Comment l'histoire de l'Albanie peut-elle inspirer les peuples des pays du Moyen-Orient ?

Le représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, Ferit Hoxha, lors d'une interview accordée à Arab News à l'Assemblée générale des Nations unies (Photo, Arab News).
Le représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, Ferit Hoxha, lors d'une interview accordée à Arab News à l'Assemblée générale des Nations unies (Photo, Arab News).
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Publié le Dimanche 18 septembre 2022

Comment l'histoire de l'Albanie peut-elle inspirer les peuples des pays du Moyen-Orient ?

  • Ferit Hoxha, représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, évoque deux époques différentes: avant et après le communisme
  • L'Arabie saoudite et les autres pays du Golfe peuvent contribuer à insuffler une énergie positive aux autres pays du Moyen-Orient

NEW YORK: Il existe peu de formes de souffrance humaine dans le monde d'aujourd'hui que l'Albanie, pays des Balkans, n'ait pas connues tout au long de son parcours plein de souffrance au XXe siècle.

L’Albanie a connu un isolement comparable à celui de la Corée du Nord lorsque la dictature stalinienne répressive qui l'a gouvernée de 1945 à 1985 l'a coupée des informations et des influences extérieures, sans compter son défaut d'être un pays historiquement obscur et inaccessible.

Enver Hoxha a coupé les liens non seulement avec l'Occident, mais aussi avec l'ancienne Yougoslavie, l'Union soviétique elle-même et, finalement, la Chine.

Sous son règne de 41 ans, les Albanais avaient connu ce que les Syriens contemporains ne connaissent que très bien — la cruauté et l'absurdité de la vie sous un régime totalitaire, avec d'innombrables morts et la disparition forcée d'êtres chers dans des camps de prisonniers, pendant que le reste du pays plongeait dans le dénuement économique et la misère.

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Le chef d'État albanais Enver Hoxha vote en novembre 1978 (Photo, AFP).

Comme les Libanais et les Yéménites d'aujourd'hui, les Albanais d'alors n'avaient connu qu'une vie de files d'attente pour le pain et le carburant.

Le grand stratagème de Ponzi auquel les Libanais se sont réveillés et qu'ils continuent de subir depuis 2019 a également un précédent en Albanie. Dans les années 1990, le pays a été secoué par la montée et l'effondrement dramatiques des systèmes pyramidaux, mais dans un sens plus littéral.

Des centaines de milliers d'Albanais ont perdu leurs économies. Lorsque les systèmes se sont effondrés, des émeutes ont éclaté dans tout le pays, le gouvernement est tombé, la nation a sombré dans l'anarchie et une quasi-guerre civile s'est ensuivie, au cours de laquelle 2 000 Albanais ont été tués.

Et comme les Afghans, les Ukrainiens et les plus de 200 millions d'autres migrants en déplacement dans le monde aujourd'hui, les Albanais connaissent la douleur de l'exil et du déplacement. Pendant la guerre civile, ils ont fui le pays en masse. De nombreux Albanais qui tentaient de s'échapper ont été abattus.  De nouveau, à la fin des années 1990, des centaines de milliers d'Albanais de souche ont fui le Kosovo pour échapper aux forces serbes en maraude.

Mais la rupture est arrivée. En décembre 1990, un peu plus d'un an après la chute du mur de Berlin, le gouvernement communiste de l'Albanie est tombé, marquant la fin de l'histoire, après laquelle l'Albanie ne pouvait suivre qu'une seule voie — vers le capitalisme, la démocratie et la liberté. 

Ferit Hoxha, représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, se souvient clairement d'un monde violemment scindé en deux: avant et après le communisme autoritaire.

Il a déclaré à Arab News: «J'ai grandi dans un pays où il y a un seul journal, une seule voix, une seule ligne, et où l'on n'a pas le droit de penser. Mes parents m'ont dit de réfléchir à deux fois à ce que je disais et à qui je le disais.»

