Afghanistan: dans le Panchir, la vie dans la peur des talibans

Cette photo prise le 8 juillet 2022 montre des combattants talibans debout le long d'une route dans le district de Paryan à Panhchir. (AFP)
Cette photo prise le 8 juillet 2022 montre des combattants talibans debout le long d'une route dans le district de Paryan à Panhchir. (AFP)
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Publié le Jeudi 11 août 2022

Afghanistan: dans le Panchir, la vie dans la peur des talibans

  • La vallée, enclavée et cernée de hautes montagnes, à 80 km au nord de la capitale, a été rendue célèbre à la fin des années 1980 par le commandant Ahmad Shah Massoud
  • Pour Michael Kugelman, du groupe de réflexion américain Wilson Center, «la volonté (du FNR) de se battre est bien là, mais (...) la capacité n'y est pas»

BAZARAK: Dans la vallée du Panchir, l'ancien bastion historique de la résistance aux talibans tombé aux mains des islamistes début septembre 2021, des habitants vivent toujours dans la peur des nouveaux maîtres de l'Afghanisan, accusés d'exactions.

"Depuis qu'ils sont arrivés, les gens ne se sentent pas en sécurité, ils ont peur et ne peuvent pas parler librement", raconte Amir (prénom modifié), un étudiant de 22 ans, près du village de Safid Cherer.

Le 6 septembre 2021, les talibans annonçaient avoir pris le contrôle "complet" de la vallée du Panchir, où le Front national de résistance (FNR) leur tenait tête depuis leur prise du pouvoir à Kaboul le 15 août.

La vallée, enclavée et cernée de hautes montagnes, à 80 km au nord de la capitale, a été rendue célèbre à la fin des années 1980 par le commandant Ahmad Shah Massoud, surnommé le "lion du Panchir", avant qu'il soit assassiné par Al-Qaïda en 2001.

Elle avait résisté sous l'occupation soviétique dans les années 1980, puis face aux talibans lors de leur ascension vers le pouvoir une décennie plus tard et puis leur premier régime (1996-2001).

Un an après le retour aux commandes des islamistes, le FNR, dirigé par Ahmad Massoud, le fils du commandant défunt, apparaît comme la seule menace militaire conventionnelle pour le nouveau pouvoir.

Début mai, il annonçait une large offensive dans le Panchir et d'autres province du nord.

Des affrontements localisés ont eu lieu avec les talibans. Et comme souvent, chacun a affirmé avoir causé des dizaines de morts dans les rangs adverses. Des bilans impossibles à confirmer de source indépendante.

Depuis, la résistance été repoussée dans la montagne. Dans la vallée, 6 000 combattants talibans sont déployés et tiennent désormais solidement la principale route qui serpente sur plus d'une centaine de km à côté de la rivière tumultueuse Panchir.

Ils sont bien visibles dans les villages et sur plusieurs checkpoint.

"Le soir, on ne peut pas se promener avec nos amis (...) Dès qu'on s'installe quelque part pour s'amuser, ils viennent nous en empêcher, en nous demandant pourquoi on est assis là", poursuit Amir.

Selon lui, "ils pensent probablement que si les jeunes se réunissent, ils planifient quelque chose contre eux", comme s'ils appartenaient à la résistance.

Torture 

En juin, les ONG Amnesty international et Human Rights Watch ont accusé les talibans d'avoir commis dans la province des actes de torture et détenu arbitrairement des civils accusés d'appartenir au FNR.

"Ces graves violations des droits humains créent un climat de peur et de méfiance dans la région", relevait Amnesty.

Des accusations démenties par les talibans.

"Avant, on se sentait très bien en venant ici, nos maris pouvaient venir librement", se souvient Nabila, venue de Kaboul avec ses quatre soeurs pour les funérailles de leur mère, près de la ville de Bazarak.

"Maintenant nous avons peur et nous craignons qu'ils (les talibans) les arrêtent. La plupart de nos maris n'ont pas pu venir pour les funérailles, nous leur avons dit qu'on ne pouvait pas faire confiance aux talibans", dit-elle à l'AFP, sans donner son nom.

A l'arrivée des islamistes en septembre, de nombreux habitants avaient fui.

"Probablement moins de 2.000 familles ont peut-être quitté le Panchir, mais la plupart d'entre elles sont revenues", affirme à l'AFP Abubakar Sediq, porte-parole du gouverneur du Panchir, qui comptait plus de 170.000 habitants avant août 2021.

