L'aide nécessaire à l'Ukraine prive de financement d'autres points chauds de la planète

Des réfugiés ukrainiens sont évacués d'Irpin vers Kiev après l'invasion de l'Ukraine par les forces russes. (Shutterstock)
Des réfugiés ukrainiens sont évacués d'Irpin vers Kiev après l'invasion de l'Ukraine par les forces russes. (Shutterstock)
Les réfugiées qui ont rejoint les centres d'accueil pour fuir la guerre en Éthiopie sont désormais confrontées à la baisse de l'aide humanitaire, les donateurs accordant davantage d'attention aux millions de personnes déplacées en Ukraine. (AFP)
Les réfugiées qui ont rejoint les centres d'accueil pour fuir la guerre en Éthiopie sont désormais confrontées à la baisse de l'aide humanitaire, les donateurs accordant davantage d'attention aux millions de personnes déplacées en Ukraine. (AFP)
Sacha (12 ans), un réfugié ukrainien, pose pour une photo dans le Centre d'aide humanitaire installé dans le hall de la Global Expo à Varsovie, le 15 juillet 2022. (AFP)
Sacha (12 ans), un réfugié ukrainien, pose pour une photo dans le Centre d'aide humanitaire installé dans le hall de la Global Expo à Varsovie, le 15 juillet 2022. (AFP)
La guerre en Ukraine a affaibli l'aide humanitaire destinée aux réfugiés, comme ceux qui vivent dans ce camp pour personnes déplacées surpeuplé à la frontière turco-syrienne. (AFP)
La guerre en Ukraine a affaibli l'aide humanitaire destinée aux réfugiés, comme ceux qui vivent dans ce camp pour personnes déplacées surpeuplé à la frontière turco-syrienne. (AFP)
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Publié le Lundi 05 septembre 2022

L'aide nécessaire à l'Ukraine prive de financement d'autres points chauds de la planète

Des réfugiés ukrainiens sont évacués d'Irpin vers Kiev après l'invasion de l'Ukraine par les forces russes. (Shutterstock)
Les réfugiées qui ont rejoint les centres d'accueil pour fuir la guerre en Éthiopie sont désormais confrontées à la baisse de l'aide humanitaire, les donateurs accordant davantage d'attention aux millions de personnes déplacées en Ukraine. (AFP)
Sacha (12 ans), un réfugié ukrainien, pose pour une photo dans le Centre d'aide humanitaire installé dans le hall de la Global Expo à Varsovie, le 15 juillet 2022. (AFP)
La guerre en Ukraine a affaibli l'aide humanitaire destinée aux réfugiés, comme ceux qui vivent dans ce camp pour personnes déplacées surpeuplé à la frontière turco-syrienne. (AFP)
  • Les Nations unies ont récolté à peine un tiers des 48,7 milliards de dollars sollicités cette année pour venir en aide à 200 millions de personnes
  • Le manque de financement s'explique par la taille des aides humanitaires dont le monde a besoin à l'heure actuelle

NEW YORK/BOGOTA (Colombie): En raison du besoin grandissant d'aide humanitaire et de la priorité accordée à l'Ukraine, les acteurs du secteur se retrouvent à court d'argent; ils peinent à répondre aux crises urgentes qui sévissent dans d’autres régions du monde, comme en Syrie, en Afghanistan et en Éthiopie.

Pour l’année 2022, les Nations unies estiment à plus de 48,7 milliards de dollars (1 dollar = 1,01 euro) les fonds nécessaires aux organisations d'aide humanitaire actives dans les zones de conflit et de catastrophe pour secourir plus de 200 millions de personnes. Au mois d’août de cette année, elles n'avaient récolté qu'un tiers de la somme requise.

Cette situation est en partie imputable à la taille même des besoins humains dans le monde, des guerres simultanées aux catastrophes naturelles en passant par les crises financières et par les répercussions de la pandémie de Covid-19.

Un autre facteur ponctionne les coffres des agences humanitaires: la guerre en Ukraine. Depuis l'invasion de ce pays par la Russie, en février dernier, ce dossier a occupé le devant de la scène dans les pays occidentaux en termes d'aide internationale.

En effet, les Nations unies ont exhorté les donateurs à allouer cette année plus de 6 milliards de dollars pour soutenir les Ukrainiens déplacés ou affectés par les combats. Leur premier appel a récolté un montant supérieur aux fonds sollicités pour soutenir l'Ukraine. La deuxième campagne est sur le point de récolter la totalité des fonds requis.

