GENEVE: Les responsables américains ont fait part jeudi à l'ONU de l'engagement de Washington à lutter contre la discrimination raciale alors que les demandes de réparations se multiplient après des siècles de racisme que Joe Biden a qualifié de "systémique".
"Nous nous efforçons de garantir que chaque Américain est protégé contre la discrimination fondée sur la race, la couleur et l'origine", a déclaré la représentante spéciale pour l'équité et la justice raciales au département d'État, Desiree Cormier Smith.
S'adressant au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (Cerd), elle a néanmoins reconnu qu'il y a encore un "écart" entre les idéaux déclarés et la réalité vécue par les Afro-Américains et d'autres minorités.
Mme Cormier Smith co-dirige la délégation américaine qui participe aux auditions devant ce comité chargé de déterminer si Washington respecte ses obligations internationales en matière de lutte contre la discrimination raciale.
Les auditions se poursuivront vendredi, et les conclusions seront publiées le 30 août. Composé de 18 experts, ce comité est chargé de surveiller à intervalles réguliers l'application de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale par les Etats parties, que les Etats-Unis ont ratifié en 1994.
Huit ans après le dernier examen du bilan américain, les défenseurs des droits humains ont déploré que Washington n'ait jamais traité de manière adéquate les violations commises à l'encontre des Noirs pendant l'esclavage et les périodes ultérieures marquées par l'exploitation, la ségrégation et la violence.
«Des mesures plus audacieuses»
Cet héritage, selon eux, continue d'être visible au travers notamment des politiques dans les domaines de la santé, de l'éducation et du logement.
Selon les statistiques, les familles noires sont en moyenne beaucoup moins riches que les familles blanches, et le taux d'incarcération des personnes noires est trois fois supérieur à celui des Blancs. Ils courent également un risque bien plus élevé d'être tués par la police.
Mme Cornier Smith a reconnu que "nous avons beaucoup de travail à faire" mais a souligné que des progrès significatifs ont été réalisés depuis l'arrivée de Joe Biden.
Certains des défenseurs de droits humains venus à Genève s'accordent à dire que la nouvelle administration est allée plus loin que ses prédécesseurs dans la reconnaissance des problèmes liés au racisme structurel.
"L'administration Biden a montré qu'elle pouvait nommer le problème, mais le temps est venu de prendre des mesures plus audacieuses", a déclaré Jamil Dakwar, qui dirige la division droits de l'Homme de l'ACLU.
A l'instar de cette très puissante organisation américaine de défense des droits civiques, les défenseurs des droits estiment qu'une première étape serait d'établir une commission chargée d'étudier la question des réparations.
Le Congrès américain n'a pas accepté de le faire jusqu'à présent, mais les militants demandent au président de créer la commission par décret.
"D'un trait de plume, il peut (...) créer cette commission", a déclaré M. Dakwar à l'AFP.
«Toujours en train de mourir»
Les militants veulent aussi dénoncer le "racisme environnemental" dans la "Cancer Alley" en Louisiane, qui compte sur 140 kilomètres quelque 200 usines notamment pétrochimiques.
La pollution industrielle y fait courir aux habitants, majoritairement afro-américains, un risque de cancer près de 50 fois supérieur à la moyenne des Etats-Unis, selon l'agence américaine de protection de l'environnement (EPA).
Les militants affirment que les communautés noires historiques - où vivent les descendants des esclaves qui travaillaient autrefois dans les champs de canne à sucre - sont sacrifiées pour faire place à des usines qui polluent et représentent un danger pour la santé.
Joy Banner, une habitante et une militante qui mène la lutte contre un projet de construction d'un complexe de silos à grains géants près de sa maison familiale à Wallace, demande un moratoire sur l'extension ou la construction de toute nouvelle installation dans la région.
"Ils autorisent encore de nouvelles usines", a-t-elle déclaré à l'AFP. "Nous sommes toujours en train de mourir".