PEKIN: Elles représentent la moitié de la population chinoise mais les hautes sphères du pouvoir leur restent inaccessibles: les femmes sont les grandes absentes du remaniement annoncé dimanche au sommet du Parti communiste.
Les choses semblent même s'aggraver: le Bureau politique, instance de décision du Parti communiste chinois (PCC), ne compte désormais plus de femme parmi ses 24 membres. Du jamais vu en un quart de siècle.
Au Comité central, sorte de parlement du parti, le pourcentage de femmes a reculé: il passe de 5,4% à 4,9% avec seulement 11 femmes sur 205 membres.
Quant au Comité permanent, rien ne change. Le groupe de sept personnes qui détient les rênes du pouvoir est toujours uniquement composé d'hommes.
"Les femmes continuent d'être fortement sous-représentées au sommet de la politique chinoise", se désolait dimanche la lettre d'information spécialisée Neican China.
"Pour mémoire, les femmes représentent 48,8% de la population chinoise et 29,4% des membres du parti communiste", soulignait-elle.
Seule femme présente jusque-là au Bureau politique, Sun Chunlan, 72 ans, a pris sa retraite.
«La moitié du ciel»
Vice-Première ministre en charge des politiques sanitaires, Mme Sun était régulièrement envoyée pour inspecter les villes confrontées à des rebonds épidémiques.
Ancienne cheffe du parti dans la province côtière du Fujian (est) et de la ville de Tianjin près de Pékin, elle était connue comme la "Dame de fer" en raison des mesures strictes qu'elle ordonnait sur son passage.
Mais Sun Chunlan restait une exception dans la politique chinoise, dominée par les réseaux de camaraderie masculine et un sexisme bien ancré qui a souvent coupé court à des carrières prometteuses, notent plusieurs analystes.
Loin du slogan proclamé dans les années 1950 par le fondateur du régime Mao Tsé-toung (1949-1976): "Les femmes portent la moitié du ciel".
"Je ne vois pas comment les femmes sont censées +porter la moitié du ciel+ en Chine si elles ne sont pas autorisées à faire partie du Bureau politique", s'interrogeait dimanche sur Twitter Jacob Gunter, analyste à l'Institut Mercator d'études chinoises (Merics).
Pour Minglu Chen, professeure à l'université de Sydney, "l'engagement du Parti communiste chinois envers les droits des femmes est plus un engagement pour améliorer leurs droits économiques".
L'idée du parti est "que les femmes rejoignent le monde du travail", avance-t-elle.
Mais, dans une société encore très conservatrice, même cette étape est parfois difficile à franchir: "Beaucoup de femmes disent avoir du mal à combiner les rôles de bonne mère, épouse et employée", note l'universitaire.
Pour progresser dans sa carrière, notamment en politique, il faut aussi souvent passer par des moments de socialisation, notamment lors de repas arrosés où l'atmosphère est essentiellement masculine.
Quotas
C'est aussi vrai dans l'entourage de Xi Jinping.
"La plupart des anciens collègues masculins de Xi, dans les provinces du Zhejiang et du Fujian, font désormais partie du Bureau politique", observe Victor Shih, professeur de sciences politiques à l'Université de Californie de San Diego.
"Pourtant, aucune de ses ex-collègues femmes n'a réussi à entrer au Bureau politique, ni même à obtenir des postes de direction au niveau provincial", déplore l'universitaire.
"La discrimination (dont souffrent les femmes) aux niveaux les plus bas (du pouvoir) les empêche d'obtenir ensuite des postes plus élevés", souligne M. Shih.
La Chine a certes mis en place un système de quotas en 2001, exigeant la présence d'au moins une femme à tous les niveaux du gouvernement et du parti, hormis au Bureau politique. Mais faute de mécanisme de contrôle, il n'est pas vraiment respecté.
"Si un meilleur système de quotas avait été mis en place et strictement appliqué, alors on commencerait à en voir les fruits", estime Minglu Chen. La situation actuelle "est aussi le résultat de la domination d'un seul parti", estime-t-elle.
Depuis 1948, le Bureau politique du PCC n'a admis en son sein que huit femmes, dont seules trois ont atteint le poste de vice-Première ministre.
Médias et observateurs espéraient que Sun Chunlan soit remplacé par une autre femme. Soit Shen Yueyue, dirigeante de la Fédération des femmes chinoises, ou Shen Yiqin, cheffe du parti dans la province du Guizhou (sud).
Mais aucune femme n'a été promue.