Interrogé sur les actions du FNR, il répond "propagande", tout comme Abdul Hamid Khurasani, chef local de l'unité Badri, les forces spéciales talibanes.

"Nous n'avons vu aucun front, le front n'existe pas", répond calmement le combattant, depuis une maison du village de Tawakh, dans le district d'Anaba, dominant l'entrée de la vallée et devenue son QG.

"Aucune menace de sécurité n'existe, nulle part (...) Quelques personnes sont dans les montagnes, nous sommes à leur poursuite", affirme l'homme, entouré d'une garde rapprochée lourdement armée.

"Si nous étions quelques combattants et si nous avions été repoussés dans les montagnes, pourquoi envoient-ils des milliers de combattants ?", répond à l'AFP Ali Maisam Nazary, chef des relations internationales du FNR.

"Nous avons une base permanente dans chaque vallée latérale du Panchir, soit plus de 20 bases", et aussi dans d'autres provinces du nord-est, affirme-t-il. Le FNR revendique un effectif de quelque 3 000 membres à travers le pays, un chiffre impossible à vérifier.

Pour Michael Kugelman, du groupe de réflexion américain Wilson Center, "la volonté (du FNR) de se battre est bien là, mais (...) la capacité n'y est pas", en soulignant qu'une "grande partie" de ses dirigeants et ses combattants sont à l'étranger, notamment au Tadjikistan voisin.

"Pour que le FNR soit un groupe vraiment efficace, il va lui falloir plus de soutien extérieur, militaire et financier", dit-il.

L'autre menace qui pèse sur l'autorité des talibans reste l'Etat islamique-Khorasan (EI-K), la branche régionale de l'EI, qui s'est montré assez actif depuis un an.

Le groupe jihadiste a posé des bombes et commis des attentats suicides, mais il a surtout ciblé des minorités religieuses afghanes, principalement les chiites, plutôt que de s'attaquer directement aux talibans.

Les talibans tentent de minimiser la menace de l'EI-K, et mènent une lutte sans pitié contre le groupe, arrêtant des centaines d'hommes accusés d'en faire partie.

Ils assurent depuis quelques mois avoir vaincu l'EI-K, mais les analystes estiment que le groupe extrémiste constitue toujours le principal défi sécuritaire pour le nouveau pouvoir afghan.

Michael Kugelman estime que le FNR pourrait tirer avantage d'une intensification des attaques de l'EI-K.

"Si les Afghans voient leurs familles se faire exploser par l'EI-K (...), cela pourrait, je pense, porter une atteinte majeure à la légitimité des talibans et cela pourrait profiter au FNR et lui donner une ouverture" pour apparaître comme une alternative, juge l'analyste.


L'Otan en plein doute sur son avenir face à la tempête Trump

Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, s'exprime lors d'une conférence et d'une réunion avec des étudiants de l'École d'économie de Varsovie (SGH), à Varsovie (Pologne), le 26 mars 2025. (Photo Wojtek RADWANSKI / AFP)
Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, s'exprime lors d'une conférence et d'une réunion avec des étudiants de l'École d'économie de Varsovie (SGH), à Varsovie (Pologne), le 26 mars 2025. (Photo Wojtek RADWANSKI / AFP)
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  • Sous les coups de butoir de Donald Trump et de son équipe, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, vieille dame de plus de 75 ans, doit rapidement changer.
  • les États-Unis restent membres de l'OTAN, y compris pour la dissuasion nucléaire, mais se désengagent des forces conventionnelles, comme l'a évoqué le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth. 

BRUXELLES : Les tirs de barrage américains contre les pays européens de l'Otan ébranlent jusqu'aux fondements de l'Alliance atlantique, qui a cependant toutes les peines du monde à imaginer un avenir sans les États-Unis.

Sous les coups de butoir de Donald Trump et de son équipe, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, vieille dame de plus de 75 ans, doit rapidement changer. Un diplomate interrogé sous couvert d'anonymat décrit l'agressivité de la nouvelle administration américaine comme un « traumatisme ».

Ce changement se fera-t-il avec ou sans les États-Unis ? La question agite les couloirs du siège de l'Alliance à Bruxelles.

« On connaît la direction : moins d'États-Unis et plus d'Europe », résume un diplomate sous couvert d'anonymat. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens.

En deux mois, Donald Trump s'en est pris au Canada qu'il entend voir devenir le 51ᵉ État américain, et au Danemark, dont il revendique l'un des territoires, le Groenland. 

