Cerné par les manoeuvres chinoises, Taïwan fustige son «voisin malveillant»

Un avion militaire chinois survole l'île de Pingtan, l'un des points les plus proches de Taïwan en Chine continentale, dans la province du Fujian, le 5 août 2022. (AFP)
Un avion militaire chinois survole l'île de Pingtan, l'un des points les plus proches de Taïwan en Chine continentale, dans la province du Fujian, le 5 août 2022. (AFP)
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Publié le Vendredi 05 août 2022

Cerné par les manoeuvres chinoises, Taïwan fustige son «voisin malveillant»

  • Pékin a tiré jeudi des missiles balistiques et déployé son aviation et sa marine de guerre dans six zones maritimes autour de Taïwan, s'approchant jusqu'à 20 km
  • Washington a accusé Pékin d'avoir «choisi de surréagir» à la visite de Nancy Pelosi, et prévenu que son porte-avions USS Reagan continuerait à «surveiller» les environs de l'île

TAIPEI: Taïwan a fustigé vendredi son "voisin malveillant" au deuxième jour des plus grands exercices militaires jamais organisés autour de l'île par la Chine, insensible aux protestations outrées des Etats-Unis et de leurs alliés.

Pékin a tiré jeudi des missiles balistiques et déployé son aviation et sa marine de guerre dans six zones maritimes autour de Taïwan, s'approchant jusqu'à 20 km des côtes et perturbant des routes commerciales parmi les plus fréquentées du monde, pour exprimer sa colère après la visite à Taipei de la présidente de la Chambre des représentants américaine Nancy Pelosi.

La Chine communiste, qui considère que Taïwan fait partie de son territoire, a perçu cette visite comme une provocation majeure. Washington a pour sa part accusé le gouvernement chinois d'avoir surréagi.

Les exercices, dont un "assaut de missile conventionnel" dans les eaux à l'est de Taïwan selon le ministère chinois de la Défense, doivent se poursuivre jusqu'à dimanche midi. Vendredi, Taipei a affirmé que de nombreux "avions et navires de guerre" avaient franchi en fin de matinée la "ligne médiane" du détroit de Taipei, qui sépare l'île du continent.

Selon l'agence officielle Chine Nouvelle, l'Armée populaire de libération a "fait voler plus de cent avions de guerre, y compris des chasseurs et des bombardiers", de même que "plus de dix destroyers et frégates" jeudi.

La chaîne publique CCTV a affirmé que des missiles chinois avaient même survolé Taïwan pour la première fois.

Le gouvernement taïwanais a lui indiqué que l'armée chinoise avait lancé 11 missiles balistiques de classe Donfeng "en plusieurs salves". Le Japon en a dénombré neuf, dont quatre "auraient survolé l'île principale de Taïwan".

Le ministère de la Défense de Taipei n'a toutefois pas confirmé la trajectoire des projectiles, en "considérant que l'objectif principal du lancement de missiles par le PCC (Parti communiste chinois) est de nous intimider et dans le but de protéger les capacités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance de l'armée", selon un communiqué.

"Nous ne nous attendions pas à ce que le voisin malveillant fasse étalage de sa puissance à notre porte, et mette arbitrairement en péril les voies navigables les plus fréquentées du monde par ses exercices militaires", a déclaré à la presse le Premier ministre taïwanais, Su Tseng-chang.

Les Etats-Unis «ne permettront pas» à la Chine d'isoler Taïwan

Les Etats-Unis "ne permettront pas" à la Chine d'isoler Taïwan, a déclaré vendredi la présidente de la Chambre des représentants américaine Nancy Pelosi à Tokyo, après une visite à Taïwan qui a suscité l'ire de Pékin.

Mme Pelosi, 82 ans, qui était au Japon - dernière étape de sa tournée asiatique - pour la première fois depuis 2015, a provoqué la colère de la Chine en se rendant mardi et mercredi à Taïwan.

Pékin considère ce territoire autonome de 23 millions d'habitants comme faisant partie intégrante de son territoire, et a répliqué en lançant jeudi des exercices militaires d'ampleur inédite autour de l'île, tirant notamment des missiles balistiques dont certains seraient tombés dans la zone économique exclusive du Japon.

"Les Chinois ont procédé à ces tirs, utilisant probablement notre visite comme un prétexte", a commenté Mme Pelosi lors d'une conférence de presse vendredi à Tokyo.

Ils "ont essayé d'isoler Taïwan", a-t-elle ajouté, rappelant que Pékin avait au printemps rejeté l'appel des Etats-Unis à autoriser la participation de Taïwan à l'assemblée annuelle de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Mais "ils n'isoleront pas Taïwan en nous empêchant de nous y rendre. Nous avons eu des visites de haut niveau, des sénateurs au printemps, de manière bi-partisane (...) et nous ne leur permettrons pas d'isoler Taïwan", a-t-elle lancé. "Ils ne décident pas de nos déplacements."

Cette tournée dans la région "ne visait pas à changer le statu quo ici en Asie, à changer le statu quo à Taïwan", a assuré Mme Pelosi.

Depuis 1979, Washington ne reconnaît qu'un seul gouvernement chinois, celui de Pékin, tout en continuant à apporter un soutien aux autorités taïwanaises, via notamment d'importantes ventes d'armes.

