NAIROBI : La communauté internationale appelait lundi à saisir "l'opportunité" de paix en Ethiopie, après que les rebelles du Tigré se sont dits prêts à négocier avec le gouvernement sous l'égide de l'Union africaine pour mettre fin à la guerre dans le nord du pays.
Depuis le début du conflit en novembre 2020, les nombreux efforts diplomatiques pour amener autorités rebelles tigréennes et gouvernement fédéral à la même table sont restés vains. Et la reprise des combats le 24 août, après cinq mois de trêve, avait encore assombri les perspectives d'une paix négociée.
Mais dans un communiqué diffusé dimanche soir, les autorités tigréennes issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) se sont dites disposées "à participer à un processus de paix robuste sous les auspices de l'Union africaine" (UA).
Elles avaient jusqu'à présent toujours rejeté la médiation de l'envoyé spécial de l'UA, l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, dénonçant sa "proximité" avec le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.
Le gouvernement, qui avait répété fin juillet être prêt à discuter "n'importe quand, n'importe où" avec une médiation de l'UA, n'avait pas officiellement réagi lundi matin.
Dès dimanche soir, l'UA s'est félicitée de l'annonce tigréenne, saluant une "opportunité unique".
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, ainsi que le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell ont appelé "à saisir cette opportunité".
Les Etats-Unis, dans un communiqué du secrétaire d'Etat Antony Blinken, ont également appelé "les dirigeants du pays à mettre l'Ethiopie sur une voie qui mette fin aux souffrances et permette une paix durable".
"L'Érythrée et d'autres doivent cesser d'envenimer le conflit", a ajouté le chef de la diplomatie américaine.
Ethiopie: les dates marquantes du conflit au Tigré
Voici les dates marquantes du conflit débuté il y a près de deux ans dans la région éthiopienne dissidente du Tigré (nord), après que les rebelles ont accepté dimanche de participer à des pourparlers de paix sous l'égide de l'Union africaine.
Ce conflit a entraîné une grave crise humanitaire et des accusations de possibles crimes de guerre.
Intervention militaire
Le 4 novembre 2020, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, lance une opération militaire contre les autorités régionales du Tigré, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) qu'il accuse d'avoir attaqué deux bases de l'armée fédérale.
Le 13, l'ONU s'alarme d'une "crise humanitaire à grande échelle" après la fuite de dizaines de milliers de civils.
La présence de troupes de l'Erythrée voisine, ennemie jurée du TPLF depuis une guerre frontalière entre 1998 et 2000, est signalée.
Le 28, Abiy Ahmed déclare l'opération militaire "terminée" après la prise de la capitale régionale Mekele, mais les combats se poursuivent.
Accusations d'exactions
Fin février 2021, Amnesty International accuse des soldats érythréens d'avoir tué "des centaines de civils" en novembre à Aksoum.
Le 10 mars, Washington dénonce des "actes de nettoyage ethnique" au Tigré occidental.
Le 23, Abiy Ahmed reconnaît la présence de troupes érythréennes au Tigré, puis annonce leur départ.
Contre-offensive rebelle
Le 28 juin, les rebelles reprennent Mekele, dix jours après avoir lancé une offensive qui leur permet de recouvrer l'essentiel du Tigré.
Le 5 août, les rebelles prennent la ville de Lalibela, dans la région voisine de l'Amhara, classée au patrimoine mondial de l'Unesco .
Mobilisation générale
Le 10 août, Abiy Ahmed appelle la population à rejoindre les forces armées.
Fin octobre, le TPLF revendique la prise de Dessie et Kombolcha, villes amhara stratégiques sur la route menant à la capitale. Le gouvernement dément, mais déclare l'état d'urgence début novembre.
Le 3 novembre, un rapport ONU-Ethiopie conclut à de possibles crimes contre l'humanité commis par "toutes les parties".
A partir du 24, Abiy Ahmed dirige au front une "contre-offensive" pendant deux semaines.
Début décembre, les autorités annoncent la reprise de Lalibela, Dessie et Kombolcha.
Le 20, les rebelles annoncent leur repli vers le Tigré pour "ouvrir la porte" à l'aide humanitaire.
Trêve humanitaire
Le 8 janvier 2022, les rebelles accusent l'Ethiopie d'avoir tué des dizaines de personnes dans une frappe touchant un camp de déplacés à Dedebit.
