PARIS : Emmanuel Macron a pris sa décision : le président annoncera mercredi à 20H00 « la nouvelle étape », peut-être le reconfinement des Français, de la course de vitesse contre la progression exponentielle du Covid-19.
Des projections alarmantes de l'Institut Pasteur, remises à jour lundi et d'après lesquelles 98% des lits de réanimation seraient occupés par des patients Covid, ont nourri les conseils de défense qui se sont déroulés mardi et mercredi matin, selon Les Echos.
Mercredi, le chef de l'Etat a ouvert le conseil des ministres en insistant sur la dégradation massive, générale et largement inattendue que connaît l'Europe depuis plusieurs jours, a rapporté le porte-parole Gabriel Attal.
Le porte-parole, qui avait énuméré mardi soir les mesures « possibles » -un élargissement du couvre-feu, « un confinement » soit « territorialisé », soit « national »- a précisé qu'Emmanuel Macron avait tranché définitivement à l'occasion d'un conseil de défense précédant le conseil des ministres.
L'hypothèse qui semble la plus probable serait un confinement d'une durée de quatre semaines, c'est-à-dire jusqu'à la fin novembre, éventuellement renouvelable. Il serait moins strict que celui de mars puisque les crèches, écoles et collèges, ainsi que des commerces essentiels, resteraient ouverts, à l'image de celui imposé en Irlande. L'incertitude demeure sur l'ouverture des lycées et des universités.
Emmanuel Macron devrait aussi préciser les conditions pour l'organisation du travail, des transports et des déplacements interrégionaux, avec un possible retour de la limitation des déplacements à 100 km. Les compétitions sportives devraient pouvoir se poursuivre à huis-clos.
« Manque d'anticipation »
Au printemps, la population avait été confinée pendant 55 jours, du 17 mars au 11 mai, avec sévère restriction des déplacements et fermeture des établissements scolaires, des commerces non essentiels et des frontières.
« Il faut des mesures fortes, des mesures puissantes, compréhensibles par tous les Français, nationales », a insisté mercredi le numéro un de LREM Stanislas Guerini, pour lequel "la santé" doit passer « avant l'économie ».
« Le sentiment qu'on a, c'est que ça va durer quelques semaines et que le gouvernement essaie de trouver les moyens de préserver les écoles, les services publics » et « de maintenir un semblant de vie économique pour éviter une catastrophe », a résumé François Baroin, président de l'Association des maires de France, à l'issue d'une réunion avec les responsables politiques mardi soir.
Le Premier ministre a annoncé à ces derniers que des débats suivis de votes sur la lutte contre le Covid-19 auraient lieu à l'Assemblée nationale jeudi matin et au Sénat l'après-midi.
Mais, contrairement au printemps, les oppositions se montrent très sévères avec le gouvernement pour son « manque d'anticipation » et la mise en scène d'une concertation qui serait de pure forme.
« On a perdu un mois et demi dans des mesures de protection qui auraient pu endiguer l'avancée du virus. Aujourd'hui il n'y a plus d'autre solution, c'est trop tard. La deuxième vague c'est l'échec de la stratégie tester, tracer, isoler », a regretté le député LR Eric Ciotti sur Public Sénat.
Le ministre de la Santé Olivier Véran est monté au créneau lors des questions au gouvernement devant le Sénat mercredi après-midi pour critiquer l'opposition: « Les Français attendent de leur classe politique non pas qu'elle fasse de cette lutte contre l'épidémie je ne sais quel marche-pied vers je ne sais quelle élection à venir, mais bien une capacité à faire preuve d'un minimum d'unité nationale ».
« Risque de submersion »
Ces derniers mois, Emmanuel Macron avait répété que la stratégie était de « tout faire pour éviter » un nouveau confinement national.
La crainte des autorités est avant tout la saturation des services de réanimation: le nombre de patients s'y élevait mardi à 2.900, soit la moitié des 5.800 lits de réa disponibles dans toute la France, où l'épidémie a déjà fait plus de 35.000 morts.
Le gouvernement a fait état mardi de 288 morts à l'hôpital pour les dernières 24h00 et 235 en Ehpad sur les quatre derniers jours.
« On a beaucoup plus de malades et on s'attend à en avoir beaucoup plus qu'en mars-avril, et beaucoup moins de personnes pour y faire face », témoigne le professeur Djillali Annane, chef du service de réanimation de l'hôpital Raymond-Poincaré à Garches (Hauts-de-Seine).
Les responsables économiques s'alarment des conséquences d'un nouveau confinement sur l'économie, qui risque « l'écroulement », selon le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux.
Preuve de cette inquiétude, la Bourse de Paris a débuté la journée en dévissant de plus de 3%, avant de réduire ses pertes, dans l'attente des annonces d'Emmanuel Macron mais aussi venues d'Allemagne, où un nouveau tour de vis est en préparation.
La crise sanitaire et la crise économique et sociale « sont les deux faces d'une même pièce », a souligné Gabriel Attal, car « nous ne réglerons pas la crise économique en feignant d'ignorer son impact de l'épidémie sur les vies humaines et sur nos hôpitaux ».
Avant même les annonces du chef de l'Etat, la ministre du Travail Élisabeth Borne a assuré les partenaires sociaux mardi soir de la prolongation au-delà du 1er novembre du reste à charge de 15% lorsqu'une entreprise n'a d'autre choix que de mettre tout ou partie de ses salariés en chômage partiel.
Par ailleurs, une prime exceptionnelle de 1.500 euros va être attribuée à 5.000 entrepreneurs installés dans les Quartiers prioritaires de la ville (QPV) pour leur permettre de faire face aux conséquences de la crise.
A quelques heures de l'allocution, le cumul des bouchons en Ile-de-France était avant 17H00 exceptionnellement élevé avec plus de 335 km enregistrés, deux fois plus que la normale.