L’ONU se réunit pour sa 77e session, le multilatéralisme en jeu

Du changement climatique à la justice sociale en passant par les crises alimentaires et le conflit en Ukraine, l'AGNU se réunit à un moment éprouvant pour le multilatéralisme (Photo, AFP).
Du changement climatique à la justice sociale en passant par les crises alimentaires et le conflit en Ukraine, l'AGNU se réunit à un moment éprouvant pour le multilatéralisme (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 14 septembre 2022

L’ONU se réunit pour sa 77e session, le multilatéralisme en jeu

  • Les dirigeants mondiaux se réunissent à New York pour faire face à une série de crises qui s’accumulent
  • Ces défis, de la crise climatique à la guerre en Ukraine, sont considérés comme un test pour la cohésion mondiale

NEW YORK: La première Assemblée générale de l'ONU à se tenir en personne depuis 2019 se déroule sur fond de crises humanitaires, d'urgences climatiques, de conflits et de turbulences économiques sur presque tous les continents.

L'exécutif de l'organisme mondial est néanmoins impatient de se mettre au travail.

«Cela crée un sentiment d'excitation», a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à Arab News à New York cette semaine, avant la 77e session de l'AGNU.

Au cours des deux prochaines semaines, tous les regards seront tournés vers ce que Dujarric a appelé «la coupe du monde de la diplomatie», à un moment où le besoin de coopération mondiale est peut-être plus urgent et plus évident que jamais.

Un pompier se repose après avoir éteint un incendie dans un appartement touché par un tir de missile à Kharkiv, le 6 septembre 2022, en pleine invasion de l'Ukraine par la Russie. (Photo, AFP)

Des crises continuent de s’accumuler et de se multiplier dans le monde entier. L'insécurité alimentaire menace, les besoins humanitaires augmentent, les engagements climatiques ne sont pas tenus et les inégalités se creusent

Lors de la 77e session de l'Assemblée générale des Nations unies, les dirigeants du monde entier convergeront vers le siège de l'ONU à New York pour discuter des moyens de résoudre collectivement ces problèmes interdépendants dans l'intérêt de tous.

Des militants de la société civile seront présents, ainsi que des représentants du secteur privé et des jeunes du monde entier, dans le cadre d'une initiative phare de la Fondation des Nations unies – Our Future Agenda.

Cependant, un sujet brûlant est dominera sans aucun doute l'agenda des quinze prochains jours: la guerre en Ukraine.

Le conflit n'a pas seulement déchaîné l'horreur sur le peuple ukrainien, mais a été ressenti dans le monde entier, créant de nouveaux défis et aggravant ceux qui existaient déjà.

«Je crois que le message (pour les dirigeants mondiaux) est d’observer et de constater tous les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui», a déclaré Dujarric à Arab News.

«Aucun de ces défis ne peut être résolu unilatéralement par un seul pays. Qu’il s’agisse du changement climatique, des conflits, de la faim, qui sont tous liés, je ne vois pas quelle plus grande définition nous pouvons donner que “des problèmes multilatéraux qui nécessitent des solutions multilatérales”», a-t-il signalé.

Un peu plus de six mois après le début de la guerre en Ukraine, il n'y a toujours «aucune fin en vue du conflit», a affirmé Rosemarie DiCarlo, secrétaire générale adjointe à la consolidation de la paix et aux affaires politiques, lors d'une réunion du Conseil de sécurité en août.

Des personnes attendent de l'eau avec des récipients dans l'un des 500 camps de personnes déplacées en ville, à Baidoa, en Somalie. (Photo, AFP)

Selon les estimations de l'ONU, basées sur des incidents vérifiés, environ 6 000 civils ont été tués et plus de 8 000 blessés au cours des 181 premiers jours du conflit. Les responsables de l'ONU craignent que les chiffres réels soient «considérablement plus élevés».

La guerre a entraîné la plus grande crise de déplacement depuis la Seconde Guerre mondiale. En six mois seulement, près de 8 millions d'Ukrainiens ont fui le pays, dépassant rapidement la crise syrienne, qui a vu 6 millions de Syriens déplacés sur une période de onze ans. Sept autres millions d'Ukrainiens sont déplacés à l'intérieur du pays.

