LILLE: "Il assume pleinement son geste, convaincu qu'il n'a pas eu d'autre option": le policier placé en garde à vue après la mort par balle d'un jeune homme mardi dans le Nord lors d'un refus d'obtempérer a été mis en examen mercredi.
Son avocate Manon Dugast a précisé qu'il avait été mis en examen pour des "faits de violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner" et laissé libre, confirmant une information de La Voix du Nord.
La procureure de Lille a confirmé avoir requis la mise en examen pour cette qualification.
"Les faits sont matériellement reconnus, mais justifiés par ce qui constitue une cause d'irresponsabilité pénale: la légitime défense, qui à ce stade doit encore être étayée par des actes d'investigation" mais que "les premiers éléments tendent à démontrer", a assuré Me Dugast.
Selon le récit mardi de la procureure de Lille, Carole Etienne, un équipage de police a voulu contrôler les "occupants d'un véhicule muni de fausses plaques d'immatriculation" vers 3H00 du matin à Neuville-en-Ferrain,une commune frontalière de la Belgique, voisine de Tourcoing.
Le conducteur de la voiture, un jeune homme de 23 ans, originaire de Roubaix, a alors démarré "brusquement afin de s’y soustraire", a-t-elle expliqué.
Autopsie
"Dans la fuite, un policier parvenait à ouvrir la portière côté conducteur afin d'extraire l'individu et faisait usage de son arme à une reprise. Le conducteur du véhicule est décédé sur place malgré l'intervention des secours", a-t-elle poursuivi.
Le passager du véhicule a, lui, été placé en garde à vue "pour recel de vol de véhicule et complicité de refus d'obtempérer".
Les conclusions de l'autopsie de la victime "sont compatibles avec les premiers éléments de l’enquête" mais "seront complétées par des investigations balistiques", a précisé le parquet dans un communiqué mercredi matin.
"La victime a été mortellement blessée par un seul tir au niveau des côtes au côté gauche", a-t-il ajouté.
Selon une source policière, ce jeune homme était "connu pour plusieurs faits lourds de stupéfiants et de recel". Il devait effectuer une peine de six mois de prison à la suite d'un "défaut de réalisation d'un travail d'intérêt général", la "décision d'écrou datant de juin 2022".
Dans cette nouvelle affaire de personne tuée au cours d'un refus d'obtempérer, les investigations ont été confiées à la Direction zonale de la police judiciaire et à l'IGPN, la "police des polices".
«Etats de service irréprochables»
"(Le policier) a été touché (par le véhicule, NDLR), il y a constatation médicale, il aurait pu être écrasé", a insisté Me Dugast. "Au moment de la tentative d'interpellation, le véhicule a été mis en mouvement de façon extrêmement violente", a-t-elle indiqué.
"Il a conscience de la gravité de ce qui s'est passé" a poursuivi l'avocate, assurant que "c'était la première fois qu’il tirait, parce qu'il n'avait pas d’autre échappatoire".
Elle décrit un policier au "parcours exemplaire" et aux "états de service irréprochables", "très respecté, très humain, très soutenu", n'ayant "aucun incident disciplinaire à son actif".
Sur 14 240 refus d'obtempérer comptabilisés en 2021 par la police nationale, 157 cas concernent des "usages d'armes à feu sur des véhicules en mouvement", selon des chiffres de la police.
En juin dernier, la Défenseure des droits a décidé de se saisir "d'office" de trois dossiers concernant des policiers ayant fait usage de leur arme après un refus d'obtempérer.
Ces trois dossiers concernent quatre personnes décédées: un automobiliste le 26 mars à Sevran, deux hommes en voiture le 24 avril sur le Pont-Neuf à Paris et la passagère d'un véhicule dans le XVIIIe arrondissement de la capitale le 4 juin.
D'autres affaires se sont produites plus récemment, comme mi-août, à Vénissieux, une commune sensible proche de Lyon, où des policiers ont tiré à plusieurs reprises lors du contrôle d'une voiture signalée volée, faisant deux morts.