Libye: Espoirs et doutes après l’accord de cessez-le-feu

Poignée de main entre les représentants des deux faction libyennes rivales après l’accord de cessez-le-feu signé vendredi au siège des Nations Unies de Genève (Photo, Violaine MARTIN/UNITED NATIONS/AFP).
Poignée de main entre les représentants des deux faction libyennes rivales après l’accord de cessez-le-feu signé vendredi au siège des Nations Unies de Genève (Photo, Violaine MARTIN/UNITED NATIONS/AFP).
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Publié le Samedi 24 octobre 2020

Libye: Espoirs et doutes après l’accord de cessez-le-feu

  • Alors que les observateurs ont salué l'accord parrainé par l'ONU, certains ne se font pas d'illusions sur les difficultés de sa mise en œuvre durable
  • Vendredi, les délégations militaires des deux camps ont signé à Genève un accord de cessez-le-feu permanent avec « effet immédiat », après cinq jours de discussions

TRIPOLI: De nombreux Libyens sont partagés entre espoirs de retrouver la paix et craintes de nouvelles violences après l'annonce vendredi d'un accord de cessez-le-feu en Libye, censé rapprocher d'une solution politique le pays en guerre depuis des années.

Alors que les observateurs ont salué l'accord parrainé par l'ONU, certains ne se font pas d'illusions sur les difficultés de sa mise en œuvre durable.

Hassan al-Obeidi, professeur de 40 ans dans un lycée à Benghazi (est), n’est « pas très optimiste ». Il craint que l'accord, comme les précédents restés lettre morte, soit difficile à mettre en place et doute du départ des puissances étrangères dans le pays.

Plongée dans le chaos depuis la chute en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi, la Libye, qui dispose des réserves de pétrole les plus abondantes d'Afrique, est déchirée entre deux pouvoirs : le Gouvernement d'union nationale (GNA), reconnu par l'ONU et basé à Tripoli (ouest), et les autorités alliées du maréchal Khalifa Haftar, dans l'Est.

Le maréchal Haftar est soutenu militairement par l'Egypte, la Russie et les Emirats arabes unis tandis que le GNA de Fayez al-Sarraj reçoit l'appui de la Turquie.

Vendredi, les délégations militaires des deux camps ont signé à Genève un accord de cessez-le-feu permanent avec « effet immédiat », après cinq jours de discussions.

Les deux parties ont convenu que « toutes les unités militaires et les groupes armés sur la ligne de front doivent retourner dans leurs camps », a annoncé Stephanie Williams, cheffe par intérim de la Mission d'appui de l'ONU en Libye (Manul) après la signature.

Ce sera « accompagné du départ de tous les mercenaires et combattants étrangers » en Libye, « dans un délai maximum de trois mois à partir d'aujourd'hui », a-t-elle ajouté.

Départ des mercenaires

« Est-ce que les pays qui ont soutenu les belligérants en Libye sont prêts à soutenir ce compromis ? », s'interroge Peter Millett, ancien ambassadeur du Royaume-Uni en Libye.

« C'est bien que les deux parties aient été prêtes à faire des compromis, mais le diable est dans les détails », a-t-il déclaré.

Les deux camps rivaux avaient annoncé en août une cessation des hostilités et les négociations s'étaient accélérées pour définir les conditions d'une trêve durable.

Le maréchal Haftar a tenté, sans succès entre avril 2019 et juin 2020 de conquérir militairement Tripoli, siège du GNA. Les combats ont fait des centaines de morts et fait fuir des dizaines de milliers de personnes.

« J'espère qu'il (Haftar, NDLR) ne nous forcera pas à retourner à la guerre (...) mais nous sommes prêts en cas de violation » du cessez-le-feu, a déjà averti Salim Gachout, membre de la Brigade mobile des forces armées du GNA.

Mohamed Dorda, cofondateur de « Libya Desk », un cabinet de conseil en risques géopolitiques, estime qu'il faut des « accords sécuritaires pour qu'un gouvernement puisse être installé, sinon nous nous retrouverons dans la même situation dans quelques années ».

Mais les négociateurs à Genève n'ont pas nécessairement un contrôle total de leurs forces sur le terrain, encore moins de leurs soutiens étrangers.

Moscou et Ankara voudront récolter les fruits de leurs interventions militaires en Libye, a indiqué Emad Badi, du groupe de réflexion Atlantic Council. 

« C'est naïf de croire qu'ils vont partir. Dans le meilleur des cas, ils se contenteront de contrats en limitant leur présence sur le terrain, et au pire, les combats reprendront », selon lui.

Apaisement

Toutefois, les signes d'apaisement sont tangibles. Les deux camps se sont mis d'accord cette semaine pour rouvrir les principales voies terrestres et liaisons aériennes internes.

« La guerre a provoqué une grave récession économique. Nous avons subi d'importantes pertes avec la suspension des échanges entre l'Est et l'Ouest (...) », a déploré Massoud al-Fotmani, commerçant à Benghazi.

Vendredi, la compagnie aérienne Afriqiyah Airways a effectué un premier vol de passagers entre Tripoli et Benghazi, quelque 1.000 km plus à l'est. Une autre compagnie, Buraq, prévoit deux liaisons hebdomadaires prochainement.

Et depuis la levée en septembre du blocus imposé par les pro-Haftar sur les sites pétroliers, la production est en nette progression. 

« Beaucoup ont de l'espoir, mais ne sont pas optimistes », résume Mayssoon Khalifa, enseignante d'anglais à Tripoli. « J'espère sincèrement que l'accord va tenir. La Libye mérite mieux. » 


Dans Gaza affamée, des Palestiniens se rabattent sur la viande de tortue

(Photo AFP)
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  • Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.
  • « La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

KHAN YOUNES, TERROIRES PALESTINIENS : Dans une bande de Gaza où les protéines sont rares, certains se résignent à manger des tortues marines.

« Les enfants étaient réticents, on leur a dit que c'était aussi délicieux que du veau », explique Majida Qanan, qui surveille les morceaux de viande rouge mijotant sur un feu de bois.

« Certains en ont mangé, d'autres pas. »

Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.

Depuis 18 mois de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, le territoire et ses 2,4 millions d'habitants se trouvent dans une situation humanitaire critique.

« La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

Depuis le 2 mars, Israël bloque toute livraison humanitaire, accusant le Hamas de détourner l'aide. Le mouvement palestinien dément ces accusations et accuse en retour Israël d'utiliser « la famine comme arme de guerre ».

Selon le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), la bande de Gaza est aujourd'hui probablement plongée dans « la pire » situation humanitaire depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël.

En juin dernier, les acteurs du secteur humanitaire avaient évoqué des Palestiniens si démunis qu'ils en étaient parfois réduits à se nourrir d'aliments pour animaux ou d'herbe, et à boire l'eau des égouts.

Entretemps, une trêve, entrée en vigueur le 19 janvier, a permis d'augmenter les livraisons humanitaires, jusqu'au nouveau blocage israélien du 18 mars, suivi de la reprise de ses opérations militaires.

Les tortues, elles, sont tuées selon les rites halal, c'est-à-dire conformément aux préceptes de la religion musulmane, affirme Abdul Halim Qanan.

« S'il n'y avait pas de famine, on n'en mangerait pas, mais il faut bien compenser le manque de protéines avec quelque chose ».


Le président syrien reçoit un membre républicain du Congrès américain

Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
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  • En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions
  • C'est la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

DAMAS : Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Peu après l'arrivée d'Ahmed Chareh, Washington avait annoncé ne plus proposer de récompense pour son arrestation, après avoir reçu des « messages positifs » lors de la première visite officielle de diplomates américains à Damas après l'éviction de M. Assad.

Le nouveau gouvernement syrien cherche à obtenir une levée des sanctions internationales imposées à l'époque de Bachar al-Assad afin de relancer l'économie du pays, exsangue après 14 années de guerre civile.

Toutefois, certains pays souhaitent attendre de voir si les nouvelles autorités vont respecter les droits humains. 

En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions tant que des progrès sur des priorités telles que la lutte contre le « terrorisme » n'auront pas été constatés.

Les sanctions économiques ont un impact lourd sur le pays, où 90 % des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU.

Une délégation ministérielle syrienne et le gouverneur de la Banque centrale doivent participer à des réunions avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à Washington la semaine prochaine, ont récemment indiqué deux sources proches des participants.

La visite des deux élus américains intervient alors que les États-Unis ont annoncé le retrait prochain d'environ un millier de soldats américains déployés en Syrie pour lutter contre les jihadistes.

Washington a également mis en garde le même jour contre le risque d'attaques « imminentes » en Syrie, selon un message diffusé sur le site de l'ambassade américaine, fermée depuis 2012.


Les États-Unis annoncent réduire de moitié leurs effectifs militaires en Syrie

Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
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  • Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.
  • La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

WASHINGTON : Les États-Unis ont annoncé vendredi qu'ils allaient réduire de moitié leur présence militaire en Syrie, estimant avoir lutté avec « succès » contre le groupe État islamique (EI), même si des groupes djihadistes demeurent actifs dans un pays encore fragile.

Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.

Les États-Unis sont présents sur le sol syrien depuis des années, notamment dans le cadre de la coalition internationale contre l'EI.

La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

« Cette consolidation démontre les progrès considérables réalisés pour réduire l'attrait et les capacités opérationnelles du groupe Etat islamique, tant dans la région que dans le monde », a-t-il dit, évoquant plus globalement « le succès des États-Unis contre l'EI ».

Arrivé au pouvoir à Washington le 20 janvier, Donald Trump est depuis longtemps sceptique sur la présence militaire en Syrie. Et la chute fin décembre de Bachar al-Assad, remplacé à la tête du pays par une coalition menée par des islamistes, n'a pas changé la donne.

La prise de contrôle de pans entiers de la Syrie et de l'Irak par l'EI à partir de 2014 a déclenché l'intervention d'une coalition internationale menée par les États-Unis, dont l'objectif principal était de soutenir les unités de l'armée irakienne et les Kurdes qui combattaient l'EI au sol par les airs.

Mais Washington a alors aussi déployé des milliers de ses soldats pour soutenir ces troupes locales et mener ses propres opérations militaires.
« L'armée américaine va rester prête à mener des frappes contre ce qu'il reste de l'EI en Syrie », a déclaré vendredi le porte-parole du Pentagone, qui dit maintenir « des capacités importantes dans la région ».

Les États-Unis disposent actuellement d'environ 2 500 soldats en Irak, un chiffre appelé à diminuer.

La sécurité en Syrie reste précaire depuis la chute de Bachar al-Assad, après près de 14 ans d'une guerre déclenchée par la répression violente de manifestations antigouvernementales en 2011.

À la tête de forces de sécurité dominées par d'anciens rebelles islamistes, les autorités syriennes de transition ont la lourde tâche de maintenir la sécurité dans un pays multiethnique et multiconfessionnel où de nombreux groupes armés, parmi lesquels des djihadistes, sont encore présents.