PARIS: Monde du sport, du travail, administrations, commerces, industries... Tous les secteurs ont été sollicités: le gouvernement français présente jeudi en grande pompe son plan de sobriété énergétique, destiné à préparer un hiver difficile, sans gaz russe et avec de nombreux réacteurs nucléaires arrêtés.
Parmi les "dizaines de mesures" prévues, figurent un appel à moins chauffer et moins éclairer, un encouragement au télétravail, une incitation financière au covoiturage ou encore la coupure de l'eau chaude dans les administrations (sauf douches)...
Objectif: réduire de 10% la consommation d'énergie de la France en deux ans, et dans l'intervalle, faire que le pays passe l'hiver sans coupure de gaz ni d'électricité.
Un demi-siècle après le premier choc pétrolier, les Français, ménages comme entreprises, vont ainsi devoir réapprendre à réduire leur consommation électrique aux heures de pointe, le matin et le soir, et brûler moins de gaz tout au long de l'hiver, pour économiser les réserves qui sont pleines mais ne suffiront pas.
Pour signifier l'urgence, pas moins de neuf ministres se succéderont tout l'après-midi, échangeant avec des élus locaux, des représentants d'entreprises ou encore du Haut conseil pour le climat, pour présenter ces "mesures d'économie", fruit d'un travail de quelques mois.
L'événement, au Parc des expositions de la porte de Versailles à Paris, sera clos par la Première ministre Elisabeth Borne.
C'est elle et sa ministre de la Transition énergétique qui avaient annoncé fin juin le lancement de ce plan, "première marche" pour réduire la consommation énergétique de la France de 40% d’ici à 2050 et oeuvrer à la neutralité carbone. "A plus long terme, la sobriété énergétique sera fondamentale pour atteindre nos objectifs climatiques", avaient-elles souligné.
"Ce plan sobriété est un plan volontaire de long terme qui part du terrain et qui a vocation à être irréversible", a dit mercredi la ministre Agnès Pannier-Runacher devant les députés. "Il mobilise au premier chef les grandes entreprises, les grandes collectivités locales et évidemment l'Etat, car l'effort doit venir tout d'abord de ceux qui ont le plus de moyens et de ceux qui ont le plus d'impact".
Eau tiède et télétravail
Le chauffage de l'eau représente 10% de l'énergie pour les bâtiments publics, explique-t-on au ministère de la Fonction publique, qui doit aussi annoncer une revalorisation de 15% de l’indemnisation télétravail, à 2,88 euros par jour.
Au coeur des préconisations figure le fameux maintien de la température intérieure à 19°C, dans le code de l'énergie depuis 1978.
"C'est la loi, mais les clients nous demandaient plutôt 21°C voire 22, parce que le prix des énergies fossiles était bas", relève Pierre de Montlivault, président de la fédération des services de l'énergie. "Aujourd'hui les conditions sont réunies pour qu'ensemble, entreprises, syndics, bailleurs..." le fassent "pour de bon".
Du côté du sport, représenté jeudi notamment par Tony Estanguet, du comité d'organisation des JO de Paris 2024, on prévoit de baisser le chauffage des équipements, un degré en moins dans les piscines, et une modération des éclairages avant et après matches.
Au chapitre de l'éclairage, un décret est paru jeudi au Journal officiel pour généraliser l'extinction des lumières des magasins et des publicités lumineuses entre 1 et 6 heures.
Jeudi sera aussi lancée une campagne de communication pour marteler que "chaque geste compte"... Mais "il n'est pas question de demander des efforts supplémentaires aux 12 millions de Français en situation de précarité énergétique", a dit Mme Pannier-Runacher.
Avec la flambée des cours de l'énergie, nourrie par la reprise post-Covid et la guerre en Ukraine mais aussi par les problèmes des réacteurs nucléaires d'Electricité de france (EDF), le mot "sobriété" est arrivé au coeur des politiques publiques, après avoir été souvent tabou.
D'avance, les ONG environnementales ont salué la démarche du gouvernement, tout en appelant, comme France Nature Environnement (FNE), à "voir plus loin que la fin de l'hiver".
Anne Bringault, qui interviendra jeudi pour le Réseau Action Climat, doute ainsi déjà de l'atteinte de l'objectif de -10% sur deux ans, tant qu'"on en reste essentiellement à des encouragements et incitations, sans suivi prévu des engagements pris et des impacts réels des mesures".