Les affrontements entre Israël et les groupes palestiniens plongent Gaza dans le cauchemar

De la fumée s'élève à la suite de frappes aériennes israéliennes visant un bâtiment dans la ville de Gaza, le 5 août 2022 (Photo, AP/Hatem Moussa).
De la fumée s'élève à la suite de frappes aériennes israéliennes visant un bâtiment dans la ville de Gaza, le 5 août 2022 (Photo, AP/Hatem Moussa).
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Publié le Lundi 08 août 2022

Les affrontements entre Israël et les groupes palestiniens plongent Gaza dans le cauchemar

  • La situation humanitaire s'est aggravée et le nombre de victimes civiles a augmenté alors que l'armée israélienne a pris pour cible le Djihad islamique palestinien (PIJ)
  • Israël a soutenu que les militants de Gaza préparaient des attaques en représailles à l'arrestation d'un responsable du PIJ en Cisjordanie

DUBAÏ: Ce qui a commencé comme une opération de sécurité israélienne routinière le 1er août dans une ville palestinienne critique de Cisjordanie s'est aussitôt transformé en un conflit de grande ampleur. Dimanche soir, le nombre de morts dans les rangs palestiniens s'élevait à 43, dont 15 enfants. Un accord de trêve négocié par l'Égypte donne cependant une lueur d'espoir à la population de la bande de Gaza épuisée par la guerre.

La cible de l'opération militaire «Breaking Dawn» de l'armée israélienne était le groupe palestinien du Djihad islamique qui est soutenu par l'Iran et a son siège dans la capitale syrienne, Damas. Toutefois, l'idée d'une «guerre rapide et propre» limitée à la bande de Gaza, avec un minimum de dégâts pour les civils, pourrait bien ne pas se concrétiser si l'accord de cessez-le-feu échoue.

Lors de sa récente visite à Téhéran pour rencontrer les dirigeants iraniens, Ziad al-Nakhalah, secrétaire général du Djihad islamique palestinien (PIJ), a averti que toutes les villes israéliennes – y compris Tel Aviv – pourraient être frappées par des roquettes, et a exhorté les autres factions palestiniennes à unir leurs forces. Depuis plusieurs jours, les médias israéliens montrent des images du ciel s'illuminant de roquettes et d'intercepteurs du système de défense antimissile Dôme de Fer au-dessus du sud et du centre du pays.

Comme prévu, des similitudes ont été établies entre la flambée actuelle et le conflit de 11 jours de mai 2021 qui a fait plus de 200 morts parmi les Palestiniens et une douzaine parmi les Israéliens. Mais cette fois-ci, la grande différence est que le Hamas, groupe palestinien qui contrôle Gaza, ne s'est pas lancé dans la bataille – une éventualité à envisager si la trêve ne tient pas et si le nombre de victimes civiles continue d'augmenter.

Des enfants de Khan Yunis peu après une frappe aérienne israélienne, le 6 août (Photo, AFP).

Comme toujours, lorsqu'Israël lance une attaque contre des groupes militants palestiniens, ce sont les habitants ordinaires des quartiers de Gaza dans la ligne de mire de l'armée qui subissent les conséquences. Les images des bâtiments à moitié détruits et des biens endommagés des civils appauvris contredisent totalement le récit officiel israélien qui évoque une «opération préventive anti-terroriste contre une menace immédiate» posée par le PIJ.

Samedi, des flammes ont jailli d'un immeuble de la ville de Gaza à la suite d'une frappe aérienne israélienne, tandis que des Palestiniens blessés étaient évacués par des médecins. Selon le ministère de la Santé de Gaza, «une fille de cinq ans, visée par l'occupation israélienne» comptait parmi les personnes tuées. «Ce n'est pas l'Ukraine ! C'est la bande de Gaza, hier !» a tweeté Jasika, de nationalité palestinienne, avec quatre photos de destruction sous le hashtag #GazaUnderAttack.

Interrogé par l'agence de presse AFP, Abdallah al-Arayshi a résumé la détresse collective des Palestiniens: «Le pays est ravagé. Nous en avons assez des guerres. Notre génération a perdu son avenir». Il faisait référence aux nombreuses guerres et batailles qu'Israël et le Hamas ont menées depuis 2007 et qui ont coûté cher aux deux millions de résidents palestiniens de Gaza.

L'Égypte, qui a déjà contribué à mettre fin à de nombreuses flambées de violence à Gaza, est une fois de plus intervenue en envoyant une délégation de fonctionnaires en Israël pour servir d'intermédiaire. Le PIJ n'était peut-être pas enclin à négocier, mais il n'avait pas vraiment le choix.

