PARIS: Élisabeth Borne a dit jeudi souhaiter "avancer" sur la réforme des retraites mais "dans la concertation", confirmant que des discussions allaient démarrer sur le sujet après le lancement du Conseil national de la refondation le 8 septembre.
"Nous souhaitons avancer mais on est aussi dans une démarche de concertation, d'écoute, de recherche d'un chemin. Il faut qu'on ait ces discussions avec les organisations patronales et syndicales, et avec le Parlement", a affirmé la Première ministre sur France Inter, au lendemain d'un séminaire gouvernemental à l'issue duquel cette réforme n'a pas été mentionnée.
"Ça reste un enjeu très important" et "les discussions, elles s'engageront après le Conseil national de la refondation", a souligné Mme Borne.
"Si on veut financer un modèle social protecteur, il faut avoir des ressources et on ne peut pas se priver d'une partie de notre capacité de travail pour créer les richesses. C'est aussi important pour pouvoir demain financer la transition écologique", a fait valoir la Première ministre.
Pour Borne, la France insoumise « veut le chaos »
Elisabeth Borne a reproché jeudi à la France insoumise de "vouloir le chaos" plutôt que de chercher à "trouver des réponses pour les Français", et a assuré qu'elle continuerait à "mettre toute son énergie" pour "trouver des compromis".
"C'est une illustration supplémentaire que certains cherchent à trouver des réponses pour les Français -il y a beaucoup des groupes politiques d'opposition qui cherchent des compromis- et puis il y en a d'autres qui veulent le chaos, qui veulent le désordre", a estimé sur France Inter la Première ministre, interrogée sur des déclarations de Jean-Luc Mélenchon ce week-end.
Le chef de file des Insoumis a promis samedi pour la rentrée politique "la bataille générale" face au gouvernement, et a estimé qu'un "compte à rebours de la dissolution" de l'Assemblée nationale était enclenché.
Interrogée sur cette éventualité d'une dissolution de l'Assemblée nationale avant la fin du quinquennat, la cheffe du gouvernement a répondu: "Je ne vais pas préjuger de la suite, je n'ai pas de boule de cristal, (...) je mets toute mon énergie à pouvoir trouver des compromis pour bâtir les meilleures réponses pour les Français".
"Il y a des partis avec lesquels on ne cherche pas ces compromis: le Rassemblement national parce que nous ne partageons pas les mêmes valeurs et la France insoumise parce qu'on a des désaccords profonds", a-t-elle répété.
"Les Insoumis ne font pas partie des forces politiques avec lesquels on peut travailler à l'Assemblée nationale, je pense qu'ils ne le veulent pas, ils veulent le désordre", a-t-elle insisté, citant aussi des propos de Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale, appelant au "désordre à l'Assemblée et dans la rue".
La Première ministre a également décliné la demande de Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement national à l'Assemblée nationale, d'organiser une session extraordinaire du Parlement sur la crise énergétique.
"Elle a un temps de retard (...) il est d'ores et déjà prévu un débat au Parlement sur la politique énergétique à l'Assemblée comme au Sénat, donc on peut rassurer Madame Le Pen, c'est bien prévu", a expliqué la cheffe du gouvernement, en se disant prête également "à parler de ces enjeux énergétiques" avec le président du Sénat et celle de l'Assemblée nationale dans le cadre de leur "comité de liaison".
"Bien sûr", il faut une session extraordinaire au Parlement sur la question énergétique, a aussi estimé jeudi matin sur France 2 Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF.
Le rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites, qui précisera notamment l'ampleur des déficits du système de retraites à court et moyen terme, doit être publié le 15 septembre.
"Dans la foulée" du CNR, censé réunir partis, associations, patronat et syndicats sur les réformes à venir, "on va avoir un programme de discussions, d'abord sur l'assurance chômage, avec les organisations patronales et syndicales, mais il faut aussi qu'on puisse parler de ce sujet, qui est un sujet complexe", a détaillé la Première ministre.
Mme Borne veut notamment discuter de "comment la part des seniors qui sont au travail peut augmenter" et "comment on peut travailler progressivement un peu plus longtemps". Elle a reconnu que le sujet était "complexe", selon "le métier que vous faites".
La Première ministre n'avait pas cité cette réforme dans les chantiers du gouvernement, mercredi à l'issue du séminaire gouvernemental.
Mais elle n'est "pas abandonnée" et son "déploiement progressif" sera mené "au cours de l’année 2023", avait affirmé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, jugeant "fondamental de concerter" en amont. "Nous voulons réformer le travail dans son ensemble incluant la question des retraites", avait-il précisé.
Réforme de la police judiciaire: Borne promet de « lever les inquiétudes »
Elisabeth Borne a promis jeudi de "lever les inquiétudes" autour de la réforme des services de police judiciaire qui doit être généralisée en 2023 et qui, selon le procureur général près la Cour de cassation, ne va pas "dans la bonne direction".
Le projet de réforme de la prestigieuse PJ, chargée des crimes les plus graves, rencontre l'opposition de nombreux enquêteurs qui craignent la dilution de leur savoir-faire, voire l'abandon de certains territoires.
"Les préfets ont bien en tête l'importance, le caractère essentiel de l'indépendance de la justice, et donc des enquêtes judiciaires, mais il faut lever les inquiétudes qui ont été exprimées", a affirmé la Première ministre sur France Inter.
"J'ai été préfète (de la région Poitou-Charentes, ndlr) et je peux vous assurer que s'assurer qu'il y a une bonne coordination de toutes les forces de police, c'est important. Il y a des inquiétudes qui ont été exprimées, il va bien sûr falloir y répondre", a-t-elle ajouté.
Le projet de réforme prévoit de placer tous les services de police à l'échelle du département - renseignement, sécurité publique, police aux frontières (PAF) et police judiciaire (PJ) - sous l'autorité d'un seul Directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet.
Actuellement, chaque service rend des comptes à sa hiérarchie.
Le procureur général près la Cour de cassation François Molins avait jugé mercredi, sur la même radio, que la réforme était "porteuse d'un certain nombre de dangers" et qu'elle n'allait pas "dans la bonne direction".
Une Association nationale de la police judiciaire (ANPJ) a été créée mi-août par des enquêteurs de police judiciaire opposés à cette réforme qui menace selon eux le "savoir-faire" de ces policiers chargés d'enquêter sur les crimes "les plus graves" et aura des "conséquences désastreuses pour la sécurité des citoyens et l'indépendance de la Justice".
Une réunion est prévue jeudi entre les personnels de la PJ et le ministre de l'Intérieur.