TOKYO: La Banque du Japon a laissé jeudi inchangée sa politique monétaire ultra-accommodante, conformément aux attentes, tout en relevant sensiblement ses prévisions d'inflation pour le pays sur fond de la flambée des prix de l'énergie et d'autres matières premières.
La BoJ mise désormais sur une hausse des prix à la consommation hors produits frais de 2,3% sur l'exercice 2022/23 entamé le 1er avril (en valeur médiane, contre une prévision précédente de 1,9%).
Son objectif d'une inflation hors produits frais de 2% devrait donc être atteint sur l'exercice en cours, une cible que la BoJ poursuivait en vain depuis près d'une décennie.
Mais l'institution a déjà maintes fois expliqué ces derniers mois qu'elle ne durcirait pas sa politique monétaire pour autant, car l'inflation actuelle au Japon est surtout tirée par l'explosion des prix de l'énergie, un facteur exogène et temporaire d'après la BoJ.
Elle voit ainsi l'inflation retomber à 1,4% en 2023/24 (contre 1,1% précédemment) et à 1,3% en 2024/25.
En outre, en excluant à la fois les produits frais et l'énergie, l'inflation nippone devrait se limiter à 1,3% sur l'exercice actuel et à 1,4% en 2023/24, toujours selon l'institution.
"Il n'y a pas de signes d'une accélération significative des hausses de salaires (au Japon, NDLR), ce qui serait nécessaire pour une croissance durable des prix", a rappelé l'économiste Ryutaro Kono dans une note de BNP Paribas.
«Une question de crédibilité»
Parallèlement à ses nouveaux pronostics sur l'inflation, la BoJ a abaissé jeudi à 2,4% sa prévision de croissance du PIB nippon en 2022/23, contre 2,9% lors de sa dernière anticipation en avril, mais a relevé de 0,1 point sa perspective de croissance pour 2023/24, à 2%.
Pour 2024/25, elle prédit une croissance de 1,3%, contre 1,1% jusqu'alors.
De nombreux vents contraires pèsent actuellement sur l'économie japonaise, dont l'impact de la guerre en Ukraine sur les prix, les risques de récession aux États-Unis et en Europe, la vive résurgence du Covid-19 dans l'archipel ou encore les perturbations persistantes des chaînes d'approvisionnement industrielles.
Le yen est par ailleurs en chute libre face au dollar depuis mars, un phénomène lié notamment au décalage grandissant entre les politiques monétaires au Japon et aux États-Unis, et qui renchérit encore les importations nippones.
D'un autre côté, cette tendance de change est généralement positive pour les grandes entreprises japonaises, en gonflant leurs profits générés à l'étranger une fois convertis en yen.
La BoJ s'est d'ailleurs contentée jeudi de mentionner dans son communiqué qu'il était "nécessaire d'accorder une attention particulière" aux fluctuations sur le marché des changes, comme à l'issue de sa précédente réunion en juin.
La Banque centrale va continuer d'appliquer son taux négatif de 0,1% sur les dépôts des banques auprès d'elle et acheter autant d'obligations publiques japonaises (JGB) que nécessaire pour plafonner leurs rendements à dix ans à 0,25%.
Elle a procédé ces derniers temps à des achats record sur le marché obligataire nippon pour défendre cette ligne rouge coûte que coûte, si bien qu'elle détient désormais plus de la moitié de tous les JGB en circulation.
Plus la BoJ est sous pression, plus elle est réticente à changer de cap "parce que cela devient une question de crédibilité", souligne Kowei Iwahara, économiste de Natixis interrogé par l'AFP. Pour une banque centrale, "si vous perdez votre crédibilité, cela peut entraîner le pire".