Des Palestiniens inspectent les ruines d’un bâtiment détruit par une frappe aérienne, le 6 août à Gaza (Photo, AFP).

Samedi, le groupe a perdu un deuxième commandant de haut rang, Khaled Mansour, dans une frappe militaire israélienne qui a visé une maison dans le camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de Gaza. La veille, le PIJ avait annoncé la mort de son principal dirigeant, Taysir al-Jabari, dans une frappe aérienne qui a touché un bâtiment à l'ouest de la ville de Gaza.

Le meurtre du prédécesseur d'Al-Jabari, Baha Abou al-Ata, commis par l'armée israélienne en 2019, à Gaza, a déclenché un conflit de cinq jours qui a fait 34 morts et 111 blessés parmi les Palestiniens, dont de nombreux combattants du PIJ. À l'époque, comme aujourd'hui, Israël avait prétendu que le PIJ planifiait une attaque imminente.

Cette fois-ci, Israël a affirmé que les militants du PIJ à Gaza prévoyaient de frapper le sud d'Israël en représailles à l'arrestation de Bassem al-Saadi, un membre haut placé de l'aile politique du PIJ en Cisjordanie, lors d'une opération de sécurité survenue le 1er août à Jénine. Al-Saadi y vivait depuis février 2013, date à laquelle il a été libéré d'une prison israélienne après avoir servi deux ans.

Des proches de Khaled Mansour, commandant du Djihad Islamique, pleurent sa mort, le 7 août (Photo, AFP).

Jénine est une cible fréquente des opérations d'arrestation israéliennes en Cisjordanie depuis qu'une vague d'attentats meurtriers perpétrés par des Palestiniens a frappé Israël fin mars, deux des assaillants étant originaires de la ville.

«Israël aurait agi en fonction des rapports des services de renseignement indiquant que le PIJ s'apprêtait à lancer un certain nombre d'attaques contre le pays. Ainsi, Israël a voulu porter un grand coup au PIJ», a confié à Arab News Meir Javedanfar, maître de conférences et analyste du Moyen-Orient à l'Université Reichman.

«Partant de cette thèse, il était difficile pour Israël d'éviter cette action. Si vous savez que votre ennemi va attaquer, vous l'en empêcherez, et cela inversera vraiment les rôles.»

Le raisonnement d'Israël n'a cependant pas réussi à convaincre les civils palestiniens qui se trouvaient dans la ligne de mire, ni les opposants de la doctrine militaire de la force préventive, notamment le rapporteur spécial des Nations Unies sur les territoires palestiniens occupés.

Samedi, Francesca Albanese a tweeté: «Je condamne les frappes aériennes d'Israël à Gaza prétendument destinées à ‘dissuader’ le Djihad islamique d'exercer d'éventuelles représailles après l'arrestation de son chef. Le droit international n'autorisant le recours à la force qu'en cas de légitime défense, l'opération ‘Breaking Dawn’ est un acte d'agression flagrant. Illégal. Immoral. Irresponsable.»

Des combattants du Djihad Islamique pénètrent dans un tunnel souterrain dans la bande de Gaza, le 17 avril dernier (Photo, AFP).

En plus du contrecoup diplomatique, le gouvernement israélien, dirigé par Yaïr Lapid – un homme politique sans passé militaire ni expérience à de hauts postes de sécurité – allait tôt ou tard devoir faire face à la détérioration de la situation humanitaire à Gaza.

Il n'y a presque pas eu de reconstruction à Gaza depuis la guerre de mai 2021, et la population reste plongée dans la pauvreté, avec un taux de chômage frôlant les 50%. Israël a fermé son point de passage avec le territoire et, samedi, des rapports ont indiqué que la seule centrale électrique de la région avait été arrêtée après qu'Israël a annulé une livraison de carburant attendue.

Yahya al-Sarraj, le maire de la ville de Gaza, a déclaré dimanche que les services municipaux étaient affectés par le manque d'électricité. «Cela va limiter l'approvisionnement en eau domestique (alors que la consommation est maximale en juillet et en août)», a-t-il dit. «Les eaux usées brutes seront déversées dans la mer parce que les centrales ne fonctionnent pas à pleine capacité.»

