Carlos Ghosn : La France m'a abandonné «sur le bord de la route»

«On aurait dû me le dire tout de suite, je serais sorti, tout ça aurait pu être évité. Parce que, moi je suis une victime bien sûr, mais il n’y a pas que moi...» confie Carlos Ghosn à Arab News en français. (AFP).
«On aurait dû me le dire tout de suite, je serais sorti, tout ça aurait pu être évité. Parce que, moi je suis une victime bien sûr, mais il n’y a pas que moi...» confie Carlos Ghosn à Arab News en français. (AFP).
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Publié le Lundi 09 novembre 2020

Carlos Ghosn : La France m'a abandonné «sur le bord de la route»

  • Carlos Ghosn accorde un entretien spécial à Arab News à l’occasion de la sortie de son livre, « le Temps de la vérité »
  • Le Japon ne pourra continuer d’être une grande puissance économique et une bonne destination touristique si le système de l’otage n’est pas aboli

Carlos Ghosn, quelle vérité est la plus dure à admettre ?

Il n’y a pas qu’une … il y a beaucoup de vérités, plutôt des réalités dures à admettre. Que je dédie une très grande partie de ma vie professionnelle à une entreprise à l’époque donnée pour morte (…) dix-sept ans de direction générale de Nissan donc, puisque j’ai abandonné ce poste fin 2016, dans un pays qui n’est pas particulièrement connu pour son ingratitude, et là tout d’un coup: ce choc, ce traitement, cette haine, cette revanche!

La deuxième réalité, c’est le lâchage et l’abandon de la France ! Je n’étais pas allé au Japon en tant que touriste, mais bien en tant que patron d’une entreprise française d’envergure, en tant que patron d’une alliance où les intérêts français étaient dominants.

Et là, coup de théâtre, au bout de quelques jours ils disent : «les intérêts supérieurs de la France résident dans l’alliance, dans les relations avec les Japonais».

Et moi, j’ai été abandonné sur le bord de la route !

Mon arrestation portait un objectif particulier; les Japonais se sont dit : «on en a marre de l’influence de l’État français sur Renault, et des demandes faites par l’administration française vis-à-vis des Japonais» (Photo, AFP)
Mon arrestation portait un objectif particulier; les Japonais se sont dit : «On en a marre de l’influence de l’État français sur Renault, et des demandes faites par l’administration française vis-à-vis des Japonais» (Photo, AFP)

Comment un fin renard comme vous, connu pour son flair et sa vision, n’a rien vu venir ?

J’avais des doutes de temps en temps, je restais prudent, mais il est vrai que j’ai été surpris par toute cette action. Il pouvait y avoir quelques malentendus, notamment sur les engagements salariaux qui pouvaient être faits après la retraite. Mais ils n’étaient ni décidés ni payés, et jamais je n’aurais imaginé qu'un différend de ce genre finirait par une arrestation, c’était un choc !

C’était une vaste supercherie! Mon arrestation portait un objectif particulier; les Japonais se sont dit : «On en a marre de l’influence de l’État français sur Renault, et des demandes faites par l’administration française vis-à-vis des Japonais». Ils ont très vite constaté que le seul moyen de couper cette influence, c’était de me sortir.

Vous êtes donc le bouc émissaire ?

Bouc émissaire ou pas, je ne sais pas, mais une décision a été prise. Ça aurait pu se passer différemment car je suis ferme, décisif, mais je ne suis pas partisan d'une ligne dure. (…) Je savais très bien que si les Japonais ne voulaient plus de cette alliance, la garder en vie serait compliqué.

On aurait dû me le dire tout de suite, je serais sorti, tout ça aurait pu être évité. Parce que, moi je suis une victime bien sûr, mais il n’y a pas que moi. Nissan en tant qu’entreprise est une victime, au même titre que Renault. Tous les petits génies qui ont monté cette opération, (…) j’espère les voir un jour rendre des comptes.

Carlos Ghosn, en quelques minutes, vous êtes passé de personnage à… une « affaire ». Comment pouvez-vous résumer cette affaire ?  

C’est une mauvaise affaire. Pour moi c’est un complot, une machination menée avec succès. Elle naît dans un petit groupe qui lie le gouvernement japonais au Procureur, et prend son envol avec la collusion de la presse japonaise, ravie de rendre service. La presse n’était que louanges jusqu’au moment de mon arrestation, et puis, tout d’un coup, en vingt-quatre heures, c’était fini!

J’étais devenu le vilain canard, le dictateur cupide ! C’est la description faite devant le public japonais, qui n’en revenait pas. J’ai passé plusieurs mois au Japon après mon arrestation, et quand je me baladais à Tokyo les gens étaient toujours très aimables, comme si de rien n’était! Ils étaient surpris de voir cet homme, présenté comme étant un «role model» pendant dix-sept ans, traité tout d’un coup en pestiféré. Non seulement on l’accuse d’actes ignobles, mais on critique de surcroît son management, soi-disant absolument horrible, alors que, vous le savez bien, plusieurs bouquins de management ont été écrits, qu’il y avait des références... ! Ça ne tient pas la route !

J’étais devenu le vilain canard, le dictateur cupide ! C’est la description faite devant le public japonais, qui n’en revenait pas (Photo, AFP)
J’étais devenu le vilain canard, le dictateur cupide ! C’est la description faite devant le public japonais, qui n’en revenait pas (Photo, AFP)

Le fait d’écrire ce livre est pour vous une catharsis ?

Je n’écris pas ce livre pour me soigner, je l’écris car il y a eu tellement de mensonges et de manipulations, avec la complicité de la presse internationale. Il faut par conséquent créer un contrepoids de vérité, avec des éléments solides qui racontent les événements tels qu’ils ont eu lieu. La vérité finit toujours par triompher.

Il n’y a pas que ce livre, un deuxième est prévu pour mars ou avril, sur un thème différent. Deux séries télévisées sont en préparation, l’une documentaire et l’autre fictive, parce que cette histoire est extrêmement riche, complexe, et met en cause plusieurs aspects de notre époque.

Dans toute cette affaire, y a-t-il un moment qui vous révolte le plus ?

La façon dont ma famille a été traitée: c’est incompréhensible!

Quelle question a-t-elle été la plus sensible de votre interrogatoire ?

Il y avait cette rengaine qui revenait constamment dans le discours des procureurs : «vous feriez mieux d’avouer tel ou tel crime, sinon on va rajouter des accusations. Et si vous persistez dans cette attitude, on ira enquêter du côté de votre épouse, de votre famille». Cela m’a fait réaliser que même s’ils n’avaient rien contre moi, mon nom paraissait dans la presse dans un contexte de suspicion, et le mal était déjà fait.

On l’appelle « système de l’otage » au Japon, et le terme ne vient pas de moi, mais de l’Organisation des Nations Unies (Photo, AFP)
On l’appelle « système de l’otage » au Japon, et le terme ne vient pas de moi, mais de l’Organisation des Nations unies (Photo, AFP)

C’est le «character assassination» dont vous parliez…

Oui, mais «collective character assassination!»

On l’appelle « système de l’otage » au Japon, et le terme ne vient pas de moi, mais de l’Organisation des Nations unies (ONU). L’ONU a d’ailleurs déjà mis en cause ce système il y a quatre ans.

Je trouve absolument choquant que le Japon obtienne des accords internationaux, comme ceux du libre-échange avec l’Europe, sur la base du respect des droits de l’homme. On signe ces ententes mais on ne les respecte pas ! C’est une affaire de dupes !

Comment avez-vous vécu cette « chute » ?

Je débarquais d’un univers où j’avais trois entreprises et un emploi du temps saturé, et tout d’un coup, plus rien. Imaginez-vous dans une cellule de prison, démuni, vous n’avez pas de montre, pas de ceinture, quelques bouquins, c’est tout ! Du jour au lendemain! Le choc est très dur, mais il faut s’adapter, ça s’est fait.

Des «fuites» quotidiennes dans la presse, orchestrées par le procureur de Tokyo, à votre fuite, la cavale du siècle orchestrée avec brio! Quelle revanche pour vous ! Qu’avez-vous éprouvé ?

Franchement, je n’ai pas quitté le Japon par défi, je l’ai quitté par désespoir, le désespoir d’obtenir gain de cause. (…) Une peine de mort avait été prononcée quelque part contre moi, et on était en train de l’exécuter. Et ce n’est pas une mort spectaculaire non plus: on vous met en prison, on prend cinq ans avant de vous juger, on vous ruine, on salit votre réputation, et on ne vous laisse pas parler!

C’est le sadisme du procureur japonais, en collusion avec le Vieux Nissan et des membres du gouvernement. Il ne faut pas oublier cette composante : jamais une affaire de ce type ne serait arrivée sans la complicité, si ce n’est l’initiative, du ministère de l'Industrie qui est très puissant au Japon.

Il a été question de l’affaire Juffali, mais aussi de l’affaire d’Oman qui a permis au procureur de vous renvoyer en prison ! Pourquoi cible-t-on des personnalités du Golfe à votre avis ?

D’abord, ils connaissent mes racines orientales, moi je venais assez souvent au Liban pour traiter des affaires qui concernait le Moyen-Orient.

De plus, il y avait une très grande sympathie pour moi dans le monde arabe, j’étais l’un des rares grands chefs d’entreprises issu du monde arabe. Auraient-ils trouvé un dealer japonais, ça n’aurait pas été aussi salace comme histoire qu’un saoudien ou un omanais !