«La liberté commence lorsque vous mettez en doute ce que vous entendez. La liberté ne signifie pas que vous pouvez faire tout ce que vous voulez. Non. La liberté se construit à travers les institutions, les lois, les règles, la responsabilité, la justice», a-t-il ajouté.

La quête de la liberté a une résonance profonde dans un pays comme l'Albanie, dont la chronique de l'histoire politique, selon Hoxha, a un thème récurrent: la domination.

«À travers les siècles, les Albanais se sont battus afin de trouver réellement leur place, leurs droits pour définir leur avenir. Ils n'en ont pas toujours eu la possibilité», a-t-il affirmé . Il a mentionné que les Albanais ont toujours résisté grâce à «la langue, la culture, l'identité».

Il a rappelé une époque où son pays était un paria dans le monde. «Et certainement, quand vous êtes un petit pays et pas un pays important comme nous l'étions à l'époque, vous êtes tout simplement oublié. Vous pouvez penser que vous êtes le centre du monde, mais en réalité, vous êtes oublié.»

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Photos d'ecclésiastiques catholiques romains tués ou persécutés en Albanie, avant la visite du pape François en 2014 (Photo, AFP).

 

Trente ans plus tard, l'Albanie est tout sauf oubliée. Alors que le monde connaît des bouleversements sans précédent, avec des malheurs allant de la pandémie de coronavirus et de la guerre en Ukraine à la sécheresse et à la famine imminente en Somalie, l'Albanie a été l'une des voix les plus fortes à défendre les laissés-pour-compte depuis son siège au Conseil de sécurité des Nations unies.

Les pays membres, qui font souvent campagne pendant des années pour obtenir un siège, ont leur mot à dire sur les missions de maintien de la paix et les autres approches du Conseil concernant les zones sensibles de conflit, ainsi qu'une voix forte sur les questions de paix et de sécurité internationale.

Comment cela s'est-il produit ? Qu'est-ce qui, au cours des 30 dernières années, a fait passer l'Albanie du statut d'État paria à celui de grand défenseur des valeurs universelles sur la scène internationale ?

Hoxha a clarifié: «Ce qui s'est passé, c'est une transformation. Les progrès et les changements observés (au début des années 1990) ne ressemblaient à rien à ce que l'Albanie avait connu au cours des 2 500 dernières années. Le changement était si radical, le désir si fort, et la transformation si profonde.»

Il est conscient que le passé douloureux de l'Albanie semblera familier aux habitants de nombreux pays, même en ces temps postmodernes

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Le représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, Ferit Hoxha, lors d'une interview accordée à Arab News à l'Assemblée générale des Nations unies (Photo, AN).

Ses discours passionnés au Conseil de sécurité portent en eux la conviction de l'expérience vécue. Lorsqu'il inscrit la Charte des Nations unies et les principes universels dans ses déclarations, celles-ci prennent un sens nouveau. Ses paroles dans la salle prennent le son de la vérité et de la clarté.

Lors d'une récente réunion du Conseil de sécurité sur la Syrie, par exemple, Hoxha a commencé par dire qu'il n'y avait pas d'autre endroit dans le monde où l'expression «aucune fin en vue» s'applique qu’à la Syrie.

Il a souligné qu'après 11 ans de violence et «tous les crimes commis par beaucoup, mais surtout par le régime qui a tout déclenché, la solution en Syrie repose désormais sur le processus politique, et je ne crois pas qu'il y aura un processus politique significatif sans responsabilité».

Hoxha a ajouté: «Si j'étais une personne âgée en Syrie aujourd'hui, malgré tout ce que j'ai pu souffrir, malgré le nombre de membres de ma famille qui sont morts ou disparus parmi les 130 000 personnes portées disparues, et malgré le fait que de nombreux membres de ma famille se trouvent dans les prisons notoires du régime, je me poserais une question: Puis-je construire mon avenir avec les mêmes personnes ? Puis-je construire mon avenir avec la même domination d'une partie du pays sur tout le reste ?»

«Si la réponse est oui, alors nous allons voir le prochain chapitre de la guerre commencer.»