Évidemment, les patrons du PIJ à Téhéran n'ont pas perdu de vue le potentiel d'un coup de propagande. L'agence de presse iranienne Fars a cité le président Ebrahim Raisi qui aurait dit: «La résistance de la population de Gaza accélérera le déclin de ce régime (sioniste) tueur d'enfants.»

Le président iranien Ebrahim Raisi rencontre Ziyad Nakhaleh, secrétaire général du Djihad islamique palestinien (PIJ), à Téhéran, le 4 août 2022 (Photo, WANA via Reuters).

Sur un autre plan, la télévision d'État iranienne a rapporté samedi les propos du général Hossein Salami, chef du corps des Gardiens de la Révolution islamique: «Les Israéliens paieront encore un lourd tribut pour leur dernier crime.»

Plus tôt, l'agence de presse iranienne Tasnim avait également rapporté les paroles de Salami: «Au Liban, plus de cent mille missiles sont prêts à être tirés et à créer un enfer pour les sionistes.»

Javedanfar considère le lien entre le PIJ et l'Iran comme une deuxième raison probable de la décision d'Israël de sévir contre le groupe. «Étant donné que les attaques israéliennes ont eu lieu lorsque le chef du PIJ se trouvait à Téhéran, le contexte iranien de l'opération actuelle ne peut être négligé», a-t-il révélé à Arab News.

Des Palestiniens se rassemblent dans le camp de réfugiés de Burj al-Barajneh, au Liban, le 7 août 2022, pour soutenir la marche du groupe Djihad islamique dans sa lutte contre Israël. (Anwar Amro/AFP)

«Le PIJ est un mandataire iranien, beaucoup plus que le Hamas ne l'est, et il est plus dépendant de l'Iran que le Hamas. Israël refuse que l'Iran dicte les règles du jeu à travers son mandataire à Gaza. Je pense qu'Israël essaie de limiter les moyens dont dispose l'Iran pour compromettre la sécurité d'Israël à Gaza et en Syrie.»

«Israël ne s'intéresse pas à un plus grand conflit à Gaza, mais n'hésitera pas non plus à s'y engager», avait menacé le Premier ministre israélien, Lapid. Un conflit plus large exposerait certainement Israël non seulement à des pertes civiles plus importantes, mais aussi à une plus grande pression politique, qui pourrait notamment être exercée par les signataires arabes des accords d'Abraham.

Dans le meilleur des cas pour Israël, l'aile militaire du PIJ aurait été décapitée, la tempête diplomatique se serait rapidement dissipée et le nombre de victimes civiles à Gaza n'aurait pas augmenté. Mais, étant donné l'ombre que le conflit israélo-palestinien continue de projeter sur les nouveaux alignements géopolitiques au Moyen-Orient, Israël aurait très bien pu gagner la bataille mais aurait perdu la guerre.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La France plaide pour l'application du cessez-le-feu au Liban face à la recrudescence des attaques israéliennes

Anne-Claire Legendre et Joseph Aoun. (Fourni)
Anne-Claire Legendre et Joseph Aoun. (Fourni)
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  • Anne-Claire Legendre, conseillère du président français pour les affaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, a déclaré que Paris continuerait à soutenir le Liban et à œuvrer à la stabilisation de la région sud
  • La visite de Mme Legendre intervient alors qu'Israël intensifie ses raids aériens sur les sites liés au Hezbollah, faisant craindre un conflit plus large

BEYROUTH : La France a réaffirmé jeudi son engagement en faveur de la stabilité du Liban et a promis un soutien accru à ses forces armées et à ses efforts de reconstruction, alors que les attaques israéliennes dans le sud du pays continuent de s'intensifier.

Lors d'une visite officielle à Beyrouth, Anne-Claire Legendre, conseillère du président français pour les affaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, a déclaré que Paris continuerait à soutenir le Liban et à "travailler à la stabilisation de la zone sud".

Cette visite intervient alors qu'Israël intensifie ses raids aériens sur les sites liés au Hezbollah, ce qui fait craindre une extension du conflit.

Lors d'une réunion avec de hauts responsables libanais, Mme Legendre a réaffirmé l'intention de la France d'organiser deux conférences internationales pour soutenir les efforts d'aide et de reconstruction du Liban et renforcer l'armée libanaise.

Elle s'est également engagée à activer le comité de surveillance de la cessation des hostilités (mécanisme), en réponse à la demande du Liban de mettre en œuvre le cadre du cessez-le-feu.

La visite de l'envoyée française s'inscrit dans le cadre des efforts diplomatiques urgents visant à alléger la pression sécuritaire croissante exercée par Israël sur le Liban et à relancer la dynamique de l'accord de cessez-le-feu du 20 novembre, qui est au point mort et qui vise à mettre en œuvre la résolution 1701 des Nations unies, initialement rédigée pour mettre fin à la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah.

Les violations continues par Israël de l'accord de cessation des hostilités comprennent des frappes sur ce qu'il prétend être des cibles du Hezbollah dans le sud, ce qui alimente les craintes au Liban qu'Israël ne prépare le terrain pour une nouvelle guerre sous le prétexte d'arrêter le réarmement présumé du groupe.

Le président libanais Joseph Aoun a déclaré à M. Legendre que la poursuite des hostilités par Israël et son occupation de cinq positions stratégiques empêchaient l'armée libanaise de se déployer pleinement au sud du fleuve Litani, comme le prévoyait l'accord de cessez-le-feu.

Les hostilités quotidiennes d'Israël, a-t-il ajouté, entravent également les efforts de reconstruction du Liban après la guerre.

Selon son bureau de presse, M. Aoun a affirmé que l'armée libanaise poursuivait ses opérations dans les zones où elle s'est déployée au sud du Litani, saisissant les armes et les munitions et inspectant les tunnels et les entrepôts.

Il a ajouté : "L'armée remplit ses fonctions avec précision, en dépit de la propagande qu'Israël diffuse pour saper ses capacités et son rôle - un rôle qui continue de bénéficier du soutien de tous les Libanais."

Il a précisé qu'une douzaine de soldats avaient été tués jusqu'à présent dans l'exercice de leurs fonctions.

M. Aoun a réaffirmé à l'envoyé français que l'option des négociations diplomatiques avec Israël, qu'il avait proposée il y a plusieurs semaines, constituait la voie la plus viable pour rétablir la stabilité dans le sud et dans l'ensemble du Liban.

Il a toutefois confirmé que son pays "n'a pas encore reçu de réponse à sa proposition de négociations".

Dans un communiqué de son bureau de presse, M. Aoun a déclaré : "La poursuite de l'agression ne donnera rien : "La poursuite de l'agression ne donnera aucun résultat. Les expériences passées dans de nombreux pays ont montré que la négociation est la seule alternative durable aux guerres futiles."

Il a souligné que le soutien international, en particulier celui de la France et des États-Unis, peut contribuer à faire avancer les négociations avec Israël. Le comité du mécanisme fait partie des organes capables de parrainer de tels pourparlers, a-t-il déclaré.

M. Aoun a souligné auprès de l'envoyé français que les conférences internationales que la France entend organiser, aux côtés des États-Unis et de l'Arabie saoudite, pourraient aider l'armée libanaise à obtenir l'équipement militaire dont elle a tant besoin pour son déploiement et faciliter le retour des habitants du sud dans leurs maisons et villages détruits.

Il a salué "toute contribution européenne au maintien de la stabilité après le retrait de la FINUL du sud, en coordination avec les unités de l'armée libanaise, dont le nombre passera à 10 000 soldats d'ici la fin de l'année".

Les raids israéliens sur le sud du Liban se sont poursuivis jeudi.

Un drone israélien a frappé une voiture à Toul, près de Nabatieh, tuant son conducteur. Plusieurs raids aériens ont également frappé des installations à Aitaroun et Tayr Felsay.

Le porte-parole de l'armée israélienne, Avichay Adraee, a déclaré que "l'armée israélienne a effectué un raid sur un dépôt d'armes et sur des infrastructures du Hezbollah situées près de résidences civiles, sur la base de directives des services de renseignement".

Entre-temps, la 13e réunion du Comité du mécanisme, présidée par le général américain Joseph Clearfield, s'est tenue mercredi à Ras Naqoura.

Lors de cette réunion, le Liban a présenté un exposé sur les récentes violations israéliennes, notamment l'utilisation renouvelée des avertissements d'évacuation émis avant de viser plusieurs bâtiments, actions décrites comme une violation flagrante de l'accord de cessez-le-feu.

Le secrétaire général du Hezbollah, Sheikh Naim Qassim, a déclaré que le groupe avait l'intention de conserver ses armes au nord du fleuve Litani, une position qui viole les termes de l'accord de cessez-le-feu.

Après la déclaration de Qassim selon laquelle "il n'y a pas de menace ou de danger pour les colonies du nord", nombreux sont ceux qui se sont interrogés sur la raison pour laquelle le Hezbollah conserve ses armes au nord du fleuve Litani.

