samples qui vont de Monteverdi (compositeur italien des 16e/17e siècles) au dernier truc sorti d'un logiciel", livre le chanteur.
«Boussole de nos cœurs»
Dans "Tonight", on entend Thomas Mars chanter en anglais "Maintenant, je me parle à moi-même et c'est assez surprenant". Un effet secondaire d'une balade en solitaire dans les couloirs d'un musée la nuit?
"Un des gardiens m'a dit +je ne crois pas du tout aux fantômes+ et dans la phrase suivante +une fois je me suis endormi et une voix appelant mon nom m'a réveillé+", répond en souriant "Branco".
"Dans ces paroles, il y a l'impact du musée, tous les gardiens parlaient de fantômes -si les fantômes existent, c'est forcément dans un endroit comme celui-là- et tu as l'impression parfois que les œuvres commencent à te parler", rebondit Thomas Mars.
"Mais pour en revenir à des trucs plus glauques, dans mon quartier à New-York, j'ai vu des sans-abris, en pleine crise sanitaire, se parler à eux-mêmes, dans un mélange hyper-complexe de paranoïa, de désespoir, de schizophrénie", confie le chanteur.
Leur musique solaire est venue en réaction à la noirceur de la pandémie. "On suit la petite boussole de nos cœurs, pour ce disque on n'avait pas envie de parler de masques anti-Covid", conclut "Branco".