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Des réfugiés ukrainiens assistent à une foire à l'emploi destinée aux Ukrainiens organisée par la Chambre d'industrie et de commerce (IHK) à Berlin, le 2 juin 2022. (AFP)

En revanche, les programmes d'aide ne sont parvenus à réunir qu'une petite part des fonds nécessaires pour secourir les populations dans les autres points chauds de la planète: au Moyen-Orient (Irak, Syrie et Yémen), en Afrique (République démocratique du Congo, Éthiopie et Sud-Soudan), en Asie du Sud (Afghanistan, Bangladesh et Myanmar) et en Amérique latine (Colombie, Haïti et Venezuela).

Lors d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies consacrée à la situation en Syrie, le 29 août dernier, Joyce Msuya, secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et coordinatrice adjointe des secours d'urgence au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha), a exprimé «sa profonde inquiétude quant aux préjudices irréversibles occasionnés par le manque persistant de financement».

«Cette situation risque de compromettre l'assistance vitale et de restreindre les investissements consacrés aux moyens de subsistance et aux services de base. Ce manque de financement entraîne de lourdes conséquences: davantage de jeunes abandonnent l'école, les taux de malnutrition grimpent et les interventions qui visent à protéger les individus sont moins nombreuses.»

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Des enfants se tiennent à côté d'une tente dans un camp inondé réservé aux Syriens déplacés par le conflit à proximité du village de Kafr Uruq, dans la province d'Idlib, contrôlée par les rebelles, au nord de la Syrie, le 17 janvier 2021. (Fichier AFP)

Au sujet de sa mission en Syrie, Mme Msuya précise qu’«il faut agir sans tarder; sinon, on risque de perdre toute une génération de jeunes Syriens».

On constate en effet une baisse des budgets d'aide alloués aux projets en Syrie et à l'aide aux réfugiés syriens accueillis dans les pays voisins. Cette baisse se poursuit en dépit de la recrudescence récente de la violence dans le nord de la Syrie (notamment dans la campagne d'Alep et dans le Nord-Est, contrôlé par les Kurdes), de la crise des déplacements qui perdure et des besoins humanitaires qui s'imposent de plus en plus. Cette série de crises survient dans un contexte où le processus politique se trouve enlisé et où le régime se tient au bord de la faillite économique.

Certains observateurs reprochent aux pays occidentaux, qui financent la plus grande partie de l'aide humanitaire, de suivre une politique de «deux poids, deux mesures», voire de faire preuve d'un racisme flagrant: ils financent à tour de bras les projets d'aide destinés à leurs concitoyens européens (majoritairement blancs et chrétiens) pris dans la crise ukrainienne et refusent de soutenir des projets indispensables au Moyen-Orient, à l'Afrique, à l'Asie du Sud ou encore à l'Amérique latine.

«Je suis profondément préoccupé par le manque de financement auquel sont confrontées une douzaine d'opérations menées dans plusieurs pays, du Bangladesh à la Colombie», a confié Filippo Grandi, le Haut-Commissaire des nations unies pour les réfugiés, lors d'une conférence de presse organisée en juillet. «Il faut insister et répéter sans relâche ce message [dans nos pays]: les actions humanitaires ne peuvent pas être accordées exclusivement à l'Ukraine.»

Le directeur général de l'OMS (Organisation mondiale de la santé, NDLR), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a suscité un tollé auprès des diplomates en avril dernier lorsqu'il a accusé la communauté internationale d'appliquer une politique de deux poids, deux mesures dans sa réponse aux crises qui touchent les différentes ethnies.

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Des réfugiés se reposent à l'ombre d'une tente de fortune dans la ville de Semera, dans la région d'Afar, en Éthiopie, le 14 février 2022. (AFP)

M. Ghebreyesus, originaire d'Éthiopie, a souligné que le monde ne répondait pas de la même manière aux crises humanitaires qui affectaient les Noirs et à celles qui touchaient les Blancs. Il estime qu'«une infime partie» de l'attention accordée à l'Ukraine est consacrée à d'autres pays.

Selon lui, la guerre en Ukraine retient une plus grande attention alors que d'autres régions, notamment la région du Tigré, dans le nord de l'Éthiopie, ne reçoivent pas la sollicitude qu'elles méritent. Le conflit du Tigré, qui a éclaté en novembre 2020, a provoqué des milliers de morts et des millions de personnes déplacées.