Plusieurs responsables américains, dont le vice-président J. D. Vance, n'ont pas caché leur mépris à l'égard des Européens, considérés comme des « profiteurs » et des passagers clandestins d'une alliance où, dénoncent-ils, ils ne paient pas leur dû.

Depuis le 20 janvier, date du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, « l'optimisme est de moins en moins de mise », confie un diplomate. « Les États-Unis n'ont pas encore pris de décisions concrètes, mais on dirait que chaque jour est porteur d'un nouveau coup contre les fondations de l'Alliance. »

- Transition « désordonnée » -

Pour Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l'Otan et chercheur auprès de l'ECFR, trois scénarios sont possibles.

Celui de la transition ordonnée : les Américains se désengagent, mais en bon ordre, à la suite d'une négociation qui donne aux Européens le temps de se préparer. « Cela permet d'éviter les incertitudes », assure-t-il dans un entretien avec l'AFP.

Celui de la transition « désordonnée » : les États-Unis restent membres de l'OTAN, y compris pour la dissuasion nucléaire, mais se désengagent des forces conventionnelles, comme l'a évoqué le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth. 

Le retrait se fait « en mode crise », avec des « menaces et des annonces désordonnées ». C'est « le scénario dominant » aujourd'hui, estime l'analyste.

Il y a aussi le scénario cauchemar pour nombre d'Alliés : le retrait « de facto ou de jure ». Les États-Unis se désintéresseront de la défense du continent européen.

Donald Trump exige que les Européens et les Canadiens consacrent au moins 5 % de leur PIB à cette défense, alors qu'ils sont à moins de 2 % pour l'Italie ou l'Espagne. La marche est très haute. Mais tous savent qu'il faudra « annoncer » quelque chose au sommet de l'OTAN en juin, selon un diplomate.

Le Secrétaire général de l'Alliance Mark Rutte a évoqué un chiffre entre 3,5 et 3,7 %. Ce sera difficile, mais c'est une question de priorités dans les dépenses nationales, ajoute-t-il. 

Personne ne sait si ce chiffre sera suffisant pour Donald Trump.

- "Cinq ans" -

En attendant, beaucoup à Bruxelles et dans les autres capitales européennes s'interrogent sur un "après" Etats-Unis.

"Nous avons toujours su que le moment viendrait où l'Amérique se retirerait en quelque sorte et où l'Europe devrait faire davantage", rappelle ainsi Jamie Shea, ancien porte-parole de l'Otan et expert auprès du think tank londonien Chatam House.

Et le calendrier est très serré. Les Européens ont "cinq ans" pour recréer une dissuasion face à la menace russe, juge ainsi Camille Grand. Un calcul basé sur le temps jugé nécessaire, selon plusieurs services de renseignement, pour que la Russie reconstitue son armée et soit en mesure de menacer un pays de l'Otan, explique-t-il. 

Selon cet expert français, les Européens en sont capables, même si un investissement substantiel sera nécessaire pour combler l'apport américain en termes de renseignement, de satellites ou de logistique. « Il n'y a pas de raison que 500 millions d'Européens ne puissent pas dissuader 140 millions de Russes », assure-t-il.

Plusieurs pays en doutent. « Les États-Unis restent indispensables pour une dissuasion crédible », estime ainsi un diplomate européen auprès de l'Otan.


Le Wisconsin, théâtre d'une première défaite électorale pour Trump et Musk

 Donald Trump et Elon Musk. (Photo AFP)
Donald Trump et Elon Musk. (Photo AFP)
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  • Le président américain Donald Trump a essuyé mardi son premier revers électoral avec l'élection d'une juge démocrate dans le Wisconsin,
  • En Floride, deux législatives partielles ont également eu lieu mardi dans des circonscriptions solidement ancrées à droite et qui resteront dans l'escarcelle des républicains, selon les projections de plusieurs médias

WASHINGTON : Le président américain Donald Trump a essuyé mardi son premier revers électoral avec l'élection d'une juge démocrate dans le Wisconsin, un scrutin habituellement d'ampleur locale, marqué cette fois-ci par la forte implication d'Elon Musk.

Selon les projections de plusieurs médias américains, Susan Crawford, soutenue par les démocrates, a remporté un siège pour dix ans à la Cour suprême de cet État de la région des Grands Lacs.

