IZIOUM: Tandis qu'une pluie de missiles russes s'abattait lundi sur de nombreuses villes en Ukraine, des cheminots réussissaient l'exploit de rétablir dans sa partie orientale une liaison ferroviaire coupée du fait des combats.
A la suite de l'attentat au camion piégé qui a endommagé un pont par lequel passent les principales route et voie ferrée reliant la Russie à la péninsule ukrainienne occupée de Crimée, l'armée russe a en effet intensifié ses frappes sur des cibles civiles.
Mais, malgré ces bombardements, le transport par rail des passagers a repris entre Izioum, une cité de l'est récemment reconquise par les forces ukrainiennes, et Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine, dans le nord-est, après une interruption de sept mois imposée par l'offensive russe déclenchée le 24 février.
"Les trains circuleront deux fois par jour, tous les jours", a assuré Andreï Gadiatsky, le directeur des chemins de fer d'Izioum, debout sous la pluie devant les fenêtres barricadées de la gare partiellement incendiée.
Pour certains habitants de cette région au coeur des combats sur le front oriental, c'est le moyen d'enfin pouvoir accéder aux produits de première nécessité.
"Cela leur permettra d'aller à Kharkiv, d'utiliser leurs cartes bancaires", a souligné M. Gadiatsky.
Raissa Starovoïtova s'est rendue à la gare lundi parce qu'elle avait du mal à donner foi aux rumeurs selon lesquelles les trains circulaient à nouveau.
"Je suis venue me renseigner sur le train car j'ai besoin de retourner à Kharkiv", a-t-elle déclaré à l'AFP, soulagée de se voir confirmer qu'elle pourrait partir plus tard dans la semaine.
Cette enseignante à la retraite de 65 ans avait regagné Izioum après le départ des Russes, pour voir ce qui était arrivé à sa maison.
"Ils ont pris tout ce qu'ils pouvaient... les matelas, la literie... Je suis venue pour au moins prendre la literie, mais elle n'y était plus", a-t-elle raconté.
L'ancienne navette pour l'aéroport
Il n'y a pas d'électricité pour alimenter les locomotives qui desservaient autrefois le réseau de l'est de l'Ukraine et les missiles russes touchent encore régulièrement les gares de triage de Kharkiv.
Mais un train diesel ukrainien DPKr-3 qui faisait autrefois la navette entre Kiev et l'aéroport international de la capitale ukrainienne, celui de Boryspil, a été remis en service... 600 kilomètres plus à l'est.
Au début de la guerre, Izioum a subi d'intenses bombardements de la part de l'armée russe, qui l'a finalement occupée de début avril à sa reconquête le mois dernier par les soldats ukrainiens.
Après le retrait des Russes, la découverte d'une fosse commune et de cadavres de victimes de tortures a fait d'Izioum un symbole des atrocités présumées commises par les occupants.
Aujourd'hui, cette cité est à nouveau reliée à la capitale régionale, Kharkiv, par la ligne ferroviaire, avec des arrêts dans d'anciennes villes de la ligne de front comme Savyntsi, Tsyganska et Balakliya.
Maria Tymofienko n'est pas allée à Balakliya depuis le début de la guerre.
"J'ai 73 ans et je dois toujours faire du vélo car les bus ne circulent pas", confie-t-elle à l'AFP, à bord du train qui serpente à travers des collines boisées sous un ciel gris.
Elle espère que Balakliya, où elle a de la famille, lui offrira un répit après Izioum, désormais en ruines.
Un voisin «a été pendu»
"Je n'ai aucun espoir. Si c'est comme à Izioum, je ne sais pas. Ici, ils ont fait irruption dans mon appartement, mon garage. Ils ont tout volé. Ils ont mangé toutes mes conserves. Ils ont pris tous les outils", a-t-elle affirmé à l'AFP, clignant des yeux pour retenir ses larmes.
"Tant de gens sont morts sous les décombres. Des appartements ont été détruits, des écoles. C'était terrifiant", a-t-elle poursuivi, bien emmitouflée en ces premiers jours humides et froids de l'automne.
"Tant de gens ont été torturés, emmenés, battus. Un homme, mon voisin de la rue d'en face, a été pendu".
"Hier, ma petite-fille m'a appelée et m'a dit : "Grand-mère, j'ai vérifié sur internet et le train pour Balakliya reprendra du service demain". Et j'ai dit : 'd'accord, d'accord, je vais le prendre'".