«Parce qu'il y a une chose que nous avons appris à travers les milliers d'années de domination de l'Albanie — en fin de compte, quoi que nous fassions, les gens veulent la liberté, la paix et la prospérité. Au fond de vous, vous avez ce désir ardent de vivre réellement une vie digne. Il n'y a aucun être humain sur Terre qui aimerait vivre sans un minimum de dignité», a-t-il indiqué.

Il a poursuivi: «C'est pourquoi pour moi, sans rendre des comptes, la Syrie ne verra pas de fin.»

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Un officier salue les membres du train de la seule académie militaire d'Albanie, à 30 kilomètres de Tirana, qui se préparent à travailler avec la force internationale qui sera déployée dans le pays (Photo, AFP/Archives).

De la Palestine au Yémen, en passant par la Libye et le Liban, il y avait un point commun, selon Hoxha, et c'était «l'instabilité». Bien que chaque situation soit unique, Hoxha attribue la responsabilité de l'instabilité aux classes politiques qui n'ont pas réussi à s'unir ou à passer de leurs intérêts étroits à ceux de leur peuple et de leur pays.

Il a ajouté: «C'est l'une des grandes faiblesses de la classe politique. Lorsque la classe politique n'est pas vraiment capable de s'unir, alors vous avez des institutions faibles qui ne permettent pas au pays de vraiment avancer.»

«Il y a donc un grand test de maturité à acquérir pour de nombreux pays. Voulons-nous construire des choses pour nous tou, ou seulement pour certains d'entre nous ?», a-t-il avisé.

Hoxha a indiqué: «C'est pourquoi nous sommes maintenant si désireux de soutenir la trêve, de la prolonger et de résoudre les problèmes restants, comme la fermeture des routes à l'entrée et à la sortie de Taïz, le manque de coopération des Houthis, etc.»

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«Il y a une chose que nous avons appris à travers les milliers d'années de domination de l'Albanie — en fin de compte, quoi que nous fassions, les gens veulent la liberté, la paix et la prospérité.»

 Ferit Hoxha, représentant permanent de l'Albanie auprès de l'ONU

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En Libye, le problème était la légitimité, selon Hoxha.

Il a indiqué: «Aujourd'hui, nous avons deux gouvernements en Libye, deux cadres parallèles et rien de bon ne peut en sortir tant qu'une certaine légitimité n'est pas restaurée.»

Tout comme l'Albanie avait des amis qui soutenaient son peuple alors qu'elle s'efforçait de trouver ses repères dans un monde nouveau après des années d'isolement, Hoxha croit que le Moyen-Orient peut bénéficier de «l'énergie positive» que l'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe peuvent insuffler à une région autrement misérable.

Hoxha a souligné que leur rôle n'était nulle part aussi nécessaire que dans le conflit israélo-palestinien.

Il a décrit l'Arabie saoudite et le reste des pays du Golfe comme des acteurs importants qui deviennent plus actifs.

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Une poignée de communistes albanais crient des slogans en tenant un portrait du défunt dictateur communiste albanais, Enver Hoxha, lors d'une marche du 1er mai à Tirana, le 1er mai 2016 (Photo, AFP).

Hoxha a poursuivi: «L'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe peuvent être extrêmement utiles pour faire avancer non seulement la cause des femmes, de la paix et de la sécurité, et pour faire progresser les droits partout, mais aussi, plus que tout, ils peuvent contribuer à insuffler aux pays du grand Moyen-Orient une énergie positive, pour leur permettre de sortir de l'ornière dans laquelle ils sont coincés depuis 70 ans ou plus.»

Hoxha a affirmé que le pouvoir des pays du Golfe était «immense», que leur influence augmentait et que leur capacité était là, mais qu'ils devaient agir de manière plus coordonnée.

«Parce qu'ils sont importants en soi, mais ils ont aussi des amis et des relations avec d'autres puissances. Et j'espère que cela sera utilisé non seulement au niveau bilatéral, mais aussi au niveau régional et mondial, afin de faire vraiment pression pour la paix et pour une solution pour le Moyen-Orient.»

