Jack Lang: «La Fête de la musique, le plus grand trac de ma vie»

Le ministre français de la Culture Jack Lang (à gauche) assiste à la fête annuelle de la musique au Palais Royal à Paris, le 21 juin 1982. (Photo : Joel ROBINE / AFP)
Le ministre français de la Culture Jack Lang (à gauche) assiste à la fête annuelle de la musique au Palais Royal à Paris, le 21 juin 1982. (Photo : Joel ROBINE / AFP)
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Publié le Samedi 18 juin 2022

Jack Lang: «La Fête de la musique, le plus grand trac de ma vie»

  • «On avait dit aux gens 'allez-y, sortez, appropriez-vous la musique dans les rues', mais on craignait qu'ils restent planqués chez eux. Mais ça a marché», se souvient l'ancien ministre français de la Culture, Jack Lang
  • Dès l'hiver de cette année, l'idée germe dans les esprits de Lang et de sa garde rapprochée, Christian Dupavillon, architecte-scénographe, et Maurice Fleuret, directeur de la musique et de la danse

PARIS : "La Fête de la musique a été le plus grand trac de ma vie, ça aurait pu être un grand bide": l'évènement créé par l'ancien ministre français de la Culture, Jack Lang, célèbre ses 40 ans, une institution en France exportée dans plus d'une centaine de pays.

"On avait dit aux gens 'allez-y, sortez, appropriez-vous la musique dans les rues', mais on craignait qu'ils restent planqués chez eux. Mais ça a marché", se souvient pour l'AFP celui qui avait été nommé ministre par le président socialiste François Mitterrand après l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981.

Dès l'hiver de cette année, l'idée germe dans les esprits de Lang et de sa garde rapprochée, Christian Dupavillon, architecte-scénographe, et Maurice Fleuret, directeur de la musique et de la danse. C'est ce dernier qui lance "la musique sera partout et le concert nulle part".

Lang, 82 ans aujourd'hui, voulait "renverser la table". "La fête est ce lieu d'échanges, de passions, de mise en lien des artistes et des gens, c'est constitutif de mon tempérament", confesse celui qui dénote dans le paysage politique de l'époque avec ses vestes couleur pastel.

«Très mauvais pianiste»

"Un de mes premiers pas comme ministre de la Culture a été d'aller à un concert de Stevie Wonder, pour moi c'était normal, mais ça a été ressenti comme une extravagance".

"En ce temps-là, la politique culturelle pour la musique était surtout tournée vers le classique et, plus marginalement vers la musique contemporaine, la recherche musicale avec (les compositeurs) Boulez et Xenakis. Le reste -- rock, jazz, etc -- était aux abonnés absents".

Le concept est simple: la musique doit sortir des conservatoires et salles de concerts et être jouée par tous le 21 juin 1982, jour du solstice d'été. Le projet est rapidement lancé, Lang se multiplie dans les médias et une première affiche est imprimée en blanc sur fond bleu: "Fête (Faites) de la musique 21 juin 20h30-21h". Une demi-heure seulement... Format largement explosé depuis.

"La première année, en 1982, ce ne fut pas un grand succès, mais les gens ont joué le jeu et dès 1983 c'était vraiment parti", décrypte Lang, aujourd'hui à la tête de l'Institut du monde arabe (IMA) à Paris.

Il paie de sa personne, se met au piano dans la rue en bas de son ministère en 1982 et en 1983 pour le journal télévisé, alors qu'il se décrit toujours comme "très mauvais pianiste".

Délégation «ivre»

Des critiques affleurent quand Lang est interviewé: Est-ce bien le moment alors que l'inflation menace (1982) ? Faire la fête est-il un moyen d'oublier la politique de rigueur (1983) ? "Il y aura pendant un certain temps des pisse-vinaigre, pour des raisons sincères et pour des raisons politiques, mais le mouvement populaire a finalement balayé tout ça", résume Lang aujourd'hui.

L'évènement naissant a aussi de beaux ambassadeurs, comme le chanteur Jacques Higelin qui joue sur un camion traversant Paris. Marie-France Brière, femme de radio et de télévision, avec qui Lang a fait "les 400 coups", fait aussi installer des branchements électriques autour du Trocadéro à Paris pour que des groupes de rock puissent jouer.

Au fil des ans, le rendez-vous s'exporte, désormais dans plus d'une centaine de pays. "On m'a demandé récemment de faire une vidéo pour les Australiens, je n'en reviens pas", souffle Lang.

