ZURICH: Après des scandales à répétition et une perte encore colossale au troisième trimestre, Credit Suisse annonce des milliers de suppressions de postes, une transformation radicale de sa chaotique banque d'investissement et une augmentation de capital qui va lui donner un grand actionnaire saoudien.
Le nouveau directeur général, Ulrich Körner, a dévoilé "une série de mesures décisives" qui va mettre l'accent sur la gestion de fortune, sur sa banque suisse (qui englobe sa banque de détail en Suisse) ainsi que sur la gestion d'actifs. Il restructure en outre "radicalement" la banque d'affaires.
"Nous pensons que ces mesures permettront à Credit Suisse d'avoir une performance plus stable", a insisté dans un communiqué ce banquier, considéré comme un spécialiste des restructurations, qui a repris les commandes début août.
La banque va supprimer 9.000 postes d'ici 2025, faisant passer ses effectifs à 43.000 employés contre 52.000 actuellement, à la fois à travers des licenciements et des départs naturels.
Sa banque d'investissement, qui a essuyé une perte avant impôts de plus de 1,6 milliard de francs sur les neuf premiers mois de 2022, va être recentrée sur les activités les plus utiles à la gestion de fortune et à la gestion d'actifs. La banque va raviver sa marque First Boston, du nom d'une banque d'investissement américaine absorbée en 1990.
La branche qui serait renommée CS First Boston regroupera à l'issue d'une période de transition ses activités de marché de capitaux et de conseils, détaille la banque active notamment dans le conseil en fusions et acquisitions. Une grande partie de ses produits titrisés, des produits structurés très rentables, seront également transférés à un groupe aux sociétés d'investissement Apollo Global Management et Pimco.
Un actionnaire saoudien
Pour financer ses projets, la banque compte lancer une augmentation de capital d'environ 4 milliards de francs suisses (4 milliards d'euros) qui devra toutefois être approuvée lors d'une assemblée générale extraordinaire le 23 novembre.
La Banque nationale saoudienne va investir 1,5 milliard de francs dans cette augmentation de capital, portant sa participation dans la banque à jusqu'à 9,9%. Elle s’inscrira ainsi parmi ses actionnaires de référence aux cotés de la société américaine Harris Associates, qui avait doublé sa participation durant l'été à 10,05%, et du fonds souverain du Qatar, qui détient 5,03%.
Cette réorganisation de la banque d'affaires, que les investisseurs réclamaient de longue date, avait donné lieu à d'intenses spéculations en amont de ce point stratégique. Mais le verdict des marchés est tombé dès l'ouverture de la Bourse, l'action piquant du nez.
A 9H02 GMT, le titre plongeait de 14.65% à 4.065 francs suisses alors que le SMI, l'indice de référence de la Bourse suisse perdait 0,45%. Depuis la faillite de la société financière britannique Greensill en mars 2021 qui avait marqué le début de ses déboires, le titre a perdu 64%, touchant un point bas historique début octobre à 3,158 francs suisses.
Ces mesures stratégiques, "globalement en ligne" avec les rumeurs qui avaient circulé dans la presse, ne sont qu'un "premier pas dans un long processus pour restaurer la crédibilité et regagner la confiance", a réagi Andreas Venditti, analyste chez Vontobel, dans un commentaire boursier.
Elles nécessiteront une "mise en oeuvre ferme", "sans faux pas supplémentaires", a-t-il ajouté alors que la banque a multiplié les scandales qui ont terni sa réputation.
Il y a beaucoup d'annonces à "digérer", a de son côté souligné Flora Bocahut, analyste chez Jefferies, qui note cependant que l'augmentation de capital est plus élevée que prévu. Les pertes du troisième trimestre sont également "préoccupante" juge-t-elle.
Perte de 4 milliards de francs
Au troisième trimestre, la banque a essuyé une perte de 4 milliards de francs, bien plus lourde que les 602 millions de francs attendus par les analystes interrogés par l'agence suisse AWP. Par comparaison, Credit Suisse avait dégagé un bénéfice de 434 millions de francs. Mais il s'agissait du dernier trimestre dans le vert, la banque ayant depuis aligné perte sur perte à chaque trimestre.
Les résultats du troisième trimestre ont été plombés par des dépréciation d'actifs d'impôts différés de 3,7 milliards de francs liés au réexamen de sa stratégie.
Mais la banque d'investissement a encore essuyé une perte de 666 millions de francs au troisième trimestre seul, dans un environnement difficile. Ses revenus ont chuté de 56% sur fond de forte baisse de recettes générées par les marchés de capitaux mais aussi de ses activités de conseils.
Sa restructuration intervient dans un contexte peu porteur. Les grandes banques d'affaires ont vu leur revenus chuter au troisième trimestre face à la forte volatilité des marchés depuis la guerre en Ukraine et les craintes de récession qui ont freiné la demande pour les émissions d'emprunts, introductions en Bourse et fusions et acquisitions.