Le nombre de personnes déplacées dans le monde est passé à plus de 100 millions, ce qui constitue un nouveau cap sinistre.

Les changements climatiques, qui ont entraîné des sécheresses, des inondations et des températures extrêmes, ont déplacé des millions de personnes, perturbant les systèmes alimentaires locaux et menaçant des régions entières de famine.

Le Pakistan est la dernière victime en date du «carnage climatique», selon les termes de Guterres, lors d'une récente visite dans ce pays touché par la crise alimentaire.

L'insécurité alimentaire a été aggravée par la guerre en Ukraine, qui a fait exploser le prix mondial des céréales, frappant plus durement les pays vulnérables.

Selon le Programme alimentaire mondial, 345 millions de personnes seront en situation d'insécurité alimentaire aiguë ou à haut risque d'insécurité alimentaire dans 82 pays au cours de l'année prochaine. Il s'agit d'une augmentation de 47 millions de personnes souffrant de faim aiguë en raison des répercussions de la guerre en Ukraine.

En Somalie, des années de sécheresse ont à nouveau fait planer le spectre de la famine, qui devrait frapper certaines régions du pays entre octobre et décembre de cette année.

«J'ai été profondément choqué par le niveau de douleur et de souffrance que nous voyons tant de Somaliens endurer», a déclaré Martin Griffiths, le chef des opérations humanitaires des Nations unies, lors d'une visite à Mogadiscio au début du mois.

«La famine est à la porte, et nous recevons aujourd'hui un dernier avertissement», a-t-il ajouté.

Des membres d'un mouvement féministe d'Afghanistan participent à une manifestation à Kaboul, le 10 mai 2022. (Photo, AFP)

Un an après le retour au pouvoir des talibans, l'Afghanistan reste isolé et appauvri.

Au Moyen-Orient, la tragédie se poursuit en Syrie, avec un pays divisé, des infrastructures en ruines, une économie en lambeaux et des millions de ces citoyens d’avant-guerre toujours dispersés dans la région.

Le Liban continue de souffrir d'une crise financière paralysante et d'une paralysie politique insurmontable, tandis que les habitants de Gaza ont assisté à une nouvelle série de combats dans le conflit qui dure depuis soixante-dix ans, entraînant encore plus de morts et de destruction.

Mais le Moyen-Orient n'est pas le seul à souffrir. Le dernier indice de développement humain des Nations unies montre que la vie est devenue plus difficile dans les années 2020 pour presque tout le monde, le niveau de vie dans plus de 150 pays ayant atteint son niveau le plus bas depuis trente ans.

La pandémie de la Covid-19 a entraîné la plus forte baisse de l'espérance de vie dans la plupart des pays développés depuis la Seconde Guerre mondiale. C'est dans les pays d'Amérique latine et des Caraïbes que les scores d'indice de développement humain (IDH) ont le plus baissé.

En Inde, l'espérance de vie – l'une des principales mesures du niveau de vie – a chuté de trois ans, tandis que les nations d'Afrique subsaharienne ont obtenu les scores d'IDH les plus bas, en partie à cause des conflits brutaux au Sud-Soudan et en Éthiopie.

Ces évolutions ont fortement compromis les progrès récents observés dans certaines des régions les plus pauvres du monde, où l'IDH des 46 pays les moins développés a augmenté près de quatre fois plus vite entre 1990 et 2019.

Par ailleurs, les chiffres de l'ONU montrent qu'environ 50 millions de personnes vivent dans l'esclavage moderne: 28 millions d'entre elles dans le travail forcé et 22 millions dans des mariages forcés. Par rapport aux estimations mondiales de 2016, 10 millions de personnes supplémentaires étaient en esclavage moderne en 2021.

On craint désormais que l'ampleur même de ces défis simultanés ne constitue une menace fondamentale pour l'ordre mondial. La guerre en Ukraine, en particulier, a ébranlé des institutions comme l'ONU.