«Nous demandons un rôle plus important et mieux coordonné avec les autres acteurs pour nous assurer que nous avons un processus qui aiderait vraiment tout le monde à avancer dans le conflit le plus complexe et le plus tragique que nous ayons connu depuis la Seconde Guerre mondiale, à savoir le conflit israélo-palestinien», a-t-il soutenu.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. » 


Trump fait vaciller le lien transatlantique

Trump fait vaciller le lien transatlantique
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  • le rapprochement opéré par le président américain avec la Russie de Vladimir Poutine, au détriment de l'Ukraine, porte un coup sérieux à ce lien et place les Européens devant leurs responsabilités.
  • Le président américain, qui déclare vouloir mettre rapidement fin au conflit ukrainien, a provoqué un séisme politique en renouant le contact avec le président russeSSIE,

WASHINGTON : En l'espace de quelques jours, Donald Trump a ébranlé le lien transatlantique.S'il est trop tôt pour parler de la fin de ce lien historique, qu'il aura fallu 80 ans pour consolider, le rapprochement opéré par le président américain avec la Russie de Vladimir Poutine, au détriment de l'Ukraine, porte un coup sérieux à ce lien et place les Européens devant leurs responsabilités.

Témoignant d'un sentiment d'urgence, le président français Emmanuel Macron, qui a multiplié les appels à son homologue américain, se rend lundi à Washington pour s'en expliquer avec Donald Trump.

Il sera suivi de peu par le Premier ministre britannique Keir Starmer, qui sera reçu à la Maison Blanche jeudi.

« Je vais lui dire : “Au fond, tu ne peux pas être faible face au président Poutine” », a expliqué le président français jeudi.

« Je vais lui dire : “Si tu laisses l'Ukraine aux mains de Poutine, la Russie sera inarrêtable pour les Européens, pour tous”.  Il a également mis en garde contre une « faute stratégique énorme ».

Le président américain, qui déclare vouloir mettre rapidement fin au conflit ukrainien, a provoqué un séisme politique en renouant le contact avec le président russe, persona non grata auprès des Européens et de l'administration précédente américaine.

Cette initiative a été suivie mardi dernier à Ryad, en Arabie saoudite, par une réunion sans précédent depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022 entre hauts responsables américains et russes, au cours de laquelle ils se sont engagés à nommer des équipes de négociation. Ni Kiev ni les Européens n'ont été invités à la table des négociations.

Parallèlement, Donald Trump monte la pression sur le président ukrainien Volodymyr Zelensky en le qualifiant de « dictateur » et en disant qu'il n'avait « aucune carte en main ».

Il ne cache pas sa colère envers le dirigeant ukrainien, qui a refusé de conclure un accord sur l'exploitation des minerais dans son pays.

- « Un moment dangereux » -

« Je pense que nous vivons actuellement un moment assez difficile et très dangereux où les deux côtés de la communauté transatlantique, pour ainsi dire, s'éloignent de plus en plus l'un de l'autre », a-t-il déclaré à l'AFP, en marge d'une conférence de conservateurs américains près de Washington.

Pour Nigel Gould-Davies, de l'Institut international des études stratégiques (IISS) à Londres, « il s'agit d'une crise transatlantique sans précédent ».

« Pendant la guerre froide, on craignait que l'Amérique ne se découple de l'alliance, n'abandonne l'Europe et ne retombe dans l'isolement. Ce qui commence maintenant est pire : en négociant avec la Russie par-dessus les Européens et en intervenant dans la politique européenne, les États-Unis ne se contentent pas de se découpler de l'Europe, mais décident pour elle et la perturbent », écrit-il.

Pour Donald Trump, l'Europe a mangé son pain blanc.

Le président américain accuse les Européens de ne pas partager le fardeau et de pratiquer une concurrence déloyale en matière commerciale.

Il exhorte les pays européens à prendre davantage de responsabilités en matière de défense, soulevant même des doutes quant à la volonté des États-Unis d'apporter leur aide à leurs alliés de l'OTAN en Europe en cas de besoin.

Donald Trump avait déjà fortement secoué les Européens lors de son premier mandat, de 2017 à 2021.

