PARIS; "Voulez-vous des investissements verts ou sociaux ?" Interroger les épargnants sur les placements durables devient obligatoire dans l'UE à partir de mardi mais la prise en compte des réponses va relever du casse-tête pour les banques.
"La durabilité est-elle un objectif d'investissement important pour vous" ? Désormais, les clients désirant investir une partie de leur épargne dans des produits financiers de la Banque Postale devront répondre à cette question, comme c'était déjà le cas concernant le degré de prise de risque.
En cas de réponse négative, les interrogations ne vont pas plus loin.
Et si elle est positive, une deuxième question demandera si le client souhaite définir lui- même ses préférences ou laisser la main à son conseiller. S'il garde la main, le client devra donner une proportion, avec un chiffre ou un degré d'intensité auxquels son conseiller doit se conformer.
La mission paraît simple, mais le secteur financier se sent mal armé à la veille de ces nouvelles exigences, imposées par la règlementation européenne.
"On a mis la charrue avant les boeufs", a résumé lors d'une présentation début juillet la responsable des affaires publiques de BNP Paribas AM, Laurence Caron-Habib.
En effet, le nouveau questionnaire se met en place alors même que les critères pour définir ce qu'est précisément un investissement durable ne sont pas encore totalement connus.
Si les critères de deux des six objectifs environnementaux (l'atténuation du changement climatique et l'adaptation à celui-ci) ont été définis par Bruxelles dans le cadre de sa taxonomie verte, il en reste quatre à préciser sur l'eau, la pollution, l'économie circulaire et la biodiversité. Ils ne sont pas attendus avant l'automne.
Et l'obligation de publication des données environnementales pour les entreprises ne commence qu'en janvier 2023.
Autre danger mentionné par l'association européenne des gestionnaires d'actifs dans une réponse à une consultation de l'Autorité européenne des marchés financiers : "Il sera commun qu'aucun produit de finance durable ne corresponde pleinement aux préférences initiales du client."
Moins de 2% des investissements dans les entreprises du CAC 40 seraient alignés avec la taxonomie, selon BNP Paribas AM.
S'ils ne veulent pas se référer à la classification verte de Bruxelles, les distributeurs de fonds, qui sont proposés aux épargnants, peuvent se référer à la notion d'"investissement durable". Mais la définition, plus floue, fait craindre différentes interprétations en fonction des gérants de fonds d'investissement, avec derrière le spectre de fausses promesses vertes.