TEHERAN: Le rial iranien a atteint lundi un nouveau plus bas face au dollar, une dégringolade due à la crise liée au nouveau coronavirus en Iran, pays le plus touché au Proche et Moyen-Orient par la pandémie.
A Téhéran, dans la rue Ferdowsi qui compte des dizaines de banques et bureaux de change, la monnaie nationale s'échangeait à environ 192.800 rials iraniens pour un dollar vers 07H30 GMT, selon des journalistes de l'AFP sur place.
Ce taux est encore plus bas que celui connu par la monnaie nationale en septembre 2018 --190.000 rials alors pour un dollar--, après le retrait unilatéral de Washington en mai de l'accord sur le nucléaire iranien, et la réimposition des sanctions américaines sur l'économie iranienne en août.
Dans la rue Ferdowsi, Reza regarde d'un air désespéré les taux affichés par les bureaux de change. "C'est terrible en ce moment", confie-t-il, l'air désespéré. Il doit changer des rials pour des dollars, afin qu'une de ses proches puisse partir à l'étranger pour poursuivre ses études. Mais "chaque jour, nous constatons un taux différent", soupire le jeune homme de 35 ans.
Devant les bureaux de change étatiques, des files d'Iraniens se forment. Tous espèrent profiter d'un plan de la Banque centrale, qui offre des devises à des taux de change favorables.
Parmi eux, "Niki", une physiothérapeute de 30 ans qui voudrait émigrer en Australie. Mais "plus je travaille, moins je peux acheter des dollars" américains, déplore-t-elle. "Cela affecte mon bien-être et me rend plus stressée."
Crise sanitaire
Les sanctions américaines de 2018 ont particulièrement affecté l'Iran, limitant notamment ses ventes de pétrole. L'Iran n'a ainsi engrangé que 7,9 milliards d'euros en vendant du pétrole et des produits dérivés entre mars 2019 et mars 2020, contre un record de 105,6 milliards d'euros entre mars 2011 et mars 2012, selon le responsable de la Planification et du Budget, Mohammad Bagher Nobakht.
Afin de pallier la baisse des revenus pétroliers, l'Iran s'est concentré sur son secteur manufacturier, en exportant principalement vers ses voisins.
Or, "nos exportations non-pétrolières ont pratiquement cessé, notamment vers les pays voisins" en raison de l'épidémie de nouveau coronavirus, souligne l'économiste Saïd Leylaz, ancien conseiller auprès de plusieurs présidents iraniens.
Pour M. Leylaz, le plongeon du rial iranien n'est pas une surprise, compte tenu de la forte liquidité de la monnaie nationale, qui a suscité une accélération de l'inflation. La tourmente sur le marché des changes conduit à "une pression politique et sociale croissante sur le gouvernement", estime encore l'économiste.
La mauvaise passe du rial pourrait se prolonger, avertit pour sa part Yasser Chariat, à la tête d'une société de courtage. Au moins "jusqu'à ce que l'épidémie soit maîtrisée" et que les frontières soient rouvertes, juge-t-il.
L'Iran, qui a enregistré ses premiers cas le 19 février, recense officiellement désormais 207.500 personnes infectées, des chiffres montrant une tendance à la hausse depuis début mai.
Les autorités n'ont jamais imposé de confinement à la population. Après avoir décrété la fermeture des commerces dits "non essentiels" en mars, elles ont autorisé leur réouverture début avril, estimant que l'économie ne pouvait pas rester indéfiniment au point mort.