L’attention portée par la Russie à l’Extrême-Orient témoigne de ses liens chaleureux avec la Chine

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Publié le Dimanche 04 septembre 2022

L’attention portée par la Russie à l’Extrême-Orient témoigne de ses liens chaleureux avec la Chine

L’attention portée par la Russie à l’Extrême-Orient témoigne de ses liens chaleureux avec la Chine
  • À travers les différents forums économiques et politiques, les liens de plus en plus chaleureux entre la Russie et la Chine sous Poutine et son homologue à Pékin, Xi Jinping, représentent l’un des thèmes récurrents
  • Par ailleurs, Poutine et Xi ont annoncé un «partenariat stratégique» entre les anciens rivaux communistes, alors que Moscou et Pékin font face à des tensions croissantes avec l’Occident

Au moment où l’attention du monde reste, en grande partie, tournée vers l’Ukraine, les ambitions du président russe Vladimir Poutine de restaurer l’importance internationale de son pays s’étendent bien au-delà de l’Europe.

Dans l’Afrique riche en ressources, par exemple, Moscou cherche à rétablir l’influence que l’ex-Union soviétique exerçait autrefois. Dans les Amériques, pendant ce temps, la Russie a participé le mois dernier à des jeux militaires au Venezuela, qui possède les plus grandes réserves prouvées de pétrole au monde.

Un autre exemple de la volonté de Poutine d’affirmer son pouvoir s’impose en Extrême-Orient russe et en Asie Pacifique. Il s’agit notamment de ses rencontres avec les Premiers ministres japonais successifs pour essayer de favoriser des activités économiques conjointes dans les îles contestées au large de l’île principale la plus septentrionale du Japon, Hokkaido.

Ce mois-ci, la Russie redoublera d’attention dans cette région d’Extrême-Orient, tant sur le plan géopolitique qu’économique. Le 1er septembre, Moscou a lancé plusieurs jours d’exercices militaires là-bas et dans la mer du Japon avec la participation de plus de 50 000 soldats, 140 avions et 60 navires de guerre, dont un important contingent chinois, pour «exercer une action conjointe en vue de protéger les communications maritimes, les zones de l’activité économique maritime et le soutien des troupes terrestres dans les zones littorales.»

Cela vise à démontrer que Moscou dispose d’une puissance militaire suffisante pour des exercices massifs, alors même que ses troupes sont engagées dans une action militaire en Ukraine.

Il s’agit du dernier épisode d’une série de jeux militaires conjoints organisés par Pékin et Moscou ces dernières années. Ils comprennent des exercices navals et des patrouilles de bombardiers à long rayon d’action au-dessus de la mer du Japon et de la mer de Chine orientale. L’année dernière, des troupes russes ont été déployées pour la première fois sur le territoire chinois pour des manœuvres conjointes.

Sur le plan économique, Moscou accueillera le Forum économique de l’Est à Vladivostok du 5 au 8 septembre, au cours duquel Poutine prononcera le discours d’ouverture. Cet événement est conçu pour soutenir le développement économique de l’Extrême-Orient russe et pour élargir la coopération internationale avec la région Asie Pacifique, y compris la Chine, l’Union économique eurasienne, l’Organisation de coopération de Shanghai, Brics (le nom donné au groupe des cinq grandes économies émergentes: Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), le Forum de coopération économique Asie-Pacifique et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est.

Des invités en provenance de plus de soixante pays sont attendus à l’événement cette semaine. Lors du forum de l’année dernière, des accords d’une valeur de 60 milliards de dollars environ (1 dollar = 1 euro) ont été signés.

À travers ces différents forums économiques et politiques, les liens de plus en plus chaleureux entre la Russie et la Chine sous Poutine et son homologue à Pékin, Xi Jinping, représentent l’un des thèmes récurrents. Chacun considère l’autre comme son allié le plus proche dans la politique mondiale.

«Bien que les intérêts nationaux de la Russie et de la Chine soient loin d’être uniformes, les deux pays sont susceptibles de travailler ensemble pour se prémunir contre le refroidissement continu de leurs relations avec les États-Unis.»- Andrew Hammond

L’aspect sécuritaire de cette relation est largement commenté, mais ce qui est moins bien compris, c’est le dialogue économique approfondi.

Il existe des plans bilatéraux pour de nombreux projets de coopération, notamment une nouvelle méthode de virements interbancaires et une agence de crédit commune qui cherche à mettre en place une infrastructure financière et économique partagée qui permettra aux pays de fonctionner indépendamment des institutions financières dominées par l’Occident.

La Chine et la Russie font également partie des États impliqués dans la création de forums alternatifs à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international, dont la Nouvelle banque de développement, qui financera des infrastructures et d’autres projets dans les Brics.

De plus, dans le secteur de l’énergie, les deux États ont signé un accord d’une valeur de 400 milliards de dollars pour la fourniture de gaz naturel, qui comprend la construction d’un gazoduc de plus de 3 200 kilomètres entre l’est de la Sibérie et le nord-est de la Chine. Ils ont également convenu de construire un deuxième gazoduc majeur entre la Sibérie occidentale et la province chinoise du Xinjiang.

L’impulsion donnée au programme de coopération économique bilatérale a permis aux pays d’adopter des positions communes plus solides sur des questions régionales et mondiales clés, de l’Ukraine à Taïwan. La Chine a précisément refusé, par exemple, de critiquer les actions de la Russie en Ukraine, accusant plutôt les États-Unis et l’Otan d’avoir provoqué Moscou.

À son tour, la Russie a soutenu la Chine, compte tenu des tensions accrues avec Washington, à la suite de la récente visite à Taïwan de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des États-Unis. Poutine a établi des parallèles entre le soutien américain à l’Ukraine et le voyage de Pelosi à Taïwan, suggérant que les deux font partie des efforts visant à favoriser l’instabilité mondiale.

Même si Moscou et Pékin ont par le passé rejeté la possibilité de forger une alliance militaire, Poutine a déclaré qu’une telle perspective ne pouvait être exclue. Il note que la Russie partage avec la Chine des technologies militaires extrêmement délicates qui ont contribué à renforcer considérablement ses capacités de défense.

Par ailleurs, Poutine et Xi ont annoncé un «partenariat stratégique» entre les anciens rivaux communistes, alors que Moscou et Pékin font face à des tensions croissantes avec l’Occident.

Bien que les intérêts nationaux de la Russie et de la Chine soient loin d’être uniformes, les deux pays sont susceptibles de travailler ensemble pour se prémunir contre le refroidissement continu de leurs relations avec les États-Unis.

Et bien que cela soit étayé par leur dialogue économique et politique croissant, c’est leur proximité personnelle qui semble être le moteur d’une relation redynamisée qui pourrait maintenant se consolider davantage dans les années 2020, et peut-être même dans les années 2030, si les deux hommes restent au pouvoir.

Andrew Hammond est un associé à la London School of Economics.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com