PARIS: Il est possible de légaliser une aide active à mourir, mais à de "strictes" conditions. Rendu mardi par le Comité d'éthique, cet avis a été immédiatement suivi du lancement, par Emmanuel Macron, de premières démarches en vue d'un éventuel changement de loi.
Le président de la République a annoncé le lancement d'une large consultation citoyenne sur la fin de vie, qui rendra en mars ses conclusions en vue d'un éventuel changement de "cadre légal" d'ici à la fin 2023. Le chef de l'État n'exclut ni une issue par la voie parlementaire, ni un référendum.
M. Macron, qui envisage de faire du sujet la grande réforme sociétale de son deuxième quinquennat, avait récemment relancé le sujet et, pour donner le signal de départ, n'attendait plus que l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE).
C'est chose faite ce mardi. Le comité, qui s'était saisi de la question l'an dernier, a rendu un avis très nuancé mais qui marque une rupture avec ses précédentes positions en acceptant pour la première fois la possibilité d'une aide "active" à mourir.
Jusqu'alors, l'institution se refusait à voir modifier la loi Claeys-Leonetti qui encadre la fin de vie des malades incurables en France.
Adoptée en 2016, après une première version en 2005, elle interdit l'euthanasie et le suicide assisté, mais permet une "sédation profonde et continue jusqu'au décès" pour des malades en phase terminale et en très grande souffrance, dont le pronostic vital est engagé à court terme.
Désormais, le comité d'éthique accepte l'idée qu'il existe "une voie pour une application éthique d'une aide active à mourir", en particulier pour les patients dont le pronostic n'est engagé qu'à moyen terme mais dont les souffrances sont intolérables.
Toutefois, le comité prévient qu'une telle évolution, dont il renvoie la responsabilité au législateur, ne pourra se faire qu'à de "strictes" conditions.
Ainsi, la demande d'aide active à mourir devrait se faire d'une façon "libre, éclairée et réitérée" par la personne concernée, puis être analysée dans une "procédure collégiale" pour vérifier que les souffrances du patient ne peuvent être apaisées. Et, les soignants impliqués doivent pouvoir faire jouer une clause de conscience pour refuser d'aider le patient à mourir.
Le comité, comme il l'avait fait précédemment, insiste aussi sur l'importance des soins palliatifs, soulignant que les débats sur la fin de vie ne doivent pas se résumer à la question de l'euthanasie ou du suicide assisté.
Enfin, l'institution ne présente pas un visage unanime. Plusieurs de ses membres ont tenu à faire part de leurs doutes, publiés en complément de l'avis de l'institution. Ils y émettent des réserves quant à la mise en place d'une aide active à mourir.
"Cet avis a fait débat au sein du CCNE comme je suppose dans la société française", a admis le rapporteur Alain Claeys, lors d'une conférence de presse.
De fait, la question de la fin de vie fait régulièrement ressurgir des débats en France face à l'exemple d'autres pays européens, tels la Belgique ou les Pays-Bas, où la législation a changé ces dernières années pour autoriser l'euthanasie de manière très encadrée.
«Enorme majorité»
Emmanuel Macron a souvent pris des positions prudentes sur le sujet. "Mon opinion personnelle importe peu", a-t-il encore dit lundi, même s'il a par le passé exprimé son intérêt pour le modèle belge.
Lors du précédent quinquennat, l'exécutif avait ainsi décidé que la fin de vie ne figurerait pas dans son projet de loi de bioéthique.
Reste que le Président a récemment décidé de relancer le sujet, dans un contexte où la notion d'euthanasie est de plus en plus largement acceptée par l'opinion publique et une partie du monde politique.
Pour Jean-Luc Romero-Michel, ancien président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) l'exécutif dispose désormais d'une "énorme majorité" pour voter un tel texte.
En avril 2021, l'Assemblée nationale en avait certes déjà débattu après une proposition de loi du député Olivier Falorni. Mais son examen n'avait pas abouti à cause de milliers d'amendements destinés à faire obstruction, notamment issus de quelques députés de la frange la plus conservatrice de la droite.
Si une nouvelle loi sur la fin de vie peut mettre d'accord la gauche et une partie du centre, elle risque de fait de susciter de vives réticences à droite et à l'extrême droite.
Et, parmi des soignants, des mises en garde se sont déjà exprimées.
Une dizaine de sociétés savantes de professions impliquées dans la fin de vie se sont aussi inquiétées des conséquences éthiques et déontologiques sur leurs métiers d'une éventuelle évolution législative.