«En approfondissant les divisions mondiales et en attisant la méfiance à l'égard de nos institutions, la guerre affaiblit les fondements de notre système international», a déclaré  DiCarlo.

«Les conséquences d'une rupture dans la façon dont le monde gère les questions de paix et de sécurité sont effrayantes à contempler», a-t-elle poursuivi.

Le cargo de marchandises sèches Razoni, battant pavillon de la Sierra Leone, transportant une cargaison de 26 000 tonnes de maïs, au départ du port d'Odessa, en mer Noire, au milieu de l'invasion militaire lancée par la Russie sur l'Ukraine. (Photo, AFP)

Guterres lui-même a qualifié la prochaine session de l'AGNU de «test pour le système multilatéral» et pour «la cohésion et la confiance entre les États membres».

En effet, la guerre et l'incapacité des Nations unies à l'empêcher ont soulevé des questions sur le rôle et la pertinence de cette organisation mondiale.

«J'entends ces opinions. J'entends ces messages. Je crois qu'il y a beaucoup de valeurs, beaucoup de véracité dans ces messages», a déclaré Csaba Korosi, le nouveau président de l'AGNU, à Arab News.

«Nous devons continuer à réformer et à transformer l'ONU, notamment l'Assemblée générale, et renforcer notre coopération par la confiance. Sans renforcer la confiance, il sera très, très difficile de faire face aux défis très complexes qui nous attendent.»

«Le monde a besoin de percées sur plusieurs questions brûlantes, comme la gestion de l'eau et la gestion du changement climatique. Tous mes efforts viseront à encourager les États membres, nos partenaires du monde des affaires et de la communauté scientifique, à nous aider à trouver les moments de rupture, les voies de transformation», a-t-il ajouté.

Même face à tant de défis et à la perte de confiance dans les institutions, certains fonctionnaires des Nations unies estiment qu'il y a des raisons d'espérer, notamment la réouverture récente de trois ports de la mer Noire et la reprise des exportations de céréales et d'engrais vers le marché libre dans le cadre d'un accord négocié par les Nations unies entre la Russie et l'Ukraine.

«Franchement, voir l'accord que nous avons pu obtenir sur l'initiative en faveur des grains de la mer Noire est en soi pour moi une lueur d'espoir», a annoncé Dujarric à Arab News.

«C'est un défi. Il peut être fragile. Il peut être ouvert à la critique. Mais le fait que nous ayons obtenu un accord à ce sujet et qu'il soit opérationnalisé au maximum, je pense, nous donne de l'espoir.»

Guterres lui-même estime que l'accord incarne «ce que nous pouvons réaliser avec une volonté politique, une expertise opérationnelle de haut niveau et un effort collectif». 

Interrogé sur le fait de savoir s'il pense que l'accord conduira finalement à un cessez-le-feu, Guterres a répondu: «Nous croyons toujours que l'espoir est la dernière chose que l'on peut perdre, et évidemment j'ai l'espoir que la valeur la plus importante pour l'humanité, à savoir la paix, arrivera aussi dans cette partie du monde.

«Pour nous, à l'ONU, la paix est toujours liée à la Charte des Nations unies et au droit international. Donc, mon espoir est que cet extraordinaire esprit d'engagement que nous avons vu dans le Centre de Coordination Conjoint, résultera dans un processus complexe, sûrement long, mais dans lequel nous voudrions tous voir la paix triompher», a soutenu Guterres.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L’Iran minimise l’impact de l’attaque israélienne, la communauté internationale appelle à la retenue

Vendredi, avant l'aube, des explosions ont été entendues près d'une base militaire dans la région d'Ispahan dans le centre de l'Iran (Photo, AFP/Archives)
Vendredi, avant l'aube, des explosions ont été entendues près d'une base militaire dans la région d'Ispahan dans le centre de l'Iran (Photo, AFP/Archives)
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  • Des drones ont été abattus mais "il n'y a pas eu d'attaque de missiles", a indiqué le porte-parole de l'agence iranienne de l'espace
  • Selon le New York Times, qui cite des responsables iraniens, l'attaque a été menée par de petits drones, probablement lancés depuis le territoire iranien

TEHERAN, La communauté internationale appelle à la retenue après une attaque de représailles contre l'Iran attribuée à Israël, dans un contexte d'escalade au Moyen-Orient depuis la guerre dévastatrice à Gaza où les frappes se poursuivent samedi.

Après une journée de haute tension vendredi dans la région, les frappes aériennes continuent dans différents secteurs de la bande de Gaza.

En Irak, un "bombardement", dont l'origine demeure inconnue, a fait des victimes sur une base abritant des troupes de l'armée et d'anciens paramilitaires pro-Iran de la coalition Hachd al-Chaabi, ont rapporté des sources de sécurité, le tout dans un contexte régional déjà explosif.

Vendredi, avant l'aube, des explosions ont été entendues près d'une base militaire dans la région d'Ispahan dans le centre de l'Iran. Mais les autorités iraniennes ont minimisé l'impact des explosions et n'ont pas accusé directement Israël, qui ne les a pas revendiquées.

Des médias aux Etats-Unis, citant des responsables américains, ont affirmé qu'il s'agissait d'une opération israélienne menée en riposte à une attaque iranienne inédite aux drones et aux missiles contre Israël le 13 avril. Israël a juré de faire payer à l'Iran, son ennemi juré, le prix de son attaque.

Un haut responsable auprès du Congrès américain qui n'a pas souhaité être nommé a confirmé une attaque israélienne en Iran.

Des drones ont été abattus mais "il n'y a pas eu d'attaque de missiles", a indiqué le porte-parole de l'agence iranienne de l'espace. Il n'y a "eu, jusqu'à présent, aucune attaque aérienne depuis l'extérieur des frontières contre Ispahan ou d'autres régions du pays", a-t-il ajouté.

Selon le New York Times, qui cite des responsables iraniens, l'attaque a été menée par de petits drones, probablement lancés depuis le territoire iranien.

De son côté, le Washington Post, citant un responsable israélien ayant requis l'anonymat, a affirmé que l'attaque visait à montrer à l'Iran qu'Israël avait la capacité de frapper à l'intérieur de son territoire.

Pour sa part, l'armée israélienne a refusé de commenter ces événements en Iran.

Désescalade

Les Etats-Unis "n'ont pas été impliqués dans une opération offensive" a déclaré le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, soulignant que "l'objectif" de son pays et des autres membres du G7, réunis à Capri, en Italie, était "la désescalade".

La Maison Blanche n'a pas commenté ces événements sinon pour dire que le président Biden était informé en "temps réel" par ses conseillers à la sécurité nationale et que Washington ne veut pas "d'une guerre étendue avec l'Iran".

Signe de l'inquiétude croissante, l'ambassade américaine en Israël a néanmoins ordonné à ses employés de limiter leurs déplacements dans le pays. Et l'ambassade de Chine en Iran a appelé ses ressortissants à prendre leurs "précautions".

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a fait état de contacts avec l'Iran et Israël. "Nous avons dit aux Israéliens que l'Iran ne veut pas d'escalade", a-t-il précisé.

"Il est grand temps d'arrêter le cycle dangereux de représailles au Moyen-Orient", a dit le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, cité par son porte-parole.

 Contre-attaque calibrée

Pour Sanam Vakil, expert à Chatham House, "la contre-attaque d'Israël contre l'Iran (...) a été calibrée pour éviter des dommages et une nouvelle agression iranienne".

"Tant que l'Iran continue de nier l'attaque et d'en détourner l'attention et qu'aucune autre attaque n'est constatée, les deux parties ont pour l'instant la possibilité de faire baisser l'escalade", a-t-il fait valoir.

Lors de la première attaque directe jamais menée par l'Iran contre le territoire israélien le 13 avril, Israël a affirmé avoir intercepté avec ses alliés, principalement les Etats-Unis, la quasi-totalité des quelque 350 drones et missiles iraniens.

L'Iran a dit avoir agi en "légitime défense" après l'attaque qui a détruit son consulat à Damas le 1er avril et coûté la vie à sept de ses militaires dont deux hauts gradés. Téhéran a accusé Israël qui n'a ni confirmé ni démenti.