Cette visite, a-t-elle dit, "concernait le +Taiwan Relations Act+", loi votée par le Congrès américain en 1979 et qui caractérise les relations entre les Etats-Unis et Taïwan, mais aussi "la politique Etats-Unis/Chine, tous les textes de loi et accords qui ont établi ce que sont nos relations".

"Il s'agit de célébrer Taïwan pour ce qu'elle est, une grande démocratie avec une économie prospère, avec du respect pour toute sa population".

Concernant les relations sino-américaines, elle a jugé que si les Etats-Unis "ne s'exprimaient pas au sujet des droits de l'homme en Chine à cause de (nos) intérêts commerciaux, nous perdrions alors toute autorité morale pour parler des droits de l'homme n'importe où dans le monde".

Report de tir américain 

Washington a accusé Pékin d'avoir "choisi de surréagir" à la visite de Nancy Pelosi, et prévenu que son porte-avions USS Reagan continuerait à "surveiller" les environs de l'île, tout en annonçant avoir reporté un test de missile intercontinental pour éviter d'aggraver la crise.

La Chine "a utilisé la visite de la présidente de la Chambre des représentants comme prétexte afin d'accroître ses opérations militaires provocatrices dans et autour du détroit de Taïwan", a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche pour les questions stratégiques John Kirby.

"La température est assez élevée", mais les tensions "peuvent baisser très facilement si les Chinois arrêtent ces exercices militaires très agressifs", a-t-il estimé.

Le Japon a exprimé une protestation diplomatique formelle contre Pékin, estimant que cinq des missiles chinois étaient tombés à l'intérieur de sa zone économique exclusive (ZEE).

Ces manoeuvres sont "un sérieux problème qui affecte notre sécurité nationale et celle de nos citoyens", a déclaré le Premier ministre nippon Fumio Kishida. "Nous appelons à l'arrêt immédiat des exercices militaires".

A Tokyo, dernière étape de sa tournée asiatique mouvementée, Mme Pelosi a affirmé que les Etats-Unis "ne permettront pas" à la Chine d'isoler Taïwan.

Cette tournée dans la région "ne visait pas à changer le statu quo ici en Asie, à changer le statu quo à Taïwan", a-t-elle assuré.

L'Australie condamne les exercices chinois "disproportionnés et déstabilisants" autour de Taïwan

Les exercices militaires menés depuis jeudi par la Chine tout autour de Taïwan "sont disproportionnés et déstabilisants", a dénoncé vendredi la ministre australienne des Affaires étrangères, Penny Wong.

"L'Australie est profondément préoccupée par le lancement de missiles balistiques par la Chine dans les eaux autour des côtes de Taïwan", a affirmé Mme Wong dans un communiqué.

"L'Australie partage les inquiétudes de la région quant à cette escalade d'activité militaire, et spécialement quant aux risques d'erreur de calcul", a-t-elle dit avant d'ajouter: "Nous appelons à la retenue et à la désescalade".

Elle a affirmé que son pays "ne souhaite aucun changement dans le statu quo dans le détroit de Taïwan" et continuait, à l'instar des Etats-Unis et de la plupart des pays, à ne reconnaître qu'un seul gouvernement chinois, celui de Pékin.

La ministre se trouve actuellement à Phnom Penh pour participer à un sommet des pays d'Asie de l'Est.

«Provocation flagrante»

Mais le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a déclaré à Phnom Penh, en marge d'un sommet régional jeudi, que la "provocation flagrante" des États-Unis avait créé un "précédent fâcheux".

"Si elle n'est pas corrigée et contrée, le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures existera-t-il toujours? Le droit international sera-t-il toujours respecté?" a-t-il déclaré, selon Chine Nouvelle.

Les manoeuvres empiètent sur certaines des routes maritimes les plus fréquentées de la planète, par lesquelles des équipements électroniques essentiels provenant des usines d'Asie de l'Est sont acheminés vers les marchés mondiaux.

Le Bureau maritime et portuaire de Taïwan a mis en garde les navires passant dans cette zone et plusieurs compagnies aériennes internationales ont indiqué à l'AFP qu'elles dérouteraient leurs vols pour éviter l'espace aérien autour de l'île.

"La fermeture de ces voies de transport - même temporairement - a des conséquences non seulement pour Taïwan, mais aussi pour les flux commerciaux liés au Japon et à la Corée du Sud", a écrit dans une note Nick Marro, analyste principal du commerce mondial de l'Economist Intelligence Unit.

Mais les marchés de Taipei semblaient ignorer les tensions. L'indice Taiex Shipping and Transportation de Taïwan, qui suit les principales valeurs du transport maritime et aérien, gagnait 2,3% vendredi matin.

Les analystes s'accordent à dire que, malgré son attitude agressive, Pékin ne souhaite pas pour l'instant une confrontation armée avec les Etats-Unis et leurs alliés au sujet de Taïwan.

"La dernière chose que Xi souhaite est le déclenchement d'une guerre accidentelle", a déclaré à l'AFP Titus Chen, professeur associé de sciences politiques à l'Université nationale Sun Yat-Sen de Taïwan.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »