PARIS : "Colère" vis-à-vis des "égarés" qui commettent des attentats au nom de l'islam, peur d'une nouvelle "stigmatisation" : au lendemain de l'attentat de Nice, des fidèles musulmans témoignent à l'AFP de leur "tristesse" mais veulent continuer à croire en la "tolérance".
Souleymane le répète trois fois en secouant la tête : "c'est inadmissible". Cet éducateur sportif en banlieue parisienne raconte son "sentiment de tristesse", devant la grande mosquée de Paris, où il est venu pour la dernière prière collective de ce vendredi avant reconfinement.
"Il y a des égarés, ça ne ressemble pas à l'islam", dit-il en faisant référence au Tunisien qui a assassiné au couteau trois personnes jeudi à l'intérieur de la basilique Notre-Dame-de-l'Assomption de Nice. "On n'a pas le droit de tuer". "En plus de ça dans un lieu de culte ? C'est interdit !", s'exclame-t-il.
"Ceux qui créent cette zizanie ne sont pas parmi nous", abonde Aboubackar Saccoh, en sortant de la mosquée. Lors du prêche, "l'imam nous a demandé de rester fidèles à nous-mêmes", de prôner "la tolérance", les "valeurs de la France", de "vivre dans la dignité, le respect d'autrui et la cohésion sociale".
A quelques mètres passent quatre Gardes républicains montés à cheval. Le quartier est bouclé en plusieurs endroits par les forces de l'ordre, alors que l'exécutif a annoncé jeudi le renforcement de la sécurité des lieux de culte.
"Il y a toujours des stigmatisations, des amalgames", regrette Zohir Boudiba, professeur d'arabe, "triste de tout ce qui se passe au nom de l'islam". Il martèle : "les musulmans ne sont pas des terroristes et les terroristes ne sont pas des musulmans".
Farid Kachour, secrétaire général de l'association de la mosquée de Montfermeil (Seine-Saint-Denis) ressent de la "colère".
"Boucs-émissaires"
"En tant que citoyens français, on en a ras-le-bol d'être attaqués tous les jours et que notre sécurité soit mise à mal par quelques individus". "On rend les musulmans responsables de faits isolés" commis par des terroristes, "des personnes isolées, qui ne fréquentent pas nos lieux de culte."
La stigmatisation, il la ressent également. "On sent bien les regards posés dans la vie de tous les jours, il y a de l'agressivité", décrit-il. "Dès qu'il y a un problème, on dit que c'est les musulmans". On est "des boucs-émissaires", regrette Farid Kachour.
Aboubacar Diakité, 30 ans, éducateur sportif, originaire du Blanc-Mesnil, met en garde, pour sa part, contre les injonctions faites aux musulmans. "On nous demande de justifier les attentats, alors que pour moi, ce ne sont pas des musulmans, ce sont des fous".
Que faire ? Safia Tidjani, 26 ans, qui travaille dans un hôpital à Nice en tant qu'ingénieure se sent "impuissante". D'abord ne "pas faire d'amalgame et rester unis", plaide-t-elle.
"Il faudrait s'asseoir et réfléchir sur une stratégie commune et pérenne", estime Aminé Tidjani, 32 ans, analyste de données à Paris. Pour elle, le "combat commun" doit être celui mené "contre les terroristes". "La haine de l'autre ne fera qu'attiser les choses", prévient-elle.
"A chaque fois, on condamne, mais il faut agir", plaide Larbi Khaled, l'un des imams de la mosquée de Paris. "Qu'on soit main dans la main, musulmans, non-musulmans, autorités".
En attendant, la tristesse provoquée par l'attentat semblait mettre au second plan les conséquences du reconfinement.
A l'appel de responsables du culte, certaines mosquées ont fermé et dans celles qui restent ouvertes, comme la grande mosquée de Paris, les prêches du vendredi sont suspendus à partir de la semaine prochaine et pour toute la durée du confinement, prévu jusqu'au 1er décembre au moins.
"Moi, ma foi, mon âme, mon esprit, je les trouve quand je viens faire ma prière", soupire Zohir Boudiba. "Quand on voit que les mosquées ferment, ça fait vraiment mal".