LONDRES : Déjà à genoux après des années d'austérité et la pandémie de Covid-19, les hôpitaux britanniques poussent un cri d'alarme: la flambée de leurs factures d'énergie les contraint à des économies drastiques, allongeant les files d'attente et affectant la qualité des soins.
Dans un contexte social déjà explosif au Royaume-Uni en raison de l'inflation, la majorité des groupes hospitaliers du système de santé public gratuit adoré des Britannique, le NHS, s'attendent à voir le coût du gaz et de l'électricité plus que doubler dans les mois à venir, selon la revue médicale The BMJ.
"Le trou dans les finances dû à l'inflation galopante devra être comblé soit en employant moins de personnel, soit avec des listes d'attente plus longues ou par des restrictions dans les soins", a averti dans The BMJ Rory Deighton, un dirigeant de la NHS Confederation, qui regroupe de nombreuses organisations de santé publique.
"Si on ne compense pas correctement le NHS pour faire face à l'inflation, on va augmenter la pression sur nos services de santé alors qu'on approche d'un hiver que nous savons compliqué", a-t-il ajouté.
L'inflation dépasse déjà les 10% au Royaume-Uni, le plus fort taux des pays du G7, et devrait encore accélérer. La semaine dernière, les ménages britanniques ont appris que leur facture d'électricité allait augmenter de 80% à partir d'octobre et que d'autres hausses étaient à prévoir pendant l'hiver.
Pour entreprises et services publics, le choc s'annonce encore pire: ils ne sont pas concernés par le plafond tarifaire qui s'applique aux particuliers.
Un hôpital pour enfants à Londres a indiqué à The BMJ que sa facture d'électricité devrait passer de 350 000 livres en janvier 2022 à 650 000 livres en janvier 2023, soit de 405 000 à 750 000 euros environ.
A Sheffield dans le nord de l'Angleterre, on s'attend à une hausse des prix de 130% en 2023 par rapport à 2022, tandis qu'au Nottingham University Hospital, on redoute un triplement.
NHS England, qui supervise les hôpitaux publics anglais, a mis de côté 1,5 milliard de livres pour anticiper une hausse des prix de l'énergie estimée à 485 millions de livres. Mais ces calculs ont été faits en mai et les prix ont augmenté depuis.
Sous-financement chronique
La crise s'ajoute à une série de problèmes auxquels fait face depuis des années le NHS, institution adorée des Britanniques créée en 1948 et financée par l'impôt.
Car le système, qui coûte 190 milliards de livres par an et emploie 1,2 million de personnes rien qu'en Angleterre, est depuis longtemps sous-financé.
La NHS Confederation appelle ainsi le futur Premier ministre, qui doit être désigné la semaine prochaine, à prendre des mesures immédiates. Elle estime que le système public de santé a besoin d'au moins 3,4 milliards de livres, presque 4 milliards d'euros pour faire face à l'inflation rien que cette année.
Le directeur de l'organisation, Matthew Taylor, a lui affirmé au Guardian que la NHS était dans "son pire état de mémoire d'homme", entre pénuries de personnel, services d'urgence encombrés, retards d'ambulances et longues listes d'attente.
La presse rapporte régulièrement des histoires dramatiques de patients attendant des heures des ambulances chez eux ou des soins dans les couloirs d'hôpitaux. Il faut des mois pour organiser certaines opérations.
Selon les experts de la santé, la crise ne date pas d'hier mais est exacerbée par 12 années de restrictions budgétaires sous les gouvernements conservateurs successifs, ainsi que par le Brexit (de nombreux soignants viennent de l'UE) et la pandémie, qui a retardé les soins non urgents.
Infirmières et jeunes docteurs menacent de faire grève, comme dans de nombreux autres secteurs de l'économie britannique, pour protester contre des hausses de salaires insuffisantes.
Lors de la pandémie, les employés du NHS avaient été salués en héros mais leur situation est si précaire que des hôpitaux ont mis en place des banques alimentaires pour leurs propres salariés.
Et un gérant d'hôpital a indiqué mardi sur la radio LBC qu'il comptait convertir une salle de son établissement en "pièce chauffée" cet hiver pour accueillir les employés incapables de se chauffer suffisamment chez eux.