SAN FRANCISCO: Le procureur général de la Californie a lancé mercredi des poursuites contre Amazon, qu'il accuse d'abuser de sa position dominante pour freiner la concurrence et faire monter les prix, une plainte qui s'ajoute aux déjà nombreuses tentatives des régulateurs pour freiner l'expansion du géant.
"Amazon force les commerçants à accepter des accords qui maintiennent les prix artificiellement élevés, en sachant très bien qu'ils ne peuvent pas se permettre de dire non", a déclaré le procureur Rob Bonta dans un communiqué.
"Depuis des années, les consommateurs californiens payent plus cher pour les achats en ligne à cause des pratiques anticoncurrentielles d'Amazon", assène-t-il.
D'après l'enquête menée par le bureau du procureur, le mastodonte du e-commerce "pénalise sévèrement" les entreprises si leurs produits sont vendus moins chers sur d'autres plateformes.
Les autres places de marché n'ont donc aucune chance d'émerger, explique le parquet, puisque Amazon domine la consommation en ligne, notamment grâce à son programme de fidélisation, Prime.
Selon une étude menée par Feedvisor et citée par le communiqué, 96% des abonnés à Prime sont plus susceptibles d'acheter des produits sur la plateforme que n'importe où ailleurs, et 74% de l'ensemble des consommateurs américains vont directement sur Amazon quand ils ont décidé d'acheter quelque chose sur internet.
En conséquence, "de plus en plus de commerçants tiers adoptent Amazon chaque jour, malgré le fait que leurs coûts totaux pour vendre sur ce site sont largement supérieurs à ceux d'autres magasins en ligne", assure le bureau du procureur.
"Nous n'avons nulle part ailleurs où aller et Amazon le sait très bien", a indiqué un vendeur cité de façon anonyme dans le communiqué.
«Amazon est fier»
De nombreux États américains enquêtent sur les pratiques anticoncurrentielles des géants de la tech et ont lancé des poursuites, notamment contre Google et Meta (Facebook), pour infraction au droit de la concurrence.
Une précédente plainte contre Amazon, déposée par le procureur général de la ville de Washington et similaire à celle de la Californie, a été retoquée en mars par un juge.
"Nous espérons que la justice californienne parviendra à la même conclusion que celle de Washington et rejettera rapidement ces poursuites", a réagi le groupe de Seattle, contacté par l'AFP.
"Les vendeurs fixent leurs propres prix pour les produits qu'ils proposent sur notre magasin", a indiqué le porte-parole. "Amazon est fier d'offrir des prix bas sur une sélection très large. Et comme n'importe quel magasin, nous nous réservons le droit ne pas mettre en avant des offres qui ne seraient pas à des prix concurrentiels".
Il assure que si Rob Bonta gagnait son procès, la plateforme serait "forcée d'afficher des prix plus élevés pour les clients, ce qui irait bizarrement contre les principes essentiels du droit de la concurrence".
Amazon insiste à chaque publication de résultats trimestriels et dans des communiqués sur l'influence positive qu'elle estime avoir pour les PME.
En juillet dernier, "les partenaires d'Amazon, qui sont en majorité des petites et moyennes entreprises, ont eu leur meilleur Prime Day", s'est félicité la société au sujet d'une opération promotionnelle. "La croissance de leurs ventes au détail (sur la plateforme) a dépassé celle des produits Amazon".
Californie «hypocrite»
Il va être "extrêmement difficile de prouver qu'Amazon fait monter les prix", a commenté Neil Saunders, un directeur du cabinet GlobalData.
Selon l'analyste, les contrats critiqués par le procureur ne sont pas inhabituels, et n'empêchent pas les commerçants de baisser leurs tarifs, tant qu'ils le font aussi ailleurs, ce qui garantit les meilleurs prix aux clients du site.
"C'est aussi un peu hypocrite de la part de la Californie de feindre l'inquiétude pour les consommateurs, alors que l'Etat applique des politiques qui maintiennent à des niveaux très élevés de nombreux prix et taxes, comme sur l'essence", a-t-il ajouté.
Le Congrès américain travaille de son côté depuis des années à une réforme du droit de la concurrence.
Une série de projets de lois visant directement Google, Apple et Amazon a été approuvée par une commission parlementaire en juin 2021, puis pas la commission judiciaire du Sénat en janvier dernier.
Les textes cherchent à limiter le contrôle exercé par ces sociétés sur leurs plateformes de vente (les boutiques d'applications pour Google et Apple), où elles sont à la fois juges et parties.
Il s'agit par exemple de les empêcher de privilégier leurs propres produits, d'interférer avec les prix fixés par les commerçants ou encore d'utiliser à leur avantage des données non-publiques, générées par les ventes des autres vendeurs.
Mais le vote final a été plusieurs fois repoussé.