«Le monde ne prête pas le même degré d'attention aux vies des Noirs qu’à celles des Blancs», s’est ému M. Tedros Adhanom Ghebreyesus lors d'une conférence de presse. «Toute l'attention portée à l'Ukraine est très importante, bien sûr, parce que cela a un impact sur le monde entier», a-t-il ajouté.

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Des réfugiés éthiopiens qui ont fui les combats dans la région du Tigré transportent des matériaux de construction à l'aide d'une charrette tirée par un âne, au camp d'Oum Rakuba, dans l'État de Gedaref, dans l'est du Soudan. (AFP)

«Mais pas même une fraction [de cette attention] n'est accordée au Tigré, au Yémen, à l'Afghanistan, à la Syrie et à d'autres pays. Il me faut être direct et honnête, le monde ne traite pas les races humaines de la même façon. Certaines sont plus égales que d'autres. Et quand je dis cela, cela me fait de la peine. C'est très difficile à accepter, mais c'est ce qui arrive.»

Il est vrai que les donateurs occidentaux accordent une importance géopolitique manifeste à la guerre en Ukraine, dans la mesure où elle affecte leurs intérêts nationaux – et qu’elle oblige les pays européens voisins à accueillir 6 millions d'Ukrainiens. Néanmoins, cette situation suscite des inquiétudes quant à la politisation de l'aide.

Martin Griffiths, secrétaire général adjoint des Nations unies aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d'urgence au sein de l’organisation, réfute le fait que les Ukrainiens soient privilégiés par rapport à d'autres ethnies. Il exprime toutefois son inquiétude quant au manque de fonds alloués aux autres zones sinistrées du monde.

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Des réfugiés ukrainiens assistent à un concert au Centre d'aide humanitaire situé dans le centre Global Expo, à Varsovie, en Pologne, le 15 juillet 2022. (AFP)

«L’idée selon laquelle l'attention de la communauté internationale est restreinte n'est pas nouvelle. Ce n'est pas l'Ukraine qui a inventé cette notion, même si la crise que ce pays traverse a été pour nous une épreuve particulièrement intense», explique M. Griffiths à Arab News.

«L'attention de la communauté internationale se limite sans aucun doute au problème du moment et c'est l'Ukraine qui détient cette place, comme on peut l'imaginer. Cela ne représente pas une politique discriminatoire, à mon avis.»

«Le financement nous préoccupe parce que nous nous inquiétions de savoir si les États membres n'auraient pas les moyens de soutenir le Yémen, la Syrie, l'Afghanistan et d'autres pays encore. Et, sur ce point, les indices demeurent assez contradictoires.»

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Sur cette photo on voit des Syriens déplacés de la ville frontalière de Ras al-Aïn, contrôlée par la Turquie et ses mandataires syriens, dans le camp de Wassukanni, dans le gouvernorat de Hassaké, au nord-est de la Syrie. (AFP)

«De toute évidence, au cours des premières semaines de la guerre d'Ukraine, la plupart des donateurs ont préservé leurs fonds pour financer d’autres conflits que celui de l'Ukraine. Cette tendance s'est estompée au fil du temps.»

«Je n'utiliserais jamais l'expression “deux poids, deux mesures” pour décrire cette situation. Une chose m'inquiète tout de même: les personnes qui vivent dans d'autres régions bénéficient-elles de l'attention et de la priorité qu'elles méritent?»

Stéphane Dujarric est le porte-parole du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Il tient à souligner que l'aide apportée dans d'autres régions du monde n'a pas été délibérément sacrifiée au profit de l'Ukraine.

«Le secrétaire général doit gérer plusieurs dossiers à la fois. S'il se concentre sur l'Ukraine, cela ne signifie pas qu'il fait abstraction des autres crises», confie M. Dujarric à Arab News.

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Sur cette photo on voit des Syriens déplacés de la ville frontalière de Ras al-Aïn, contrôlée par la Turquie et ses mandataires syriens, dans le camp de Wassukanni, dans le gouvernorat de Hassaké, au nord-est de la Syrie. (AFP)

«Il ne se passe pas un jour sans que j'évoque les autres crises humanitaires. Je m'attache à mettre l’accent sur le manque de financement, qui est tragique pour toutes ces personnes, pas seulement pour celles qui vivent dans des camps en Irak ou en Syrie. Mais on sait aussi que les rations ont été réduites au Yémen ou dans la Corne de l'Afrique, faute de fonds.»

