LAUSANNE : Premiers hauts dirigeants du football à risquer la prison en Europe dans le cadre du "Fifagate", le patron de beIN et du PSG Nasser Al-Khelaïfi, et l'ancien numéro 2 de la Fifa Jérôme Valcke, connaîtront leur sort vendredi en Suisse dans une affaire de droits télévisés.
Le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone rendra à 13h30 (12h30 GMT) son jugement contre les deux prévenus, entendus pendant dix jours en septembre, ainsi que contre un homme d'affaires grec qui n'avait pas comparu pour raisons de santé, Dinos Deris.
Dans cette affaire, premier scandale du football mondial à trouver son épilogue judiciaire en Suisse, le parquet avait requis 28 mois d'emprisonnement contre M. Al-Khelaïfi, 3 ans contre M. Valcke et 30 mois contre M. Deris, avec sursis partiel dans les trois cas.
Il s'agit du réquisitoire le plus sévère jamais prononcé sur le sol européen dans les multiples affaires qui minent la Fifa, alors que les Etats-Unis ont déjà envoyé deux anciens dirigeants latino-américains derrière les barreaux.
Ancien bras droit du patron déchu de la Fifa Sepp Blatter, Jérôme Valcke répond de deux affaires distinctes liées à sa quête d'argent pour assurer un train de vie "de cigale", comme l'a résumé le procureur fédéral Joël Pahud.
Contrat 'en or'
Dans le premier volet, le parquet lui reproche d'avoir sollicité à l'été 2013 l'aide de Nasser Al-Khelaïfi pour acheter une luxueuse villa en Sardaigne, au moment où beIN négociait la prolongation de ses droits médias en Afrique du Nord et au Moyen-Orient pour les Mondiaux-2026 et 2030.
"Personnalité phare du football", patron du Paris SG et membre du comité exécutif de l'UEFA, a rappelé le parquet, le dirigeant qatari avait acquis la "Villa Bianca" pour 5 millions d'euros, via une société transférée presque aussitôt au frère d'un de ses proches collaborateurs, avant de la mettre à disposition de M. Valcke.
Les deux hommes, qui nient tout "pacte corruptif" et plaident la relaxe, ont martelé face au tribunal qu'il s'agissait d'un arrangement "privé", sans lien avec le contrat de droits TV finalement conclu par beIN avec la Fifa en avril 2014.
Surtout, ils ont tour à tour dépeint un accord "en or" et même "sublime" pour l'instance du football, puisque beIN a payé 480 millions de dollars pour deux Coupes du Monde, soit 60% de plus que pour les Mondiaux-2018 et 2022, alors qu'il était seul en lice.
Peu importe, pour le parquet: M. Valcke aurait dû déclarer le montage autour de la Villa Bianca à la Fifa, et a donc été poussé par le patron de beIN à léser son employeur - deux délits relevant de la "gestion déloyale" et de l'"instigation" à cette infraction.
Corruption abandonnée
Mais la défense de Nasser Al-Khelaïfi n'a cessé de dénoncer une qualification "artificielle", conçue par l'accusation pour "tenter de sauver son dossier", puisqu'elle a dû abandonner la charge de "corruption" après un accord survenu en janvier entre la Fifa et le patron de beIN.
Pour Mes Marc Bonnant, Grégoire Mangeat et Fanny Margairaz, le dirigeant qatari n'a jamais "incité ou encouragé" M. Valcke à quoi que ce soit.
Dans une affaire distincte portant sur des droits télévisés en Grèce et en Italie, l'ancien numéro 2 de la Fifa était jugé pour avoir touché 1,25 million d'euros en trois versements de la part de Dinos Deris.
Il s'agissait cette fois, selon l'accusation, de favoriser l'obtention des droits médias de plusieurs Coupes du monde en Grèce et en Italie.
Partie plaignante dans ces deux dossiers, la Fifa réclame "entre 1,4 et 2,3 millions d'euros" à Jérôme Valcke pour avoir profité pendant 18 mois de la "Villa Bianca". Elle demande par ailleurs 1,25 million d'euros à son ex-secrétaire général et à Dinos Deris.