En réponse, le parti phalangiste a déclaré que le fait de rassurer Israël sur le fait que les colonies du nord ne sont pas menacées, tout en exprimant la volonté de débarrasser le sud de ses armes, soulève de sérieuses questions quant à l'objectif de la conservation de ces armes.

Le parti a demandé : Où est la soi-disant "résistance contre Israël" si sa priorité aujourd'hui est de rassurer Israël plutôt que de l'affronter ?


Cisjordanie: deux adolescents palestiniens abattus, l'armée israélienne dit avoir déjoué une attaque

 L'Autorité palestinienne a annoncé jeudi que des soldats israéliens avaient tué dans le sud de la Cisjordanie deux adolescents de 15 ans, présentés par l'armée israélienne comme des "terroristes en passe de perpétrer une attaque". (AFP)
L'Autorité palestinienne a annoncé jeudi que des soldats israéliens avaient tué dans le sud de la Cisjordanie deux adolescents de 15 ans, présentés par l'armée israélienne comme des "terroristes en passe de perpétrer une attaque". (AFP)
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  • L'armée israélienne avait indiqué plus tôt que des soldats en opération dans le secteur de Karmei Tzur, colonie juive voisine du village palestinien de Beit Omar, à quelques kilomètres au nord de Hébron, avaient "éliminé deux terroristes"
  • L'armée israélienne n'a pas fourni plus de détails sur cette affaire intervenant sur fond de recrudescence des violences en Cisjordanie, qui ont atteint en octobre un pic inédit en près de deux décennies selon l'ONU

DAYR ISTIYA: L'Autorité palestinienne a annoncé jeudi que des soldats israéliens avaient tué dans le sud de la Cisjordanie deux adolescents de 15 ans, présentés par l'armée israélienne comme des "terroristes en passe de perpétrer une attaque".

Le ministère de la Santé palestinien a annoncé sans plus de détail "le martyre de Bilal Bahaa Ali Baaran (15 ans) et Mohammad Mahmoud Abou Ayache (15 ans) tués par des balles de l'occupation [Israël, NDLR], cet après-midi, jeudi, près de Beit Omar, au nord de Hébron", grande ville du sud de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967.

L'armée israélienne avait indiqué plus tôt que des soldats en opération dans le secteur de Karmei Tzur, colonie juive voisine du village palestinien de Beit Omar, à quelques kilomètres au nord de Hébron, avaient "éliminé deux terroristes en passe de perpétrer une attaque".

L'armée israélienne n'a pas fourni plus de détails sur cette affaire intervenant sur fond de recrudescence des violences en Cisjordanie, qui ont atteint en octobre un pic inédit en près de deux décennies selon l'ONU.

Jeudi également, le ministère des Affaires étrangères de l'Autorité palestinienne, basée à Ramallah, a accusé des colons israéliens d'avoir incendié la mosquée Hajja Hamida à Dayr Istiya, dans le nord de la Cisjordanie.

Un photographe de l'AFP sur place a vu des murs noircis, des corans brûlés et des graffitis sur un mur de la mosquée.

"Cela viole, et de façon flagrante, le caractère sacré des lieux de culte et reflète le racisme profond des colons qui agissent en se plaçant sous la protection du gouvernement de l'occupation", a déclaré dans un communiqué le ministère.

Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne a déclaré que des forces de sécurité avaient été dépêchées sur les lieux après avoir reçu "des informations et des images [...] concernant des suspects ayant incendié une mosquée et tagué des graffitis".

Les soldats n'ont identifié aucun suspect sur place, a ajouté l'armée, condamnant "toute forme de violence".

"Schéma de violences extrémistes" 

Le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a condamné l'attaque de la mosquée, jugeant "que de tels actes de violence et de profanation de lieux de culte sont inacceptables", a déclaré son porte-parole, Stéphane Dujarric, dénonçant "un schéma de croissance de violences extrémistes qui attisent les tensions et doivent cesser immédiatement".

La veille, le lieutenant général Eyal Zamir, chef d'état-major de l'armée israélienne avait affirmé vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie, territoire palestinien où vivent désormais plus de 500.000 Israéliens - dans des colonies que l'ONU juge illégales au regard du droit international - au milieu de quelque trois millions de Palestiniens.

"L'armée ne tolérera pas de comportements criminels de la part d'une petite minorité qui ternit l'image d'une population respectueuse des lois", a déclaré le général Zamir, alors que nombre de témoignages accusent les soldats israéliens de rester passifs face à la violence de ces colons.