«Et le problème n'est pas que l'argent manque dans le monde. Nous savons qu'il y a suffisamment d'argent... Tout le monde essaie de faire progresser la situation. Mais l'argent est indispensable pour affronter ces crises humanitaires.»

«Lorsque les besoins humanitaires sont financés à raison de 10%, 20% ou 30%, cela sous-entend que nous sommes en manque d'argent pour nourrir, loger et fournir des services de santé aux populations.»

À la question posée par Arab News sur la possibilité d'accuser les pays donateurs d'appliquer une politique de deux poids, deux mesures dans les priorités qu’ils donnent au financement de l'aide, M. Dujarric a répondu: «Je ne suis pas en position de m'exprimer sur les motivations des donateurs ou sur les processus qu'ils emploient.»

«Certains États membres font preuve d'une grande générosité. D'autres, en revanche, auraient pu être plus généreux. C’est la réalité. Nous sommes également conscients que le secteur privé dispose de sommes considérables. Les fondations possèdent beaucoup d'argent. L'argent ne fait pas défaut dans le monde.»

«Ce qui fait vraiment défaut, c'est le fait que l'argent ne va pas aux personnes qui risquent littéralement de mourir de faim. Les donateurs se trouvent confrontés à des besoins divergents et nous sommes conscients de cette réalité. Nous comprenons également que certains donateurs préfèrent se concentrer sur les crises qui les touchent directement. Nous ne pouvons que les remercier pour les dons qu'ils accordent au peuple ukrainien. Tous ceux qui ont besoin d'aide le méritent. Nous souhaitons simplement que toutes les populations bénéficient de l'aide.»

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Des milliers de personnes chassées de leurs maisons depuis l'offensive turque d'octobre 2019 sur la frontière syrienne avec la Turquie vivent dans des camps de fortune dans les régions contrôlées par les Kurdes. (AFP)

En 2019, les Nations unies ont sollicité une aide de 27,8 milliards de dollars pour financer l'ensemble de leurs programmes humanitaires. 10 milliards de dollars de moins ont été récoltés. En 2020, l'objectif s’élevait à 38,6 milliards de dollars et le manque à gagner a grimpé à 19,4 milliards de dollars.

Le financement de l'aide s'est légèrement amélioré en 2021. La somme requise pour couvrir l’année 2022 a de nouveau augmenté, pour atteindre 48,7 milliards de dollars. Ce chiffre représente environ 8 milliards de dollars supplémentaires par rapport aux prévisions établies par les Nations unies avant le début de l'année. La moitié de ce montant sera probablement couverte. Par conséquent, ce sont les personnes les plus vulnérables du monde qui en paieront sans doute le prix.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Parlement ukrainien déserté par crainte de frappes russes

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  • L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP
  • La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP

KIEV: Le Parlement ukrainien a annulé vendredi sa séance par crainte de frappes russes en plein coeur de Kiev, au lendemain du tir par la Russie d'un nouveau missile balistique et de menaces de Vladimir Poutine à l'adresse de l'Occident.

Après ce tir, le président russe s'était adressé à la nation jeudi soir en faisant porter la responsabilité de l'escalade du conflit sur les Occidentaux. Il a estimé que la guerre en Ukraine avait pris désormais un "caractère mondial" et menacé de frapper les pays alliés de Kiev.

Le Kremlin s'est dit confiant vendredi sur le fait que les Etats-Unis avaient "compris" le message de Vladimir Poutine.

L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP.

La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP.

En plein coeur de Kiev, ce quartier où se situent également la présidence, le siège du gouvernement et la Banque centrale, a jusqu'à présent été épargné par les bombardements. L'accès y est strictement contrôlé par l'armée.

Le porte-parole du président Volodymyr Zelensky a de son côté assuré que l'administration présidentielle "travaillait comme d'habitude en respectant les normes de sécurité habituelles".

"Compris" le message 

S'adressant aux Russes à la télévision jeudi soir, Vladimir Poutine a annoncé que ses forces avaient frappé l'Ukraine avec un nouveau type de missile balistique hypersonique à portée intermédiaire (jusqu'à 5.500 km), baptisé "Orechnik", qui était dans sa "configuration dénucléarisée".

