PARIS: Il faut « plus de gens comme moi dans l'industrie musicale » lance Priya Ragu: la chanteuse née en Suisse d'une famille sri-lankaise mêle anglais et tamoul dans un R'n'B qui sort des cases.
Cette trentenaire est en revanche entrée dans les radars du showbiz (signature chez une major, Warner) et une de ses chansons, « Good Love 2.0 », figure même sur la bande-son du jeu vidéo-blockbuster « Fifa 202t1 ».
L'artiste enchaîne concerts et grands festivals -- The Great Escape en Angleterre, Primavera à Barcelone, Rock en Seine près de Paris, entre autres cet été -- depuis la sortie il y a un an de sa mixtape, collection de morceaux épars sans ossature d'album.
Le titre de cette première carte de visite est un beau clin d'œil: « damnshestamil », contraction qu'on peut traduire par »putain elle est tamoule ». Des morceaux comme « Kamali » ou « Lighthouse » enlacent ainsi un r'n'b/rap en anglais des passages en langue tamoule ou musiques traditionnelles asiatiques.
« Je parle tamoul, anglais et aussi suisse-allemand -- langue qui finira peut-être un jour dans ma musique -- je suis fière de ce que je suis et je pense que c'est très important qu'il y ait plus gens comme moi dans l'industrie musicale », confie-t-elle, cheveux mi-longs, lunettes de soleil et maillot de foot italien XXL.
« Seule à l'école »
Même si M.I.A., artiste britannique d'origine tamoule, s'était fait un nom dans les années 2000, Priya Ragu se sent encore un peu seule dans le show-biz en raison de ses différents terreaux culturels. Elle a vu le jour en Suisse avec des parents exilés du Sri Lanka, fuyant la guerre civile dès les années 1980.
Comme elle se sentait « seule à l'école » en Suisse, unique petite fille à la peau brune dans la cour de récré. « Ce n'était pas facile de grandir entre deux cultures, mes parents tamouls sont très stricts, j'avais deux vies, une à la maison, une à l'extérieur ».
« Je rejetais la culture tamoule au départ car je voulais être comme la majorité, sonner comme les autres, mais avec l'âge, j'ai réalisé qui j'étais ».
Elle se met sérieusement à la musique en 2017. Un jour, en studio avec son frère (Japhna Gold, metteur en son qui l'épaule sur disque et sur scène), Priya Ragu en vient à fusionner chanson anglo-saxonne et bagage personnel.
« Ce n'était pas planifié, c'est venu de manière organique en studio: je me suis dit 'ok, mais les radios suisses ne vont jamais jouer ça'. Mais elles l'ont joué et m'ont demandé en interview ».
Compagnie aérienne suisse
Autre grande satisfaction, on entend ses parents faire les chœurs dans son morceau « Santhosam ». Son père était réticent à la voir évoluer dans des sphères hip-hop/r'n'b occidentales. Même s'il lui avait mis le pied à l'étrier en la faisant chanter dès 10 ans dans le groupe qu'il avait pour animer occasionnellement mariages et anniversaires.
« Mon père est musicien, chanteur, a une grande passion pour la musique, mais il n'a pas pu en faire son métier, alors ma réussite est un peu la sienne », se réjouit l'artiste qui a eu pour premières références « Lauryn Hill, Destiny's Child, Donny Hathaway, Aretha Franklin ». Avant d'absorber mélodies brésiliennes et élans jazz.
Priya Ragu, qui a travaillé pendant sept ans dans les bureaux d'une compagnie aérienne suisse, avant de tout lâcher pour la musique, n'en revient pas de « prendre l'avion » pour tourner à l'international.
Même si la route vers le succès est encore longue et escarpée. A Rock en Seine, festival à plusieurs scènes, la programmation l'a fait jouer à la même heure que les Irlandais de Fontaines D.C., locomotive dans une soirée dédiée au rock (les Britanniques Idles et Arctic Monkeys étaient également à l'affiche).
Priya Ragu, qui se présente en « supernova » dans « Illuminous », ne s'est pas démontée et s'est employée à faire briller son étoile, parvenant à faire danser la modeste assistance venue l'écouter.