Gaza, Turquie, Washington

Les tensions entre Israël et l'Iran se déploient dans le contexte de la guerre en cours depuis plus de six mois dans la bande de Gaza et qui a fait 34.012 morts, principalement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Israël a lancé une vaste offensive à Gaza après une attaque sur son territoire le 7 octobre par des commandos du Hamas, soutenu par l'Iran, et qui a entraîné la mort de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles.

Plus de 250 personnes ont été enlevées durant l'attaque et 129 restent retenues à Gaza, dont 34 sont mortes d'après des responsables israéliens.

En représailles à l'attaque du 7 octobre, Israël a dit vouloir anéantir le Hamas, mouvement islamiste palestinien qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007 et est considéré comme une organisation terroriste par Israël, l'Union européenne et Israël

Outre le lourd bilan humain et les destructions, les quelque 2,4 millions d'habitants sont menacés de famine selon l'ONU qui exhorte à l'entrée de plus d'aide humanitaire dans ce petit territoire.

Le chef du Hamas Ismaïl Haniyeh est arrivé vendredi soir en Turquie et doit être reçu par le président Recep Tayyip Erdogan au moment où le Qatar dit vouloir "réévaluer" son rôle de médiateur dans le conflit à Gaza.

Le Qatar, qui piétine dans la négociation d'une trêve entre le Hamas et Israël, menace de se retirer sous les critiques israéliennes et de certains démocrates américains. Or la Turquie, qui a des relations avec Israël et le Hamas, pourrait en profiter pour tenter de reprendre la médiation.

A Washington, la Chambre américaine des représentants va voter samedi sur un grand plan d'aide pour l'Ukraine, Taïwan et Israël, avec notamment 13 milliards de dollars d'assistance militaire à cet allié en guerre avec le Hamas.

 


Turquie: une "flotille de la liberté" pour Gaza prête à appareiller

Vue de la proue du navire RoRo Akdeniz avant son départ du port maritime de Tuzla, près d'Istanbul, le 19 avril 2024. Une nouvelle "flottille de la liberté" est prête à partir pour Gaza
Vue de la proue du navire RoRo Akdeniz avant son départ du port maritime de Tuzla, près d'Istanbul, le 19 avril 2024. Une nouvelle "flottille de la liberté" est prête à partir pour Gaza
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  • Après cette opération, les relations entre Israël et la Turquie ont connu une succession de crises jusqu'au rétablissement complet de leurs liens diplomatiques en août 2022, avec le retour des ambassadeurs et consuls dans les deux pays.
  • "Israël a attaqué notre flotte en 2010, tué dix de nos volontaires sans jamais avoir eu de comptes à rendre", a renchéri l'avocate américaine Huwaida Arraf, keffieh palestinien autour du cou.

TURQUIE : Une "flottille de la liberté" est prête à appareiller pour Gaza depuis le port turc de Tuzla (ouest) afin de forcer le blocus et d'apporter de l'aide à la population de l'enclave palestinienne.

Au moins trois bâtiments transportant 5.000 tonnes de vivres, d'eau potable et d'aide médicale attendent le feu vert des autorités turques pour lever l'ancre depuis ce port sur la mer de Marmara, au sud d'Istanbul, si possible la semaine prochaine, ont indiqué les organisateurs vendredi.

Quelque 280 militants, défendeurs des droits, avocats et médecins sont prêts à prendre place à bord, venus de plus d'une trentaine de pays dont les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la Norvège, l'Allemagne, l'Espagne ou la Malaisie.

Devant la presse, ils ont réclamé la garantie de leur libre passage et un cessez-le-feu immédiat dans le territoire de Gaza soumis au blocus et aux bombardements israéliens depuis le 7 octobre.

Ann Wright, militante pacifiste et ancienne colonelle de l'armée américaine, qui a précisé avoir "démissionné en 2003 pour protester contre la guerre en Irak", a mis les autorités israéliennes en garde: "Toute tentative d'arraisonner ou d'attaquer nos bateaux sera illégale", a-t-elle prévenu.

