PRAGUE: Olaf Scholz a livré lundi un plaidoyer en faveur d'un élargissement de l'Union européenne, jusqu'à « 30 ou 36 membres », et la fin d'un droit de veto rimant avec risque de paralysie des institutions.
Dix mois après avoir succédé à Angela Merkel à la tête de l'Allemagne, le chancelier a dévoilé à Prague sa vision de l'Europe, en plein « changement d'époque » provoqué par la guerre en Ukraine.
Il se démarque ainsi de l'ancienne dirigeante qui avait laissé sans réponse plusieurs propositions formulées notamment par la France.
Le dirigeant social-démocrate, à la tête d'une coalition pro-européenne formée avec écologistes et libéraux, a plaidé pour un nouvel élargissement de l'UE.
« Le fait que l'UE continue à s'étendre vers l'est est un avantage pour nous tous », a fait valoir le chancelier allemand depuis la République tchèque, qui assure la présidence tournante de l'UE.
Règles à revoir
L'ancien maire de Hambourg veut « s'engager pour l'élargissement de l'Union européenne aux Etats des Balkans occidentaux », ainsi qu'à l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie.
M. Scholz est allé jusqu'à évoquer « une Union européenne de 30 ou 36 Etats », bien « différente de notre Union actuelle ».
Le social-démocrate est un ardent défenseur, depuis son élection, de l'adhésion des pays des Balkans occidentaux. Il les a ainsi visités ou a reçu à Berlin leurs dirigeants ces derniers mois.
Des six pays de la région, quatre ont le statut de candidat à l’adhésion (Serbie, Monténégro, Macédoine du Nord et Albanie). Deux ne l’ont pas encore (Kosovo, Bosnie-Herzégovine). Tous ont cependant signé un accord de stabilisation et d’association avec l’UE.
L'UE avait ouvert en juillet les négociations d'adhésion avec l'Albanie et la Macédoine du Nord, deux pays bloqués dans l'antichambre de l'Union depuis huit et dix-sept ans, mais le processus s'annonce encore long et difficile avant une intégration.
Dans cette future configuration, les règles de fonctionnement devront forcément évoluer, selon le chancelier.
« L'Ukraine n'est pas le Luxembourg. Et le Portugal ne porte pas le même regard sur les défis du monde que la Macédoine du Nord », a décrit M. Scholz.
Ainsi, « là où l'unanimité est aujourd'hui requise (au sein de l'UE), le risque qu'un seul pays empêche tous les autres d'avancer avec son veto augmente avec chaque nouvel Etat membre », a fait valoir le chancelier allemand.
« C'est pourquoi j'ai proposé de passer progressivement à la prise de décision à la majorité dans la politique étrangère commune, mais aussi dans d'autres domaines, comme la politique fiscale », explique M. Scholz, ne cachant pas que « cela aurait également des conséquences pour l'Allemagne ».
Pour lui, « s'en tenir au principe de l'unanimité ne fonctionne que tant que la pression pour agir est faible. Mais ce n'est plus le cas au vu du changement d'époque » provoqué selon lui par l'invasion russe de l'Ukraine.
Il a aussi promis de s'engager pour que Croatie, Roumanie, Bulgarie obtiennent leur intégration réclamée de longue date dans la zone Schengen de libre circulation. Un « engagement personnel » salué par le président roumain Klaus Iohannis.
« Rétrécissement »
Le dirigeant propose aussi, pour garantir le bon fonctionnement d'une UE élargie, que les procédures d'infraction aux règles soient élargies et ne soient plus cantonnées uniquement aux atteintes à l'Etat de droit, comme celles qui visent la Hongrie et la Pologne.
M. Scholz, qui a lancé des investissements massifs dans l'armée allemande, veut aussi s'attaquer au « rétrécissement non coordonné des forces armées européennes et des budgets de défense », mis à nu par l'invasion russe.
Une plus grande coopération entre les entreprises européennes sur les projets d'armement, la fabrication conjointe et les achats est selon lui nécessaire.
M. Scholz a en outre réitéré son soutien à la proposition d'Emmanuel Macron d'une « Communauté politique européenne ».
Le chancelier se montre toutefois moins ambitieux que le président français concernant cette nouvelle instance.
M. Scholz la voit ainsi comme un lieu au sein duquel « nous discuterions une ou deux fois par an des thèmes centraux qui concernent notre continent dans son ensemble ».
Le président français l'imaginait lui comme une « organisation européenne nouvelle » permettant d'associer les candidats à l'adhésion à l'UE mais aussi le Royaume-Uni, la Suisse ou la Norvège.