Le 24 mars, le gouvernement décrète une "trêve humanitaire" pour permettre l'accès de l'aide. Les rebelles s'engagent à respecter un cessez-le-feu.
Le 1er avril, les convois d'aide internationale vers le Tigré reprennent, mais restent insuffisants selon l'ONU.
Le 26, les rebelles affirment s'être retirés de zones qu'ils occupaient en Afar. Le gouvernement dément.
Espoirs de négociations
Mi-juillet, première réunion d'un comité gouvernemental chargé de mener de futures négociations de paix.
Les rebelles affirment constituer une équipe pour d'éventuelles discussions.
Le 25 juillet, une commission onusienne d'enquête sur les violations des droits humains dans le conflit entame sa première visite en Ethiopie.
Reprise des combats
Le 24 août, des combats reprennent dans une zone au sud du Tigré, puis ailleurs à l'ouest et au nord les jours suivants. Gouvernement et rebelles s'accusent mutuellement d'avoir brisé la trêve.
Ces hostilités interrompent l'acheminement de l'aide humanitaire, selon l'ONU.
Le 1er septembre, les rebelles dénoncent une offensive "conjointe" des forces éthiopiennes et érythréennes contre le nord du Tigré depuis l'Erythrée.
Les rebelles prêts à des pourparlers
Les rebelles annoncent le 11 septembre qu'ils sont prêts à participer à des pourparlers de paix sous l'égide de l'Union africaine (UA), une "opportunité unique" de mettre fin à près de deux années de guerre, selon le président de la commission de l'UA.
Processus «crédible»
Les combats dans le nord de l'Ethiopie font rage sur plusieurs fronts depuis la reprise des hostilités le 24 août, dont les deux camps se rejettent la responsabilité.
Les rebelles accusent les armées éthiopienne et érythréenne d'avoir lancé une offensive conjointe depuis l'Erythrée, pays qui borde le nord du Tigré et a déjà prêté main-forte aux forces de l'Ethiopie lors de la première phase du conflit.
Les journalistes n'ont pas accès au nord de l'Ethiopie et les réseaux de télécommunications y fonctionnent de manière très aléatoire, rendant impossible toute vérification indépendante.
Fin juillet, le conseiller national à la Sécurité nationale d'Abiy Ahmed, Redwan Hussein, avait affirmé que le "gouvernement était prêt à discuter à tout moment et n'importe où", ajoutant que "les discussions devraient commencer sans précondition".
Dans leur communiqué, les autorités tigréennes n'ont mentionné aucun préalable, affirmant leur volonté d'un processus de paix "crédible" avec des médiateurs "mutuellement acceptables" ainsi que des observateurs internationaux.
"Nous sommes prêts à respecter une cessation des hostilités immédiate et mutuellement acceptée, afin de créer une atmosphère propice", ont-elles ajouté.
Dans une lettre adressée quatre jours plus tôt à Antonio Guterres, le chef du TPLF, Debretsion Gebremichael, avait proposé une trêve sous condition, demandant notamment "un accès humanitaire sans entrave" et le retour de services essentiels au Tigré, touché par de graves pénuries alimentaires et privé d'électricité, de communications et de services bancaires.
Il demandait également le départ des forces érythréennes présentes sur le territoire éthiopien et le retrait des forces régionales d'Amhara qui ont pris position depuis fin 2020 au Tigré occidental, région contestée et revendiquée par Tigréens et Amhara - deuxième population ethno-linguistique du pays.
Aide humanitaire interrompue
Le bilan du conflit meurtrier au Tigré est inconnu. Mais il a provoqué le déplacement de plus de deux millions de personnes et plongé des centaines de milliers d'Ethiopiens dans des conditions proches de la famine, selon l'ONU.
La reprise des combats a totalement interrompu l'acheminement routier et aérien de l'aide humanitaire dans la région du Tigré et ses voisines de l'Amhara et de l'Afar, selon les Nations unies.
Le conflit dans le nord de l’Éthiopie a éclaté en novembre 2020, quand Abiy Ahmed a envoyé l'armée fédérale au Tigré déloger les autorités dissidentes de la région, les accusant d'avoir attaqué des bases militaires.
Initialement défaites, les forces rebelles du Tigré ont repris le contrôle de la majeure partie de la région courant 2021, lors d'une contre-offensive qui a débordé en Amhara et en Afar. Ils se sont ensuite repliés vers le Tigré.