Des ouvriers préparent un navire de la coalition de la flottille de la liberté alors qu'il jette l'ancre dans le port maritime de Tuzla, près d'Istanbul, le 19 avril 2024.
Des ouvriers préparent un navire de la coalition de la flottille de la liberté alors qu'il jette l'ancre dans le port maritime de Tuzla, près d'Istanbul, le 19 avril 2024.

"Nous représentons la société civile qui réclame la paix et la justice. Nous demandons au monde de garantir notre sécurité afin de livrer (les biens) de première nécessité à nos frères et sœurs de Gaza", a ajouté Mme Wright.

"Comme vous le savez, cette flottille n'est pas la première", a-t-elle glissé en référence à une précédente expédition restée célèbre, car source de grandes tensions entre Israël et la Turquie.

- Le précédent de 2010 -

En 2010, une "flottille de la liberté" forte de huit cargos et transportant près de 700 passagers, de l'aide humanitaire et des matériaux de construction, avait pris la mer au départ d'Antalya (sud) pour tenter de forcer le blocus de la bande de Gaza et ravitailler la population.

Neuf jours après son départ, le 31 mai, une opération militaire israélienne et l'abordage d'un de ses bâtiments, le Mavi Marmara, avaient fait dix morts et 28 blessés parmi les militants et dix blessés côté israélien.

Après cette opération, les relations entre Israël et la Turquie ont connu une succession de crises jusqu'au rétablissement complet de leurs liens diplomatiques en août 2022, avec le retour des ambassadeurs et consuls dans les deux pays.

"Ce que le peuple palestinien endure actuellement est inimaginable", a insisté Mme Wright. "Le siège de Gaza est illégal, c'est une forme de châtiment collectif qui constitue un crime de guerre".

"Israël a attaqué notre flotte en 2010, tué dix de nos volontaires sans jamais avoir eu de comptes à rendre", a renchéri l'avocate américaine Huwaida Arraf, keffieh palestinien autour du cou.

"Mais de la même façon que le siège de Gaza est illégal, toute tentative d'Israël de nous attaquer ou tenter d'intercepter nos navires sera contraire au droit", a-t-elle insisté.

La gynécologue obstétricienne malaisienne Fauziah Mohd Hasan a remarqué que, pendant que l'escalade des tensions se poursuit entre l'Iran et Israël, "les tueries continuent à Gaza".

"Nous ne pouvons pas laisser Israël distraire le monde sur ce qui cause de plus en plus de morts, de maladies et de destructions à Gaza", a plaidé le Dr Hasan, en évoquant les "plus de 50.000 femmes enceintes" dans l'enclave bouclée.

"Nous savons que des femmes subissent des césariennes sans anesthésie, qu'elles donnent naissance à des bébés prématurés et trop petits, qu'elles ne peuvent allaiter en raison du stress", avance aussi la Malaisienne.

La Turquie est l'un des principaux pays fournisseurs d'aide humanitaire à la population palestinienne.

Un neuvième "navire de la Bonté" envoyé par le gouvernement turc est arrivé vendredi au port égyptien d'El-Arish, chargé de 3.774 tonnes d'aide humanitaire.

 


Le vote d'hindous pour Modi et la «gloire de la civilisation de l'Inde»

Une femme vêtue d'une burqa arrive pour voter dans un bureau de vote lors de la première phase des élections générales indiennes à Kairana, dans l'État de l'Uttar Pradesh, le 19 avril 2024. (Photo de Sajjad HUSSAIN / AFP)
Une femme vêtue d'une burqa arrive pour voter dans un bureau de vote lors de la première phase des élections générales indiennes à Kairana, dans l'État de l'Uttar Pradesh, le 19 avril 2024. (Photo de Sajjad HUSSAIN / AFP)
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  • Agé de 73 ans, M. Modi reste très populaire après deux mandats, au cours desquels l'Inde a accru son influence diplomatique et son poids économique
  • Cette ferveur nationaliste hindoue exponentielle inquiète d'importantes minorités, dont quelque 210 millions d'Indiens musulmans

HARIDWAR: Le vieux Ram Bhakt a bravé vendredi la chaleur accablante dans la ville sainte de Haridwar pour donner son vote au Premier ministre Narendra Modi qui, selon lui, est le garant de la "gloire de la civilisation" de l'Inde.