Son successeur, le président démocrate Joe Biden, a donc pu se vanter d'avoir « restauré » les alliances de l'Amérique, y compris au sein de l'OTAN.

Selon Jeremy Shapiro, du European Council on Foreign Relations à Bruxelles, il ne s'agit pas d'un complot contre l'Europe, mais d'une nouvelle démonstration de l'insignifiance croissante de l'Europe sur le plan géopolitique.

- « Tête froide » -

Les Européens entendront-ils ce message ?

L'Europe « doit en faire beaucoup plus, non seulement pour assurer notre propre défense, mais aussi pour soutenir l'Ukraine, car nous traversons une période extrêmement critique de l'histoire mondiale », a concédé le chef de la diplomatie danoise, Lars Løkke Rasmussen, dans un entretien à l'AFP mercredi.

De son côté, la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Kaja Kallas, a appelé jeudi la population du Vieux Continent à « garder la tête froide ».

Reste que selon Max Bergmann, du Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington, « la situation sécuritaire est très précaire en ce moment ; pour les Européens, c'est le feu aux poudres ; c'est un peu la panique ».

« Mais je pense que ce que l'on demande à l'Europe maintenant, ce n'est pas seulement qu'elle en fasse un peu plus, mais qu'elle prenne effectivement des mesures qui la feraient émerger, franchement, comme une superpuissance », a-t-il déclaré à l'AFP. 


Cinq candidats retenus pour la présidence de la Banque africaine de développement

Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement (BAD), s'exprime lors de la célébration du 60e anniversaire de l'institution à l'hôtel Sofitel Ivoire d'Abidjan, le 10 septembre 2024. (AFP)
Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement (BAD), s'exprime lors de la célébration du 60e anniversaire de l'institution à l'hôtel Sofitel Ivoire d'Abidjan, le 10 septembre 2024. (AFP)
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  • Cinq candidats ont été officiellement retenus pour succéder au Nigérian Akinwumi Adesina à la tête de la Banque africaine de développement (BAD), lors de l'élection prévue le 29 mai
  • La BAD, fondée en 1964, compte 81 pays membres, dont 54 pays africains

Abidjan, Côte d'Ivoire: Cinq candidats ont été officiellement retenus pour succéder au Nigérian Akinwumi Adesina à la tête de la Banque africaine de développement (BAD), lors de l'élection prévue le 29 mai, a annoncé vendredi l'institution basée à Abidjan.

Deux candidats viennent d'Afrique de l'ouest: les anciens ministres de l'Economie du Sénégal (2019-2022), Amadou Hott et de Mauritanie (2008-2015) Sidi Ould Tah.

Deux autres sont originaires d'Afrique australe: l'économiste zambien Samuel Munzele Maimbo et la Sud-Africaine Bajabulile Swazi Tshabalala qui a été vice-présidente de l'institution.

Le dernier candidat est l'ancien gouverneur de la Banque des Etats d'Afrique centrale (2017-2024), le Tchadien Abbas Mahamat Tolli.

La BAD, fondée en 1964, compte 81 pays membres, dont 54 pays africains.

Elle fait partie des grandes banques multilatérales de développement et ses ressources proviennent notamment des souscriptions des pays membres, des emprunts effectués sur les marchés internationaux, et des remboursements et revenus des prêts.

Elle aide les pays africains en favorisant l'investissement dans des projets dans divers secteurs comme l'agro-industrie, le transport ou encore l'énergie ou la santé.

M. Adesina passe la main à la tête de l'institution après deux mandats de cinq ans pendant lesquels le capital souscrit de la BAD a plus que doublé, à près de 200 milliards de dollars.

Il avait été réélu en 2020, unique candidat, malgré des accusations de mauvaise gestion et de favoritisme. Il avait été disculpé peu avant par un comité d'experts.

Le président de la BAD est élu par le conseil des gouverneurs constitué des représentants des 81 pays membres, qui sont habituellement les ministres des Finances et du Plan ou des gouverneurs de banques centrales.

L'élection doit se tenir le 29 mai à Abidjan, siège de l'institution.