Ces dernières semaines, les attaques attribuées à des colons, jeunes, et de plus en plus violents et organisés, se sont multipliées en Cisjordanie, visant des Palestiniens mais aussi des militants israéliens ou étrangers contre la colonisation, des journalistes, et parfois des soldats.

Les violences ont explosé dans ce territoire depuis le début de la guerre de Gaza déclenchée par l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023 sur le sud d'Israël. Elles n'ont pas cessé, loin de là, avec la trêve fragile en vigueur à Gaza depuis le 10 octobre.

Au moins 1.005 Palestiniens, parmi lesquels de nombreux combattants, mais aussi beaucoup de civils, y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon un décompte de l'AFP à partir de données de l'Autorité palestinienne.

Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, au moins 36 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.


Tunisie: la famille d'un opposant en grève de la faim dénonce des «violences» en prison

L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture". (AFP)
L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture". (AFP)
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  • M. Ben Mbarek, chef de la principale coalition d'opposition FSN (Front de salut national) emprisonné depuis février 2023, a été condamné en avril à 18 ans de prison pour "complot contre la sûreté de l'Etat" et "adhésion à un groupe terroriste"
  • Pour protester contre sa détention qu'il a qualifiée d'"injuste" et "arbitraire", le quinquagénaire a entamé il y a deux semaines une grève de la faim où il ne mange rien et boit très peu d'eau, selon sa famille

TUNIS: L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture".

M. Ben Mbarek, chef de la principale coalition d'opposition FSN (Front de salut national) emprisonné depuis février 2023, a été condamné en avril à 18 ans de prison pour "complot contre la sûreté de l'Etat" et "adhésion à un groupe terroriste". Son procès en appel aux côtés d'une quarantaine d'autres personnalités est prévu le 17 novembre.

Pour protester contre sa détention qu'il a qualifiée d'"injuste" et "arbitraire", le quinquagénaire a entamé il y a deux semaines une grève de la faim où il ne mange rien et boit très peu d'eau, selon sa famille.

"Les agents ont ordonné aux détenus de l'agresser. Ils l'ont torturé car il refusait de manger", a dénoncé dans une vidéo sur Facebook, l'avocate Dalila Msaddek, soeur de M. Ben Mbarek qui, la semaine passée, s'était inquiétée de son état "alarmant".

"Des agents et des détenus l'ont frappé, les traces de coups sont visibles sur son flanc avec des ecchymoses. Ils l'ont frappé jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Six détenus et cinq agents ont fait cela", a affirmé Mme Msaddek, en pleurant. "Nous avons atteint le stade de la barbarie", a-t-elle dit.

L'avocate Hanen Khemiri, qui lui a rendu visite mercredi matin en prison, a confirmé en conférence de presse des "traces de torture et une côte cassée" et annoncé le dépôt d'une plainte au Parquet.

Le père de M. Ben Mbarek, le militant de gauche Ezzedine Hazgui, a rencontré le directeur de la prison qui a accusé l'avocate d'"exagérer la situation". Mais M. Hazgui s'est dit convaincu que "des gardiens criminels ont tabassé son fils".

En fin de semaine dernière, plusieurs autres opposants emprisonnés dont le chef du mouvement islamo-conservateur Ennahdha Rached Ghannouchi, 84 ans, ont annoncé une grève de la faim en solidarité avec M. Ben Mbarek.

Mardi, Mme Msaddek avait déploré une nouvelle détérioration de son état, assurant qu'il avait subi "deux crises au niveau des reins".

Le même jour, le Comité général des prisons, rattaché au gouvernement, avait démenti dans un communiqué "les rumeurs sur la détérioration de l'état de santé de tous les détenus, y compris ceux prétendant être en grève de la faim", affirmant qu'ils faisaient "l'objet d'un suivi médical constant".

Le parquet de Tunis a ordonné mercredi l'ouverture d'une enquête à l'encontre de trois avocats sur la base de plaintes de l'administration pénitentiaire qui a dénoncé la diffusion "de rumeurs et fausses informations" concernant les grèves de la faim en cours, ont indiqué des médias locaux.

Sans divulguer les noms des avocats, les médias citant une source judiciaire ont indiqué que les plaintes portent aussi sur la circulation de données jugées "erronées" relatives à la dégradation de l'état de santé de détenus déclarant observer ces grèves.

Plusieurs ONG tunisiennes et étrangères ont déploré un recul des droits et libertés en Tunisie depuis un coup de force par lequel le président Kais Saied s'est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021.