Nichée entre les contreforts de l'Himalaya et les rives du Gange dans l'Etat de l'Uttarakhand (nord), Haridwar est une vieille cité parsemée de temples hindous. Un des sites de prédilection des pèlerins de la foi majoritaire du pays le plus peuplé du monde.

C'est aussi un bastion de M. Modi dont le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) a placé l'hindouisme au coeur de sa politique, dans ce pays qui a inscrit la laïcité dans sa Constitution.

Il a déjà donné au BJP deux victoires écrasantes en 2014 et 2019 en jouant sur la fibre religieuse de l'électorat hindou.

"Je vote pour la gloire de la civilisation de l'Inde", affirme le saddhu Ram Bhakt, homme saint de 96 ans, au front ridé couvert de pigment vermillon et de cendre, appuyé sur sa canne en bois, drapé dans une modeste robe couleur safran.

«Le pays dont nous rêvions»

"Sous Modi, notre pays est devenu ce dont nous, les sages, rêvions depuis toujours", se réjouit-il auprès de l'AFP.

Agé de 73 ans, M. Modi reste très populaire après deux mandats, au cours desquels l'Inde a accru son influence diplomatique et son poids économique.

Les analystes politiques l'ont d'ores et déjà donné vainqueur de ces élections générales qui ont débuté vendredi et se poursuivront en sept étapes jusqu'au 1er juin.

Cette année, il a inauguré dans la ville d'Ayodhya un grand temple dédié à la divinité hindoue Ram, bâti sur le site d'une mosquée vieille de plusieurs siècles détruite par des fanatiques hindous.

Cet événement, très attendu par ses militants, a bénéficié d'une ample couverture médiatique et de festivités publiques dans toute l'Inde.

"La nation est en train de créer la genèse d'une histoire nouvelle", a-t-il clamé aux milliers de personnes rassemblées pour la cérémonie, parmi lesquelles des célébrités de Bollywood et des stars du cricket.

Shiv Shankar Giri, 28 ans, membre d'un ordre monastique hindou à Haridwar, a dit à l'AFP avoir voté pour "celui qui nous a rendu Ram".

"Nous votons tous pour celui qui a rendu l'hindouisme fort", souligne-t-il. "Nous votons pour Modi".

«La protection de notre foi»

Mais cette ferveur nationaliste hindoue exponentielle inquiète d'importantes minorités, dont quelque 210 millions d'Indiens musulmans.

L’Etat de l’Uttarakhand, considéré comme la pierre angulaire géographique de l’hindouisme, est en proie à de vives tensions sectaires.

Des groupes radicaux, vaguement affiliés au BJP, appellent à l’expulsion des musulmans de cet Etat.

Plusieurs musulmans y ont été tués en février lors d'affrontements avec des riverains hindous, à la suite de la démolition par les autorités municipales d'une mosquée qui, selon elles, avait été construite illégalement.

Pour Mukesh Dubey, prêtre d'un petit temple hindou à Haridwar, le fait que le gouvernement Modi défende sa foi est une "duperie" destinée à détourner de difficultés plus graves et urgentes auxquelles l'Inde est confrontée, avec des millions de jeunes diplômés d'universités au chômage.

Les cadeaux religieux ne servent à rien si "les gens n'ont pas de travail et de nourriture", dit-il à l'AFP.

Le BJP devrait néanmoins remporter la victoire à Haridwar, où son candidat avait remporté aux dernières élections 250.000 voix de plus que son principal adversaire.

Uday Bharti, saddhu de 59 ans, est catégorique, le BJP agit en faveur de ce qui "compte le plus".

"Modi a assuré la protection de notre pays et de notre foi", affirme-t-il à l'AFP devant un bureau de vote. "Nous sommes ici pour garantir que Modi continue de faire du bon travail".