LUXEMBOURG : Les ministres européens de l'Agriculture ont accru lundi la pression sur Bruxelles avant la présentation d'un projet de loi crucial imposant des réductions drastiques des pesticides, et réclamé un texte "réaliste" qui ne compromette pas la productivité des cultures.
La Commission européenne doit dévoiler "avant la pause estivale" ses propositions sur les pesticides et la biodiversité, déclinant sa stratégie "De la ferme à la fourchette" qui vise, d'ici à 2030, à réduire de moitié l'usage de pesticides dans l'UE, de 20% celui d'engrais et à consacrer un quart des terres au bio. Etats et eurodéputés discuteront ensuite de ces textes.
"Il faut une proposition réaliste, au vu du délai de mise en oeuvre et pour maintenir la rentabilité des exploitations", a insisté le ministre espagnol Luis Planas Puchades, selon qui la réduction des pesticides, engrais et antibiotiques dans l'alimentation animale "représente un changement de paradigme absolument nécessaire" mais compliqué.
Plusieurs Etats, emmenés par la France, avaient ces derniers mois pourfendu "La Ferme à la fourchette", redoutant un effondrement des rendements --un scénario que Bruxelles réfute.
"Il faut éviter que l'augmentation radicale des exigences sanitaires et environnementales sur l'agriculture n'entraîne une réduction de notre capacité de production, au risque de perturber l'approvisionnement alimentaire" et de voir l'UE gonfler ses importations pour se nourrir, a réaffirmé à Luxembourg le ministre italien Stefano Patuanelli.
Visant précisément la législation en préparation sur les pesticides, dix pays (Autriche, Pologne, Hongrie, Etats baltes...) ont cosigné la semaine dernière une lettre réclamant des flexibilités importantes.
"Il est essentiel d'avoir une approche proportionnée, d'éviter les fardeaux bureaucratiques excessifs et de tenir compte des spécificités nationales, étant donné que l'objectif de -50% concerne l'UE dans son ensemble", a développé lundi le ministre estonien Urmas Kruuse.
L'Irlande appelle ainsi à adapter les objectifs contraignants fixés à chaque pays selon les efforts déjà réalisés, plaidant que les taux d'usage de pesticides sur son sol figure "parmi les plus bas d'Europe".
La Commission, dont la proposition était initialement attendue en mars et qui pourrait la dévoiler le 22 juin, s'évertue à rassurer.
"Il ne s'agit pas d'interdire l'utilisation des pesticides, mais d'éviter leur usage excessif là où c'est possible (...) pour protéger la santé humaine, l'environnement et la biodiversité", a fait valoir la commissaire à la Santé Stella Kyriakides.
Bruxelles "tiendra compte des spécificités nationales", des "points de départ" de chaque pays et de l'intensité en pesticides à l'hectare selon les nécessités naturelles, tout en "accélérant" les processus d'évaluation de substances alternatives "efficaces et abordables", a-t-elle assuré.
Le commissaire à l'Agriculture Janusz Wojciechowski a lui promis une "approche équitable" ne défavorisant pas les pays vertueux par rapport aux gros consommateurs de pesticides.