JAKARTA: Le dernier exécutant vivant des attentats de Bali qui ont fait plus de 200 morts affirme regretter ses actes, à l'approche du vingtième anniversaire mercredi de l'attaque terroriste la plus meurtrière jamais connue par l'Indonésie. Mais les victimes rejettent ses excuses.
Ali Imron a été condamné à la prison à vie pour son rôle dans les explosions de 2002 qui ont dévasté une boîte de nuit et un bar et dans lesquelles 202 personnes ont péri dont 88 Australiens.
"Je regretterai jusqu'à ma mort. Et je m'excuserai jusqu'à ce que je meure", affirme-t-il dans un entretien au quartier général de la police de Jakarta, la capitale de ce pays d'Asie du Sud-Est.
Le condamné, sans menottes, s'exprime devant le drapeau rouge et blanc de l'Indonésie et un portrait du président Joko Widodo.
Mais les victimes encore en vie et le gouvernement australien ont refusé d'accepter les excuses du dernier représentant de la cellule terroriste responsable des attentats de Bali.
"Quand les gens sont en difficulté, ils disent tout ce qui est possible pour s'en sortir", note Thiolina Marpaung, une survivante des attaques aujourd'hui âgée de 47 ans qui a reçu des blessures permanentes aux yeux.
"Il a dit cela parce qu'il était condamné à mort", dit-elle.
Ali Imron a aidé à planifier les attaques. Il a fabriqué les engins explosifs, placé une bombe devant le consulat américain de Bali et aidé à former ceux qui ont activé une ceinture explosive et fait sauter une camionnette remplie d'explosifs.
L'homme de 52 ans est le seul survivant parmi ceux qui étaient présents la nuit de l'attentat.
Il est à présent incarcéré, affirme avoir fait amende honorable et participe à des programmes de déradicalisation en Indonésie, dont l'efficacité est l'objet de débats.
Ses frères Amrozi et Mukhlas ont été exécutés par balle. Mais Ali Imron a échappé à la mort après avoir fait preuve de remords et révélé des détails du complot aux enquêteurs.
Douleur des victimes
En août, Jakarta a accordé la liberté anticipée à Umar Patek, l'"expert en explosifs" des attentats de Bali, selon plusieurs médias. Celui-ci affirme avoir été déradicalisé après avoir purgé la moitié de sa peine de prison.
Mais les autorités indonésiennes ont pour le moment suspendu sa libération, après des protestations de Canberra.
"Nous avons fait part au gouvernement indonésien de notre position sur la libération d'individus condamnés pour les attentats de Bali et souligné la douleur que cela causerait aux victimes et aux familles", a déclaré un porte-parole du ministère australien des Affaires étrangères.
La cheffe de la diplomatie australienne Penny Wong est attendue à une cérémonie mercredi à Bali à la mémoire des victimes.
Ali Imron espère bénéficier d'une décision similaire. Il dit avoir déposé une demande de grâce présidentielle cette année mais ne pas avoir reçu de réponse.
Les autorités indonésiennes n'ont pas fait de commentaires.
L'Indonésie a posé des conditions strictes pour les libérations anticipées : les condamnés pour terrorisme doivent faire allégeance à l'Etat indonésien et renier leurs réseaux. Mais la remise en liberté de ces condamnés reste très controversée.
"Que pensent-ils vraiment ? Personne ne le sait. On ne saura jamais si c'est sincère ou pas. Il faut plutôt juger les actes", estime Sana Jaffrey, la directrice de l'Institut d'analyse politique des conflits (IPAC), un centre de réflexion dont le siège est à Jakarta.
Ali Imron affirme avoir suivi les ordres de son frère aîné à la suite de l'invasion de l'Afghanistan par les Etats-Unis, mais il reconnaît à présent que les attentats de Bali étaient "un mauvais acte de djihad".
Il dit avoir contribué à la déradicalisation de quelque 400 djihadistes et a participé à des campagnes de promotion de la tolérance auprès des jeunes.
S'il recouvre la liberté, il promet de continuer à "promouvoir la déradicalisation".
« Mécanisme de survie »
Ce message pourrait cependant être principalement motivé par l'espoir d'une libération anticipée, selon des experts.
"Ca fait partie de son mécanisme de survie. Il est obligé de dire cela", relève Noor Huda Ismail, un spécialiste du terrorisme en Asie du Sud-Est.
Mais pour les victimes, comme Thiolina Marpaung, une libération serait un nouvel affront et elle supplie qu'on ne lui accorde pas une réduction de peine.
"Il peut dire qu'il s'est repenti et a changé, mais seul Dieu connaît la vérité".