Il énumère des voyages qu'il a fait à cette occasion -- "Berlin, Rome, le Pérou" -- et se rappelle, amusé, de ce vol retour de Russie "avec Alain Delon, au début de Gorbatchev" (1990) où une grande partie de la délégation, lui compris, était "ivre".

Berlin, Bruxelles, New York: où s'est exportée la «Fête de la musique» ?

Berlin, Bruxelles, New York: quarante ans après sa création, la "Fête de la musique" est célébrée dans plus d'une centaine de pays, sans toutefois atteindre la même ampleur qu'en France, où elle est le fruit d'une volonté politique.

"Dans le reste du monde, elle est organisée par des fondations, des associations, des Alliances françaises ou des personnalités culturelles locales", explique Charitini Karakostaki, sociologue à l'université de Liège. Autrice d'une thèse sur le sujet, elle souligne que, dans les autres pays, aucun dirigeant politique n'a convié les gens à faire de la musique dans la rue.

L'une des premières tentatives d'exportation de cette fête eut lieu en 1985 à Athènes, alors désignée capitale européenne de la culture. "Ce fut un fiasco", résume la sociologue, les citadins n'ayant pas répondu à l'appel. Et, depuis, cette fête est quasi inexistante en Grèce.

En revanche, en Allemagne, où l'institut français de Munich avait donné l'impulsion dans les années 80, elle a essaimé progressivement, gagnant en vigueur avec sa première célébration à Berlin en 1995.

Dans ce pays fédéral, où chacun des 16 Etats régionaux (Länder) est responsable de sa propre politique culturelle, elle n'est pas du tout célébrée de la même manière selon les villes.

"Dans la capitale allemande, la +Fête de la musique+ -le nom français a été gardé pour rappelé son origine et un certain savoir-vivre- la ville-Etat a décidé en 2018 d'en assumer la responsabilité financière", explique Björn Döring, coordinateur de l'événement à Berlin.

A New York, elle a été initiée par l'Américain Aaron Friedman qui, après avoir séjourné un an en France, décide de lancer en 2007 le "Make Music Day New York". En traduisant le nom de l'événement, il a insisté sur la participation de tous les musiciens amateurs mais a abandonné l'idée de fête.

"Peu à peu +Make Music+ s'est répandu dans d'autres villes des Etats-Unis, au Canada, en Australie, au Nigéria, au Royaume-Uni, en Chine", raconte Aaron Friedman.

En Belgique, comme en Suisse, la Fête de la musique est avant tout présente dans la partie francophone du pays, ainsi qu'à Bruxelles, ville bilingue où des concerts gratuits ont lieu du 17 au 22 juin.


Vers l’infini et au‑delà – Goldorak, 50 ans d’inspiration

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  •  50 ans après sa création, la série animée Goldorak continue de marquer l’imaginaire arabe
  • Arab News Japan s’entretient avec son créateur Go Nagai, des fans du Moyen-Orient, et revient sur l’histoire du robot OVNI chargé de protéger notre planète

​​​​​​LONDON: Peu d’importations culturelles ont franchi les frontières de manière aussi inattendue — et aussi puissante — que Goldorak, le robot géant japonais qui, il y a un demi-siècle, est devenu un héros de l’enfance à travers le monde arabe, et plus particulièrement en Arabie saoudite.

Créé au Japon au milieu des années 1970 par le mangaka Go Nagai, Goldorak s’inscrivait dans la tradition des « mecha », ces récits de robots géants. Le genre, façonné par l’expérience japonaise de la Seconde Guerre mondiale, explorait les thèmes de l’invasion, de la résistance et de la perte à travers le prisme de la science-fiction.

Si la série a rencontré un succès modéré au Japon, c’est à des milliers de kilomètres de là, au Moyen-Orient, que son véritable héritage s’est construit.

L’anime « UFO Robot Goldorak » est arrivé à la télévision dans la région en 1979, doublé en arabe et diffusé pour la première fois au Liban, en pleine guerre civile. L’histoire du courageux Actarus, prince exilé dont la planète a été détruite par des envahisseurs extraterrestres, a profondément résonné chez les enfants grandissant dans un contexte de conflits régionaux et d’occupation par Israël.

Ses thèmes — la défense de la patrie, la résistance à l’agression et la protection des innocents — faisaient douloureusement écho aux réalités de la région, transformant la série d’un simple divertissement en un véritable refuge émotionnel.

