PARIS: "Cela fait 5 ans que je suis en campagne". Dans la 11ème circonscription de la Gironde, la candidate et cheffe de file régionale du Rassemblement national Edwige Diaz compte faire basculer ce territoire viticole, ex-foyer des "gilets jaunes", après la percée de Marine Le Pen à la présidentielle.
Sur le marché de Saint-André-de-Cubzac, à 25 km au nord de Bordeaux, les tracts n'ont pas le temps de brûler les doigts de la candidate aux faux airs de Marion Maréchal Le Pen. Edwige Diaz, 34 ans, embrasse, tutoie et reçoit le soutien de sympathisants "espérant que ça passe, ce coup-ci".
"Je ne mords personne", sourit celle qui s'est présentée à chaque échéance électorale depuis son entrée en politique en 2014.
Grimpant les échelons du parti, jusqu'à intégrer récemment le bureau exécutif du RN, cette "vraie mariniste" n'a eu de cesse, depuis, de labourer le terrain. Fêtes champêtres, commémorations, vide-greniers, "pas une commune ni un bureau de vote" n'a échappé à la conseillère régionale et conseillère municipale d'opposition à la mairie de Saint-Savin (3.200 habitants).
Aux législatives de 2017, elle avait été nettement battue par la députée sortante LREM Véronique Hammerer, élue à 57,02% contre 42,98% pour Edwige Diaz.
Mais c'est désormais une autre bataille qui se joue. Ancienne place forte des "gilets jaunes", la circonscription "a enregistré une progression assez sensible" du vote RN, note le politologue girondin Jean Petaux.
Entre 2017 et 2022, Marine Le Pen grimpe de six points au premier tour de la présidentielle, passant de 30 à 36%, indique-t-il.
Emmanuel Macron reste lui autour de 20%. Sur les 87 communes, seules 5 l'ont placé en tête, souligne le RN. Marine Le Pen est arrivée pour la première fois en tête aux premier et second tours dans les communes historiquement à gauche de Blaye et Saint-André-de-Cubzac.
Dans ce territoire mal desservi par des routes saturées vers Bordeaux et des trains au compte-gouttes, les arguments sur la "démétropolisation" ou le pouvoir d'achat ont visiblement capté les anciens électeurs du PS.
«Machine à perdre»
Dans ce "couloir bordelais de la pauvreté" - un croissant contournant la métropole depuis le Médoc jusqu'à l'Entre-Deux-Mers et les portes du Lot-et-Garonne-, 14,9 % de la population de la circonscription a un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté en 2019, selon l'Insee.
"Ici, Macron a échoué, il y a une vraie sensation d'abandon des gens", pointe la candidate qui fustige le "manque de bilan" de la députée sortante LREM Véronique Hammerer et ses "zéro proposition de loi en cinq ans".
Consciente de la montée du RN, cette élue de 53 ans ne part pas la fleur au fusil. Elle rejette vivement l'étiquette de "députée godillot" et dit préférer débattre "projet contre projet".
Sur le pouvoir d'achat, elle met en avant le bilan de la majorité "qui n'a pas démérité"; prône le développement de navettes fluviales sur l'estuaire de la Gironde.
Autre point de friction entre les candidates qui pourrait faire la différence, la sortie du nucléaire dans une circonscription qui possède une installation vieille de 40 ans.
Si Véronique Hammerer entend mener une "réflexion stratégique autour de l'accueil d'un nouveau EPR", "pas question de fermer la centrale du Blayais" pour la candidate RN qui critique vertement "le revirement de la majorité après avoir fermé Fessenheim".
Face à elles, le candidat Insoumis de la Nupes Mathieu Caillaud, 39 ans, assume sans sourciller le démantèlement du site. "On ne va pas mettre les gens dans le noir, et licencier ceux qui y travaillent demain. On a besoin de leur compétence pour aller vers le énergies renouvelables", assure le "local de l'étape".
Il brocarde la "transparence" de la députée sortante et traite Edwige Diaz de "machine à perdre". "Les gens sont toujours de gauche ici", insiste celui qui se voit au second tour face au RN.