Cette frappe, qui a visé une usine militaire à Dnipro, dans le centre de l'Ukraine, est une réponse, selon M. Poutine, à deux frappes menées cette semaine par Kiev sur le sol russe avec des missiles américains ATACMS et britanniques Storm Shadow, d'une portée d'environ 300 kilomètres.

M. Poutine a ainsi estimé que la guerre en Ukraine avait pris un "caractère mondial" et annoncé que Moscou se réservait le droit de frapper les pays occidentaux car ils autorisent Kiev à utiliser leurs armes contre le sol russe.

"Le message principal est que les décisions et les actions imprudentes des pays occidentaux qui produisent des missiles, les fournissent à l'Ukraine et participent ensuite à des frappes sur le territoire russe ne peuvent pas rester sans réaction de la part de la Russie", a insisté vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Il s'est dit persuadé que Washington avait "compris" ce message.

La veille, les Etats-Unis, qui avaient été informés 30 minutes à l'avance du tir russe, avaient accusé Moscou de "provoquer l'escalade". L'ONU a évoqué un "développement inquiétant" et le chancelier allemand Olaf Scholz a regretté une "terrible escalade".

La Chine, important partenaire de la Russie accusé de participer à son effort de guerre, a appelé à la "retenue". Le Kazakhstan, allié de Moscou, a renforcé ses mesures de sécurité en raison de cette "escalade en Ukraine".

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky a lui appelé la communauté internationale à "réagir", dénonçant un "voisin fou" qui utilise l'Ukraine comme un "terrain d'essai".

"Cobayes" de Poutine 

Au-delà du tir de jeudi, la Russie a modifié récemment sa doctrine nucléaire, élargissant la possibilité de recours à l'arme atomique. Un acte "irresponsable", selon les Occidentaux.

Interrogés jeudi par l'AFP sur le tir de missile russe, des habitants de Kiev étaient inquiets.

"Cela fait peur. J'espère que nos militaires seront en mesure de repousser ces attaques", a déclaré Ilia Djejela, étudiant de 20 ans, tandis qu'Oksana, qui travaille dans le marketing, a appelé les Européens à "agir" et "ne pas rester silencieux".

M. Poutine "teste (ses armes) sur nous. Nous sommes ses cobayes", a affirmé Pavlo Andriouchtchenko cuisinier de 38 ans.

Sur le terrain en Ukraine, les frappes de la Russie, qui a envahi le pays il y a bientôt trois ans, se poursuivent.

A Soumy, dans le nord-est du pays, une attaque de drones a fait deux morts et 12 blessés, a indiqué le Parquet ukrainien.

Le ministre russe de la Défense, Andreï Belooussov, s'est lui rendu sur un poste de commandement de l'armée dans la région de Koursk, où les forces ukrainiennes occupent, depuis début août, des centaines de kilomètres carrés.

Il s'est félicité d'avoir "pratiquement fait échouer" la campagne militaire ukrainienne pour l'année 2025 en "détruisant les meilleures unités" de Kiev et notant que les avancées russes sur le terrain se sont "accélérées".

Cette poussée intervient alors que Kiev craint que Donald Trump, de retour à la Maison Blanche à partir de janvier prochain, ne réduise ou stoppe l'aide militaire américaine, vital pour l'armée ukrainienne.


Record de 281 travailleurs humanitaires tués dans le monde en 2024, selon l'ONU

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
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  • L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database
  • "Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires

GENEVE: Un nombre record de 281 travailleurs humanitaires ont été tués dans le monde cette année, ont alerté les Nations unies vendredi, qui demandent que les responsables soient poursuivis.

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database.

"Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires et coordinateur des situations d'urgence, Tom Fletcher, dans le communiqué.

Le Britannique souligne que "cette violence est inadmissible et dévastatrice pour les opérations d'aide".

"Les États et les parties au conflit doivent protéger les humanitaires, faire respecter le droit international, poursuivre les responsables et mettre un terme à cette ère d'impunité".

L'année 2023 avait déjà connu un nombre record, avec 280 travailleurs humanitaires tués dans 33 pays.

L'ONU souligne que la guerre à Gaza "fait grimper les chiffres". Il y a eu "au moins 333 travailleurs humanitaires qui ont été tués rien que dans la bande de Gaza" depuis le début de la guerre en octobre 2023, a indiqué le porte-parole de l'agence de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha), Jens Laerke, lors d'un point de presse à Genève.

Nombre d'entre eux ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions alors qu'ils fournissaient de l'aide humanitaire. La plupart travaillaient pour l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), dont 243 employés ont été tués depuis la guerre à Gaza, a indiqué M. Laerke.

