VILLEPINTE: Une réorganisation industrielle plus qu'une révolution budgétaire: l'"économie de guerre", dans laquelle la France est "durablement" entrée avec le conflit en Ukraine selon le président Emmanuel Macron, vise surtout à permettre à l'industrie de défense d'augmenter rapidement ses cadences et capacités de production.
Depuis l'invasion russe déclenchée le 24 février, "on ne peut plus vivre avec la grammaire d'il y a un an", il faut "ajuster les moyens aux menaces" en réévaluant la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, a estimé le chef de l'Etat français en inaugurant lundi le grand salon Eurosatory de défense et de sécurité terrestres à Villepinte, au nord-est de Paris.
Après des années de disette et une remontée en puissance des crédits amorcée en 2017, cette loi prévoit trois milliards d'euros supplémentaires pour les armées pour chacune des trois prochaines années, afin de porter le budget de la défense à 50 milliards d'euros en 2025.
Pas question -en tout cas à ce stade- d'un effort budgétaire supplémentaire. "Au-delà de la question de la quantité de moyens" pour les armées, il s'agit, selon le ministre des Armées Sébastien Lecornu, de dire "à quel endroit exactement on veut mettre les moyens".
"Aux industries de se préparer à tenir, peut-être tenir des programmes (d'armements) parfois plus courts dans la durée" et d'"être capables aussi parfois de massifier", de produire davantage, décrypte-t-il auprès de l'AFP. "Cette économie de guerre va également passer par une réflexion sur nos stocks stratégiques", ajoute-t-il.
Le conflit en Ukraine le montre: les consommations de munitions (obus, bombes et missiles) sont effarantes lors d'un conflit de haute intensité.
De quoi consommer très rapidement les maigres stocks français, même si Paris estime que tout conflit l'impliquant se ferait au sein d'une coalition.
Les cantines scolaires pourront-elles limiter la hausse du prix des repas à la rentrée ?
Elle inquiète les maires, les parents d'élèves et les gestionnaires de cantines scolaires, publiques ou privées : la flambée de l'inflation va renchérir le prix des repas des cantines à la rentrée, grevant le budget des ménages et celui des collectivités locales.
"Au premier trimestre, le prix de certaines matières premières a augmenté de manière extrêmement violente : le lait a pris 16%, le riz 13%, la viande hachée de bœuf 22%, soit une hausse moyenne de 12% sur un an", observe Bernard Gault, directeur général par intérim du groupe Elior, qui approvisionne 1.300 cantines scolaires.
"Il n'y a pas que la guerre en Ukraine : le retour de l’inflation du coût des matières premières est une tendance de fond à laquelle s'ajoutent des évènements comme la sécheresse et la grippe aviaire", dit-il à l'AFP.
Selon l'OFCE, le pouvoir d'achat des ménages français se contractera de 0,8% en 2022 du fait d'une inflation estimée à 4,9% sur l'année.
Pour préserver ses marges sans transiger sur la qualité, assure M. Gault, Elior renégocie chaque contrat avec ses clients, adaptant son offre afin de réduire les coûts.
Parmi les leviers : "réduire le nombre de plats, remplacer certaines protéines animales, ou réduire les portions et consommer moins d'énergie avec des cuissons lentes, nocturnes", précise Damien Penin, directeur général du marché enseignement en France.
Peu prisées des familles avant la flambée des prix, les "recettes anti-gaspillage" – feuilletés de fanes de carotte, pain perdu- ressortent des tiroirs. Et proposer davantage de repas végétariens à l'instar de Lyon ou Paris – pour 2023 –, est une "tendance qui s'accélère", indique M Penin.
Mais au final, les entreprises de restauration collective, qui gèrent 40% des cantines scolaires dans le cadre d'une délégation de service public – 60% étant gérées en direct par les municipalités – devront augmenter leurs prix.
Une inflation de 5% "dévore intégralement les marges" d'Elior, justifie M. Gault, expliquant : "on ne peut pas opérer durablement avec des pertes, on est obligés de passer les hausses de coûts à la collectivité locale : soit elle augmente ses impôts, soit elle demande aux bénéficiaires d'accepter une hausse des prix".
Contrats plus « flexibles »
De même, le concurrent Compass – via sa filiale Scolarest, qui dessert 500 restaurants scolaires en France – renégocie ses contrats face à une "hausse des coûts d'achat de 10%" et adapte menus et approvisionnements, s'engageant avec ses fournisseurs "sur la durée, en augmentant les volumes, en concentrant les achats sur des produits moins demandés" et en stockant le plus possible, dit Édouard Albertini, directeur des achats.
Acheter "les carcasses de bœuf entières et plus seulement les pièces de devant", très demandées, "limite un peu l'impact de l'inflation et donne un équilibre économique à l'agriculteur", indique-t-il.
Et rendre plus "flexibles" les contrats avec les collectivités soumis aux Codes des marchés publics, afin d'augmenter les tarifs "plus d'une fois par an" pour répercuter la hausse du prix des matières premières, devient crucial, dit M. Albertini.
À Marseille, l'impact de l'inflation sera principalement assumé par Sodexo, qui gère les 320 restaurants scolaires de la ville, car "c'est au délégataire de supporter les risques liés à son activité", dit Pierre Huguet, adjoint au maire en charge de l'éducation. "Attentive à la situation" de ses fournisseurs, la ville pourrait toutefois accepter, "à l'aune de justificatifs", une hausse du prix facturé par Sodexo, si "la situation devenait plus critique".
En France, une ville sur deux augmentera les tarifs des cantines face à la hausse de "5 à 10%" du prix des repas réclamée par ses fournisseurs, a averti récemment Philippe Laurent, vice-président de l'Association des maires de France.
"Certaines familles ne mettront plus leurs enfants à la cantine", s'inquiète Nageate Belhacen, coprésidente de la fédération de parents d'élèves FCPE, qui souhaite une "hausse de l'allocation de rentrée" voire la "gratuité des repas".
"État, collectivités territoriales et consommateurs" doivent faire "des efforts" pour "faire perdurer la cuisine sociale", s'alarment les acteurs de la restauration collective dans un texte collectif à paraître mercredi, estimant que ces difficultés budgétaires dégradent "la qualité des achats : moins de produits bio, labellisés...".
Sans action, avertit Restau’co, qui fédère la restauration collective en gestion directe, les budgets des cantines scolaires pour 2022 "auront été consommés" mi-septembre.
200.000 euros le missile
Pour le général Charles Beaudouin, ancien patron de la section technique de l'armée de Terre et aujourd'hui directeur général de Coges Events, organisateur d'Eurosatory, "la première priorité est de combler les trous: il faut lancer rapidement des acquisitions de rechanges et de munitions". "On peut espérer en trois ans avoir des livraisons conséquentes et reconstituer des stocks stratégiques", dit-il.
Mais il met en garde contre un "effet d'éviction" sur certains programmes d'armements si les budgets n'augmentent pas, "alors qu'on est déjà dans une LPM de réparation" de capacités militaires affaiblies au cours du temps.
Le député (LR) Jean-Louis Thiériot, auteur en février d'un rapport sur la haute intensité, évalue "entre 3 et 6 milliards d'euros, en plus des 3 milliards déjà budgétés dans la LPM", les besoins pour reconstituer les stocks français de munitions.
Il faut en effet compter quelques milliers d'euros par obus d'artillerie, près de 200.000 euros pour un missile antichar MMP/Akeron, 132.000 euros pour un missile anti-aérien Mistral, selon des estimations de l'Institut français des relations internationales (Ifri).
Au-delà du coût, le problème est industriel: avec les délais d'approvisionnement pour certains composants et matières premières, il faut deux à trois ans pour fabriquer une munition dite "complexe", comme un missile.
Pour les entreprises du secteur, remonter en puissance requiert de la prévisibilité, donc des commandes, pour pouvoir mobiliser leur chaîne de fournisseurs.
L'outil industriel s'adapte à ce que l'Etat lui demande. Avec l'étalement des commandes depuis plus de 20 ans pour des raisons budgétaires, "on a appris à travailler lentement, c'est plus difficile de remonter en cadence que de ralentir", explique un industriel sous couvert d'anonymat.
Et "produire des armes est interdit par la loi, donc on ne peut pas produire des armes en avance et les stocker, s'il y a pas un contrat en face", rappelait le PDG du fabricant de missiles MBDA, Eric Béranger, lors d'une récente audition au Sénat. "La seule chose qu'on peut stocker sont des composants, qui après devront être assemblés."
Pour pouvoir remonter en puissance rapidement en cas de besoin, la Direction générale de l'armement (DGA) travaille sur un mécanisme qui permettrait de réquisitionner dans certaines circonstances des matériaux ou des entreprises civiles pour les besoins militaires.