PARIS : Il a perdu deux de ses fils ces sept dernières années et s'est réfugié dans la musique, avec des concerts plus cathartiques que jamais: la venue de Nick Cave, prédicateur tourmenté du rock, est un des évènements du festival Rock en Seine vendredi.
"Nick Cave a vécu des épisodes très douloureux, la musique est un exutoire particulier pour lui, il se donne de façon folle sur scène, le public ne s'y trompe pas", résume pour l'AFP Matthieu Ducos, directeur de Rock en Seine (organisé jusqu'à dimanche aux portes de Paris).
L'artiste australien qui parsemait ses textes de romantisme macabre a été rattrapé une première fois par la tragédie en 2015 avec le décès accidentel d'un de ses jumeaux, Arthur (l'autre, Earl est aujourd'hui acteur). A l'âge de 15 ans, l'adolescent est tombé d'une falaise près de Brighton (Angleterre), où la famille résidait. Et au printemps 2022, Nick Cave a perdu un demi-frère d'Arthur, Jethro Lazenby, âgé de 31 ans (les causes de la mort n'ont pas été précisées).
"Quand la nouvelle a été connue, on s'est demandé comment il allait le prendre... Après avoir perdu deux fils en si peu de temps, on aurait pu s'attendre à une tournée d'une tristesse absolue, mais il a pris le contre-pied, les concerts sont flamboyants, magnifiques", commente pour l'AFP Kem Lalot, programmateur des Eurockéennes. Ce festival à Belfort avait programmé l'homme aux stricts costumes sombres fin juin, mais la journée de sa prestation sur scène avait dû être annulée à cause du passage d'une mini-tornade sur le site.
La philosophie de Nick Cave, qui n'accorde plus d'interview, transparaît sur scène, comme lorsqu'il dédie un morceau -- "I need you" ("J'ai besoin de toi") -- aux deux fils qui lui restent, Luke et Earl, au festival Primavera à Barcelone cet été.
«Complicité transportante»
Sans oublier ceux qui sont partis, puisque son répertoire contient des titres des albums "Skeleton Tree" ("L'arbre du squelette", 2016) et "Ghosteen" ("Adolescent-fantôme", 2019) irrigués par le souvenir d'Arthur.
Le cheminement de l'auteur-compositeur-interprète -- comment continuer à créer après un drame familial? -- est relaté dans les documentaires "One more time with feeling" et "This much I know to be true" signés d'un proche, le réalisateur Andrew Dominik ("L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford", avec Brad Pitt).
Montrés en salle lors de projections-évènements épisodiques, ces deux films sont réapparus cet été sur la plateforme Mubi. Dans le premier, réalisé en 2016 au moment de l'enregistrement de "Skeleton Tree", on voit Nick Cave flancher chez lui -- prostré dans une chaise en survêtement, lui l'éternel dandy -- avant de remonter la pente en studio.
Le salut est également passé par la communion en live avec le public. Comme en octobre 2017, au Zenith à Paris, où faisant fi du service d'ordre autour de lui, le sexagénaire filiforme accompagné de son groupe fidèle, les Bad Seeds, a d'abord marché dans la fosse et les travées avant de faire monter un nombre incroyable de spectateurs sur scène pour le rappel.
Un homme a compté dans le retour sous les projecteurs dans l'épreuve, Warren Ellis. Ce multi-instrumentiste de génie, Australien à la barbe d'ermite et aux tenues clinquantes, compagnon de route des débuts, est devenu lieutenant et metteur en son des derniers disques. "C'est le comparse indispensable, décrit Kem Lalot.
Nick, c'est le crooner, maître de cérémonie au contact du public, Warren c'est le chef d'orchestre". Matthieu Ducos les a vus à Pleyel à Paris en novembre dernier et se souvient d'une "complicité transportante".