Parmi les autres travailleurs humanitaires tués depuis le début de la guerre à Gaza figure notamment du personnel du Croissant-Rouge palestinien, a-t-il relevé.

Mais les menaces qui pèsent sur les travailleurs humanitaires ne se limitent pas à Gaza, indique l'ONU, soulignant que des "niveaux élevés" de violence, d'enlèvements, de harcèlement et de détention arbitraire ont été signalés, entre autres, en Afghanistan, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud, au Soudan, en Ukraine et au Yémen.

La majorité du personnel humanitaire tué sont des employés locaux travaillant avec des ONG, des agences de l'ONU et le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

L'ONU explique que la violence à l'encontre du personnel humanitaire s'inscrit dans "une tendance plus large d'atteintes aux civils dans les zones de conflit", avec l'an dernier "plus de 33.000 civils morts enregistrés dans 14 conflits armés, soit une augmentation de 72% par rapport à 2022".

 


Mandats d'arrêt de la CPI : réaction outrées en Israël, un nouveau «procès Dreyfus» dit Netanyahu

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  • "La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon", a déclaré le chef du gouvernement dans un communiqué diffusé par son bureau
  • "Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]", dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute M. Netanyahu

JERUSALEM: L'annonce par la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant a suscité des réactions outrées en Israël, M. Netanyahu comparant la décision de la Cour à un nouveau "procès Dreyfus".

"La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon", a déclaré le chef du gouvernement dans un communiqué diffusé par son bureau.

Condamné pour espionnage, dégradé et envoyé au bagne à la fin du XIXe siècle en France, le capitaine français de confession juive Alfred Dreyfus avait été innocenté et réhabilité quelques années plus tard. L'affaire Dreyfus a profondément divisé la société française et révélé l'antisémitisme d'une grande partie de la population.

"Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]", dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute M. Netanyahu.

La CPI "a perdu toute légitimité à exister et à agir" en se comportant "comme un jouet politique au service des éléments les plus extrêmes oeuvrant à saper la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient", a réagi son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, sur X.

La CPI a émis jeudi des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024", et contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'Etat d'Israël et de l'Etat de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023", date de l'attaque sans précédent du mouvement palestinien contre Israël à partir de Gaza ayant déclenché la guerre en cours.

"Jour noir" 

"C'est un jour noir pour la justice. Un jour noir pour l'humanité", a écrit sur X le président israélien, Isaac Herzog, pour qui la "décision honteuse de la CPI [...] se moque du sacrifice de tous ceux qui se sont battus pour la justice depuis la victoire des Alliés sur le nazisme [en 1945] jusqu'à aujourd'hui".

La décision de la CPI "ne tient pas compte du fait qu'Israël a été attaqué de façon barbare et qu'il a le devoir et le droit de défendre son peuple", a ajouté M. Herzog, jugeant que les mandats d'arrêt étaient "une attaque contre le droit d'Israël à se défendre" et visent "le pays le plus attaqué et le plus menacé au monde".

Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale, et chantre de l'extrême droite a appelé à réagir à la décision de la CPI en annexant toute la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, et en y étendant la colonisation juive.

"Israël défend les vies de ses citoyens contre des organisations terroristes qui ont attaqué notre peuple, tué et violé. Ces mandats d'arrêt sont une prime au terrorisme", a déclaré le chef de l'opposition, Yaïr Lapid, dans un communiqué.

"Pas surprenant" 

Rare voix discordante, l'organisation israélienne des défense des droits de l'Homme B'Tselem a estimé que la décision de la CPI montre qu'Israël a atteint "l'un des points les plus bas de son histoire".

"Malheureusement, avec tout ce que nous savons sur la conduite de la guerre qu'Israël mène dans la bande de Gaza depuis un an [...] il n'est pas surprenant que les preuves indiquent que [MM. Netanyahu et Gallant] sont responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité", écrit l'ONG dans un communiqué.

Elle appelle par ailleurs "tous les Etats parties [au traité de Rome ayant institué la CPI] à respecter les décisions de la [Cour] et à exécuter ces mandats".

L'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné la mort de 1.206 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur les données officielles, incluant les otages tués ou morts en captivité à Gaza.

La campagne de représailles militaires israéliennes sur la bande de Gaza a fait au moins 44.056 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l'ONU.