BUENOS AIRES: Les marchés sont restés calmes vendredi en Argentine au lendemain de la nomination d'un nouveau "super ministre" de l'Économie, troisième titulaire de ce portefeuille en moins d'un mois, une désignation avant tout "politique", selon les analystes.
Le peso argentin s'est renforcé sur le marché informel, où il avait récemment atteint un record de 350 pesos contre un dollar. Vendredi, sur ce marché parallèle, dont les échanges sont marginaux en volume d'opérations, mais qui représente pour les Argentins un thermomètre économique, un dollar s'échangeait à moins de 300 pesos.
L'indice de référence de la Bourse de Buenos Aires, le Merval, était en légère baisse de 0,73% à l'ouverture, tandis que les titres de la dette ont repris des couleurs.
"La réaction des marchés a été positive parce qu'ils voient en (Sergio) Massa une figure pragmatique, avec des bonnes relations avec les entrepreneurs et le marché", a décrypté pour l'AFP l'économiste Nery Persichini, du cabinet d'analyses GMA Capital.
Jeudi, le président de centre gauche Alberto Fernandez a annoncé la nomination du président de la Chambre des députés, Sergio Massa, à un poste de "super ministre" de l'Économie, chapeautant aussi l'Agriculture, le Développement productif et les relations avec les organismes internationaux.
Cet avocat de 50 ans, engagé de longue date en politique, entrera en fonction mardi après que la Chambre des députés lui aura désigné un successeur.
M. Massa va notamment remplacer Silvina Batakis, nommée au portefeuille de l'Économie il y a moins d'un mois, le 3 juillet, en remplacement de Martin Guzman, artisan de la renégociation de la dette argentine, notamment avec le Fonds monétaire international (FMI).
M. Guzman avait démissionné sur fond de tensions au sein de l'exécutif entre le président Fernandez et l'aile gauche de la coalition au pouvoir, incarnée par la vice-présidente et ex-cheffe de l'État Cristina Kirchner (2007-2015) qui critiquait l'accord avec l'institution financière.
Cette démission surprise avait entraîné une nouvelle flambée de l'inflation, une envolée du taux de change sur le marché informel et la dépréciation des titres de la dette.
"M. Massa n'est pas un économiste, mais un politique. Et il se trouve que la crise argentine est politique. Il manquait quelqu'un avec les épaules et une habilité politique", a estimé auprès de l'AFP l'analyste Carlos Fara.
Élections à venir
M. Massa, figure de proue de la coalition au pouvoir, prendra la tête d'un portefeuille qui fusionne les ministères de l'Économie, du Développement productif, de l'Agriculture et de l'Élevage, ce qui va impliquer un remaniement ministériel.
Selon le chef de l'État, cette nomination a pour objectif une "meilleure coordination" de la politique économique. "Concentrer (en un seul ministère) la définition de la politique économique permettra de travailler de manière plus rapide, agile et efficace", a-t-il fait valoir sur Twitter.
L'Argentine, troisième économie d'Amérique latine, connaît l'un des taux d'inflation les plus élevés au monde, avec un cumul de 36,2% au seul premier semestre et plus de 60% sur les douze derniers mois. La pauvreté touche 37% des 45 millions d'habitants.
Si le FMI prévoit une croissance économique de 4% pour 2022 -- après une hausse de 10% en 2021 succédant à trois ans de récession -- le nouveau ministre de l'Économie va devoir faire face à plusieurs défis.
En particulier celui d'augmenter les réserves internationales, qui, selon plusieurs analystes, sont à un niveau critique, et d'assurer une réduction du déficit public conformément à l'accord de renégociation de la dette conclu début 2022 avec le FMI.
Le pays sud-américain, qui a renégocié avec le FMI le rééchelonnement d'un prêt de 44 milliards contracté en 2018, s'est engagé à une réduction du déficit public de 3% du PIB en 2021 à 0,9% en 2024.
Le vote d'approbation au Parlement de l'accord avait d'ailleurs jeté une lumière crue sur les divergences au sein de l'exécutif, le courant de Mme Kirchner ayant voté contre.
Pour le cabinet d'analyses Capital Economics, la nomination de M. Massa "permet d'espérer que le gouvernement respectera son accord avec le FMI, même si le respect des objectifs du programme sera une tâche ardue, notamment en raison des élections" présidentielles et législatives de 2023.