Elle faisait face à Brad Schimel, soutenu par Donald Trump et par le multimilliardaire Elon Musk, et dont la victoire aurait fait basculer la haute instance du Wisconsin du côté conservateur.

En Floride, deux législatives partielles ont également eu lieu mardi dans des circonscriptions solidement ancrées à droite et qui resteront dans l'escarcelle des républicains, selon les projections de plusieurs médias.

Mardi soir, le président a mis à profit sa plateforme Truth Social pour se féliciter des deux « larges » victoires de son camp en Floride, mettant en avant son « soutien » aux candidats.

Il n'a en revanche pas commenté le résultat pour la Cour suprême du Wisconsin, préférant y retenir l'adoption, par un référendum organisé le même jour, d'une mesure obligeant les électeurs à présenter une pièce d'identité avec photo afin de pouvoir voter.

« C'est une grande victoire pour les républicains, peut-être la plus grande de la soirée », a-t-il écrit.

« Le plus important » 

Elon Musk n'a pas non plus réagi à la défaite de Brad Schimel, et a plutôt salué l'issue du référendum local. « C'était le plus important », a-t-il affirmé sur son réseau social X.

Le patron de Tesla et Space X s'inquiétait d'un potentiel rééquilibrage par la Cour suprême locale dans le découpage des circonscriptions électorales, en faveur des démocrates. État pivot, le Wisconsin avait été remporté par Donald Trump à la présidentielle de novembre.

« C'est l'une de ces situations étranges où une petite élection en apparence pourrait déterminer le destin de la civilisation occidentale », avait lancé Elon Musk mardi.

Le président républicain avait, lui, publié lundi sur Truth Social un message de soutien à Brad Schimel. Il s'en était surtout pris à Susan Crawford, qui serait, selon lui, « un désastre pour le Wisconsin et pour les États-Unis d'Amérique ».

Un peu plus de deux mois après le début de son mandat, les enquêtes d'opinion indiquent une baisse relative de la popularité de Donald Trump. Ces élections dans le Wisconsin et en Floride étaient les premières véritables épreuves auxquelles il faisait face dans les urnes depuis novembre.

Campagne onéreuse 

Mardi, le trumpiste Randy Fine a bien remporté le siège en jeu à la Chambre des représentants face au démocrate Josh Weil, mais avec une avance bien plus mince qu'il y a quelques mois.

Ces résultats ont « de quoi donner des sueurs froides à mes collègues républicains », a déclaré sur la chaîne MSNBC Hakeem Jeffries, responsable de la minorité démocrate à la Chambre des représentants. Cela fait écho à la difficulté de l'opposition à se faire entendre depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.

Dans le Wisconsin, les deux camps avaient sorti l'artillerie lourde pour une élection qui, d'ordinaire, passe inaperçue dans le reste du pays.

Selon le Centre Brennan de l'université de New York, c'est « le scrutin judiciaire le plus coûteux de l'histoire américaine », avec plus de 98 millions de dollars déversés dans la campagne, dont 53 millions en faveur du candidat conservateur.

Elon Musk n'est pas étranger à cela.

« Il a dépensé plus de 25 millions de dollars pour essayer de m'empêcher de siéger à la Cour suprême du Wisconsin », a lancé dimanche Susan Crawford lors d'un rassemblement.

Son équipe de campagne avait récemment accusé Elon Musk de vouloir « acheter un siège à la Cour suprême du Wisconsin afin d'obtenir une décision favorable » dans des poursuites engagées par Tesla, son entreprise de véhicules électriques, contre les autorités du Wisconsin.


Amnesty International demande à la Hongrie d'arrêter M. Netanyahou

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo d'archives de l'AFP)
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo d'archives de l'AFP)
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  • Le Premier ministre israélien doit se rendre cette semaine dans un pays membre de la Cour pénale internationale
  • Cette visite " ne doit pas devenir un indicateur de l'avenir des droits humains en Europe "

LONDRES : Amnesty International a demandé à la Hongrie d'arrêter le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, à la suite d'informations selon lesquelles il se rendra dans cet État membre de l'UE mercredi à l'invitation de son homologue hongrois Viktor Orban.

M. Netanyahou fait l'objet d'un mandat d'arrêt délivré en novembre par la Cour pénale internationale en raison de la conduite d'Israël à Gaza.

M. Orban, proche allié de M. Netanyahu, a déclaré qu'il n'exécuterait pas le mandat. En tant qu'État membre, la Hongrie est tenue d'exécuter tout mandat d'arrêt délivré par la CPI.