Ils l’ont fait sciemment parce qu’ils savaient que j’avais des relations d’amitié avec un certain nombre d’entre eux. Mais ce n’est pas une amitié compromettante, ce sont de très bons distributeurs, de très bons hommes d’affaires, et ça, n’est pas du tout contesté. Ils l’ont fait pour introduire un côté un peu louche, se disant : «Au Moyen Orient, les relations ne sont pas aussi nettes que dans d’autres pays ». Ils ont utilisé ce préjugé, c’était très bien ficelé comme stratagème. C’est un coup monté avec la collaboration d’entreprises spécialisées dans la démolition de réputations. La facture était salée. Selon Bloomberg, plus de 200 millions de dollars ont été dépensés par Nissan, pour des prétendus dommages de 5 millions de dollars!

Quel est votre message aux Japonais ?

D’abord, que le véritable Carlos Ghosn n’est pas celui qu’on vous dépeint dans les médias, mais bien celui que vos connaissiez pendant dix-sept ans. Je leur dirai aussi que le Japon ne pourra continuer d’être une grande puissance économique et une bonne destination touristique si le système de l’otage n’est pas aboli ! Nombreux sont ceux qui le demandent au Japon.

D’après ce livre, vous avez été poignardé dans le dos par le Japon et lâché par la France. C’est au Liban que vous avez trouvé refuge finalement. C’est donc le seul pays sur lequel vous pouvez compter ?

C’est un fait, je ne peux pas le nier. Le président de la République libanaise a tenu une position très courageuse, même s’il n’a pas d’intérêt politique particulier dans cette affaire. J’étais patron de Renault, patron de Nissan et non pas patron d’une grande entreprise libanaise. C’est pourtant le seul à prendre position, et il a interrogé les autorités japonaises et l’ambassadeur du Japon. C’est le seul que mon épouse ait pu voir. Aucun officiel français ne l’a reçue à part l’ancien président Sarkozy, à l’attitude remarquable dans cette affaire d’ailleurs. Quiconque dit que la France ne m’a pas lâché, n’a pas suivi cette histoire et ne l’a pas comprise.

Et si je suis aujourd’hui au Liban, entre autres, c’est que j’ai senti une sincérité, une authenticité chez les autorités libanaises qui ne comprenaient pas: «Cet homme, qu’est-ce qu’il vous a fait ?»


Agriculteurs: la Coordination rurale bloque toujours le port de Bordeaux

 La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
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  • La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place
  • Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine

BORDEAUX: La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais.

La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place.

Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine et auquel les agriculteurs comme la classe politique française s'opposent.

Il s'agit de la première visite de la ministre sur le terrain depuis le retour des paysans dans la rue, une mobilisation surtout marquée en fin de semaine par les actions des bonnets jaunes de la Coordination rurale.

A Bordeaux, ils bloquent ainsi les accès au port et au dépôt pétrolier DPA: des pneus, des câbles et un tracteur entravent l'entrée du site.

Sous une pluie battante, les agriculteurs s'abritent autour d'un feu et de deux barnums tanguant avec le vent. Une file de camions bloqués dont des camions citernes s'allonge aux abords.

Les manifestants ont tenté dans la matinée de joindre Annie Genevard, sans succès.

"On bloque tant que Mme Genevard et M. Barnier [Michel Barnier, Premier ministre] ne mettent pas en place des solutions pour la profession. Des choses structurelles, (...), on ne veut pas un peu d'argent aujourd'hui pour rentrer dans nos fermes, on veut des réformes pour vivre, avoir un salaire décent", a déclaré à l'AFP Aurélie Armand, directrice de la CR du Lot-et-Garonne.

"Le temps est avec nous parce que quand il pleut on ne peut pas travailler dans les fermes, donc c'est très bien", a-t-elle lancé, alors qu'une pluie battante balaye la Gironde avec le passage de la tempête Caetano.

Plus au sud, dans les Landes, des agriculteurs de la CR40 occupent toujours une centrale d'achat Leclerc à Mont-de-Marsan mais les autorités leur ont donné jusqu'à vendredi inclus pour libérer les lieux, a-t-on appris auprès de la préfecture.

Tassement du mouvement, avant une reprise 

La préfète du département a par ailleurs condamné "les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale" mercredi soir sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA), visée par des dépôts sauvages, et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie "volontairement déclenché" dans son enceinte.

Sur Europe1/Cnews, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a redit que les agriculteurs avaient "parfaitement le droit de manifester", mais qu'il y avait "des lignes rouges" à ne pas dépasser: "pas d'enkystement", "pas de blocage".

A l'autre bout de la France, à Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour y distribuer 600 kilos de pommes aux passants.

"Nous, on propose un pacte avec le consommateur, c'est-à-dire lui fournir une alimentation de qualité en quantité suffisante et en contrepartie, le consommateur nous paye un prix correct", a souligné le président de la CR départementale, Paul Fritsch.

Les autorités constatent une "légère baisse" de la mobilisation à l'échelle du pays par rapport au début de la semaine, quand les syndicats majoritaires FNSEA et JA étaient aussi sur le terrain.

Ce nouvel épisode de manifestations agricoles intervient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, qui préside aujourd'hui trois chambres d'agriculture, espère à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires.

Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi", "pour dénoncer les entraves à l'agriculture".

FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre l'accord le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.

Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne organise aussi des actions ponctuelles, contre les traités de libre-échange ou les installations énergétiques sur les terres agricoles.


Les députés approuvent en commission l'abrogation de la réforme des retraites

L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
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  • La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.
  • La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation.

PARIS : La gauche a remporté mercredi une première victoire dans son offensive pour abroger la très décriée réforme des retraites : sa proposition de ramener l'âge de départ de 64 à 62 ans a été adoptée en commission des Affaires sociales, avant son arrivée dans l'hémicycle le 28 novembre.

Le texte, présenté par le groupe LFI dans le cadre de sa niche parlementaire, a été approuvé par 35 voix (celles de la gauche et du Rassemblement national), contre 16 (venues des rangs du centre et de la droite).

La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.

Le Rassemblement national, qui avait présenté une proposition similaire fin octobre, mais que la gauche n'avait pas soutenue, a voté pour le texte de La France insoumise. « C'est le même que le nôtre et nous, nous ne sommes pas sectaires », a argumenté le député Thomas Ménagé.

La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation : celle-ci est ramenée de 43 à 42 annuités, ce qui revient à abroger également la réforme portée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande.

Un amendement, présenté par les centristes du groupe Liot pour préserver la réforme Touraine, a été rejeté. Les socialistes, qui auraient préféré conserver cette réforme de 2013, ont décidé d'approuver le texte global malgré tout.

La gauche affirme qu'elle est en mesure de porter sa proposition d'abrogation jusqu'au bout : après l'examen du texte dans l'hémicycle la semaine prochaine, elle a déjà prévu de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat le 23 janvier, à l'occasion d'une niche communiste, puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6 février, cette fois dans un créneau dédié aux écologistes.

Les représentants de la coalition gouvernementale ont mis en garde contre un texte « pas sérieux » ou « irresponsable ».

« Il faut être honnête vis-à-vis des Français : si cette réforme des retraites est abrogée, certes ils pourront partir à 60 ans, mais avec une retraite beaucoup plus basse », a ainsi argumenté la députée macroniste Stéphanie Rist.


Censure du gouvernement : Le Pen fait monter la pression avant sa rencontre avec Barnier

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
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  • "Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure"
  • Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget

PARIS: Marine Le Pen fait monter la pression sur Michel Barnier, avant leur rencontre lundi à Matignon : elle assure que son parti n'hésitera pas à censurer le gouvernement à la veille de Noël si "le pouvoir d'achat des Français est amputé" dans le projet de budget 2025.

"Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure", a affirmé mercredi la cheffe de file des députés du Rassemblement national sur RTL.

Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l'Etat.

Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion alors la coalition Barnier, fragile attelage entre LR et la macronie, serait renversée et le projet de budget rejeté.

Si elle n'a pas détaillé la liste précise de ses revendications, Marine Le Pen a en particulier jugé "inadmissible" la hausse envisagée par le gouvernement pour dégager trois milliards d'euros des taxes sur l'électricité, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

"Taper sur les retraités, c'est inadmissible", a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. Si elles étaient suivies, celles-ci pourraient empêcher Mme Le Pen de participer à une quatrième élection présidentielle.

Face à cette menace de censure, Michel Barnier va recevoir en début de semaine prochaine, un par un, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.

Ce premier tête à tête, depuis son entrée à Matignon, suffira-t-il ?

"Et-ce que M. Barnier va respecter l’engagement qu’il a pris, que les groupes d’opposition puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ?", s'est interrogée la cheffe de file des députés RN.

Les demandes de notre parti étaient "de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat", a-t-elle récapitulé. "Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés".

Poker menteur 

Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marge de manoeuvres.

"L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur" budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024 contre 4,4% prévu initialement.

L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur CNews.

"Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière", a alerté de son côté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail).

Une question demeure: le RN bluffe-t-il ?

"Si le gouvernement tombe, il faudra attendre juin pour qu'il y ait des élections législatives parce qu'il ne peut pas y avoir de dissolution pour le moment!", a semblé nuancer le porte-parole du RN Julien Audoul.

Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l'Etat.

Le RN n'entend, en effet, pas déposer ou voter de motion de censure sur les deux autres textes (fin de gestion de 2024 et projet de budget de la Sécurité sociale) qui pourraient être adoptés par 49.3 avant.