Une grande partie de l’impact de la série tenait à la réussite de son arabisation. Le doublage arabe puissant et le jeu vocal chargé d’émotion, notamment celui de l’acteur libanais Jihad El-Atrash dans le rôle d’Actarus, ont conféré à la série une gravité morale inégalée par les autres dessins animés de l'époque.

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Au début des années 1980, Goldorak s'était répandu à travers le Moyen-Orient, inspirant des communautés de fans en Arabie saoudite, au Koweït, en Irak et au-delà. (Fourni)

Le générique de la série, interprété par Sami Clark, est devenu un hymne que le chanteur libanais a continué à interpréter lors de concerts et de festivals jusqu’à son décès en 2022.

Au début des années 1980, Goldorak s’était répandu à travers le Moyen-Orient, inspirant des communautés de fans en Arabie saoudite, au Koweït, en Irak et au-delà. Pour beaucoup, il s’agissait non seulement d’un premier contact avec les anime japonais, mais aussi d’une source d’enseignements sur des valeurs telles que la justice et l’honneur.

L’influence de Goldorak dans la région a été telle qu’il a fait l’objet de recherches universitaires, qui ont non seulement mis en lumière la manière dont le sort des personnages résonnait auprès du public du Moyen-Orient, mais ont aussi relié sa popularité aux souvenirs générationnels de l’exil, en particulier à la Nakba palestinienne.

Un demi-siècle plus tard, Goldorak demeure culturellement vivant et pertinent dans la région. En Arabie saoudite, qui avait pleinement adopté la version originale de la série, Manga Productions initie aujourd’hui une nouvelle génération de fans à une version modernisée du personnage, à travers un jeu vidéo, The Feast of The Wolves, disponible en arabe et en huit autres langues sur des plateformes telles que PlayStation, Xbox et Nintendo Switch, ainsi qu’une nouvelle série animée en langue arabe, «  Goldorak U », diffusée l’an dernier.

Cinquante ans après les débuts de la série, « Goldorak » est de retour — même si, pour toute une génération de fans de la série originale, dont les étagères regorgent encore de produits dérivés et de souvenirs, il n’est en réalité jamais vraiment parti.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com
 


En ce Noël, unissons-nous pour souhaiter la paix dans toute la région

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  • Noël au Moyen-Orient incarne un message puissant d’harmonie interconfessionnelle, de résilience et de respect mutuel
  • De Bethléem à Riyad, les célébrations deviennent un acte d’espoir partagé et un appel sincère à la paix régionale

RIYAD : Fidèle à une tradition initiée en décembre 2022, Arab News souhaite un joyeux Noël à ses lecteurs chrétiens et à tous ceux qui célèbrent cette fête. Cette édition spéciale met cette année en lumière Noël à travers le Moyen-Orient, en soulignant l’harmonie interconfessionnelle, la résilience et l’intégration culturelle. Le tout est porté par un message particulier, sincère et plein d’espoir : voir la paix se diffuser dans toute la région en 2026.

En tête de cette couverture figure une tribune exclusive du grand érudit Dr Mohammad bin Abdulkarim Al-Issa, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale et président de l’Organisation des savants musulmans. Son message rappelle un principe essentiel : « Il n’existe aucun texte de la charia interdisant de féliciter les non-musulmans à l’occasion de leurs fêtes religieuses, y compris Noël. » Il présente cette bienveillance non comme un affaiblissement de la foi, mais comme l’expression de sa force — une force qui affirme la dignité humaine et favorise l’harmonie sociale si nécessaire aujourd’hui.

Ce même esprit de solidarité face à la souffrance résonne depuis Bethléem, où le pasteur palestinien, le révérend Dr Munther Isaac, explique que le christianisme palestinien est indissociable de l’identité nationale. En réponse à la dévastation de Gaza, sa communauté a érigé une crèche faite de gravats, l’enfant Jésus enveloppé dans un keffieh. « C’était un message de foi », affirme-t-il. « Le Christ est solidaire de ceux qui souffrent… parce qu’il est né dans la souffrance. »

De cette profondeur naissent aussi des récits de renouveau. À Damas, les illuminations festives réapparaissent alors que des Syriens de toutes confessions s’accrochent à une paix fragile. Au Liban, les célébrations percent la morosité politique par des instants de joie. En Jordanie, les espaces publics s’illuminent de sapins et des hymnes de Noël de Fairouz, tandis qu’aux Émirats arabes unis, la diaspora multiculturelle s’anime dans une effervescence festive et unitaire.

