BARCELONE: Fragilisés par des divisions internes, les partisans de l'indépendance de la Catalogne ont rendez-vous dimanche dans les rues de Barcelone pour leur traditionnelle manifestation du 11 septembre, mais sans le président régional, critiqué par une partie du mouvement pour son dialogue avec Madrid.
"Nous sommes de retour pour gagner. Indépendance!": c'est le slogan choisi par l'Assemblée nationale catalane (ANC), association à la pointe de la lutte pour l'indépendance de cette région du nord-est de l'Espagne, à l'occasion de l'édition 2022 de la "Diada", fête régionale qui a souvent donné lieu depuis 10 ans à d'énormes manifestations.
Avec pour enjeu la relance d'un mouvement qui traverse une période de doute depuis l'échec de la tentative de sécession d'octobre 2017, quand le gouvernement régional de Carles Puigdemont avait proclamé l'indépendance après un référendum d'autodétermination déclaré illégal par Madrid.
"Nous avons fini d'attendre quoi que ce soit des partis, seuls le peuple et la société civile organisée pourront permettre d'accéder à l'indépendance", estime dans son communiqué l'ANC, organisatrice de cette marche, qui a rassemblé jusqu'à 1,8 million de personnes en 2014.
Pour cette influente association, très critique vis-à-vis des négociations engagées avec Madrid par le gouvernement de Pere Aragonès, un indépendantiste modéré, le mouvement séparatiste demeure en position de force, du fait notamment de la majorité qu'il détient au Parlement catalan.
Une telle situation ne peut être "gâchée dans des négociations avec l'Etat espagnol et des rixes internes", insiste l'ANC dans son manifeste.
En conflit avec les organisateurs, M. Aragonès a annoncé qu'il n'assisterait pas à la manifestation. L'an dernier, il avait été la cible de sifflets d'une partie des 108.000 manifestants qui, selon la police, avaient fait le déplacement -- le deuxième chiffre le plus faible depuis dix ans.
"Ma présence là-bas" pourrait être "utilisée à l'encontre du gouvernement que je préside", a-t-il déclaré mercredi.
Les membres du gouvernement régional issus de son parti, la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), seront eux aussi absents du défilé. En revanche, ceux de Junts per Catalunya (JxC, Ensemble pour la Catalogne), partenaire de ERC au sein de la coalition indépendantiste, mais qui défend une ligne dure vis-à-vis de Madrid, seront là.
Le contexte a changé
Fini le temps où cette marche paralysait Barcelone: cinq ans après la crise de 2017, qui avait conduit Madrid à mettre sous tutelle la région et à arrêter les leaders séparatistes n'ayant pas fui à l'étranger, le mouvement indépendantiste peine à retrouver de l'allant.
En cause, les divergences sur la stratégie à adopter. ERC a, en effet, choisi de dialoguer avec le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez, qu'il soutient au Congrès des députés à Madrid. Une ligne maintenue malgré le scandale de l'espionnage de plusieurs dirigeants séparatistes par les services de renseignements espagnols qui a éclaté au printemps.
Cette approche est contestée par les plus radicaux, qui prônent la sécession unilatérale et s'impatientent face à l'absence de réponses concrètes à leurs demandes.
"Nous ne comprenons pas pourquoi le président du gouvernement de Catalogne accepte de se faire prendre en photo avec le gouvernement de Madrid, mais pas avec des centaines de milliers de Catalanes et de Catalans qui demandent l'indépendance", a lancé l'ANC après avoir appris que M. Aragonès ne viendrait pas à la "Diada".
La décision du président régional intervient à un moment particulièrement délicat.
"Le contexte a radicalement changé avec la pandémie et maintenant avec la guerre en Ukraine", explique Ana Sofía Cardenal, professeure de Sciences politiques à l'Université ouverte de Catalogne (UOC).
"Les attentes des citoyens, même ceux qui sont pour l'indépendance, sont différentes": ils veulent "que les politiques résolvent les problèmes" concrets du quotidien, comme l'inflation, souligne-t-elle.
Le nombre de manifestants dans les rues de Barcelone constituera une indication sur le rapport de forces au sein du mouvement indépendantiste.