La profondeur historique et intellectuelle de l’héritage chrétien de la région est mise en lumière par le Dr Abdellatif El-Menawy, qui rappelle le rôle indispensable de l’Égypte dans la transformation du christianisme, passé d’un message spirituel à une véritable civilisation. Cet héritage ancien trouve aujourd’hui une expression moderne et dynamique.

En Arabie saoudite, la période des fêtes est reconnue à travers une hospitalité innovante, où des chefs réinventent les menus de Noël en y intégrant des saveurs locales et une identité culinaire créative.

Cette édition spéciale offre bien plus qu’une simple atmosphère festive. Elle dépeint un Moyen-Orient où les différentes confessions approfondissent leurs propres racines en respectant celles des autres, où les célébrations sont tissées de résistance historique, et où le message de Noël — espoir, paix et humanité partagée — résonne avec confiance et optimisme.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le prince héritier parraine le lancement d’un centre de calligraphie arabe à Médine

Le ministre de la Culture, le prince Badr ben Abdullah ben Farhane, prend la parole lors de l'inauguration du Centre mondial pour la calligraphie arabe Prince Mohammed ben Salmane. (Fourni)
Le ministre de la Culture, le prince Badr ben Abdullah ben Farhane, prend la parole lors de l'inauguration du Centre mondial pour la calligraphie arabe Prince Mohammed ben Salmane. (Fourni)
Un nouveau centre dédié à la calligraphie arabe, placé sous le patronage du prince héritier Mohammed ben Salmane, a officiellement ouvert ses portes lundi à Médine. (Fourni)
Un nouveau centre dédié à la calligraphie arabe, placé sous le patronage du prince héritier Mohammed ben Salmane, a officiellement ouvert ses portes lundi à Médine. (Fourni)
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  • Le Centre mondial Prince Mohammed ben Salmane pour la calligraphie arabe a été inauguré par le prince Salman ben Sultan ben Abdulaziz

RIYAD : Un nouveau centre dédié à la calligraphie arabe, sous le patronage du prince héritier Mohammed ben Salmane, a officiellement ouvert ses portes à Médine lundi.

Le Centre mondial Prince Mohammed ben Salmane pour la calligraphie arabe a été inauguré par le prince Salman ben Sultan ben Abdulaziz, gouverneur de la région de Médine.

Il était accompagné du ministre de la Culture, le prince Badr ben Abdallah ben Farhane, qui a visité les espaces d’exposition du nouveau centre et assisté à des présentations sur la programmation culturelle et les réalisations du centre.

Ils ont également découvert des collections mettant en valeur l’importance artistique et historique de la calligraphie arabe.

Lors de l’inauguration, le prince Badr a déclaré : « Depuis cette terre d’érudition et de savoir, nous lançons fièrement une plateforme mondiale dédiée à la calligraphie arabe, un patrimoine culturel inestimable. »

Il a ajouté que le soutien « généreux et illimité » du prince héritier envers le secteur culturel avait rendu ce projet possible.

Le ministre a précisé que le centre montrait au monde l’héritage de la calligraphie arabe tout en soulignant l’engagement de l’Arabie saoudite à préserver son identité et son patrimoine culturel.

Selon le prince Badr, le centre représente une vision ambitieuse visant à élever la calligraphie arabe comme outil universel de communication et élément central de l’héritage, de l’art, de l’architecture et du design arabes.

Le centre a également pour objectif de renforcer l’identité culturelle du Royaume et sa présence internationale, en ciblant calligraphes, talents émergents, artistes visuels, chercheurs en arts islamiques, institutions éducatives et culturelles, ainsi que les passionnés d’art et de patrimoine à travers le monde.

Il proposera des programmes spécialisés, incluant services de recherche et d’archivage, enseignement de la calligraphie, bourses académiques, musée permanent, expositions itinérantes, association internationale de calligraphie et incubateur soutenant les entreprises liées à la calligraphie.

D’autres initiatives incluent des programmes de résidence d’artistes, des ateliers dirigés par des experts, l’élaboration de programmes pédagogiques standardisés, ainsi que des partenariats éducatifs internationaux visant à la conservation du patrimoine et à la promotion mondiale de cet art ancestral.

L’établissement du centre à Médine revêt une signification particulière, compte tenu du rôle historique de la ville comme berceau de la calligraphie arabe et de son association avec la transcription du Coran et la préservation du savoir islamique.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com