PARIS: Le tribun de la gauche française Jean-Luc Mélenchon a déclenché une polémique sur l'usage de la force par la police après une mort lors d'un contrôle à Paris, bien décidé à dissiper "l'anesthésie" de la campagne législative qu'il accuse le pouvoir d'orchestrer.
M. Mélenchon se dit convaincu de pouvoir conduire sa coalition rassemblant son parti de gauche radicale, les socialistes, les communistes et les écologistes, à la victoire et d'imposer ainsi une cohabitation au président centriste libéral Emmanuel Macron, tout juste réélu en mai, ce qui serait une première.
À cinq jours du scrutin législatif, il a assumé sa dénonciation sur Twitter d'une "police (qui) tue", en réaction à la mort d'une passagère samedi lors d'un contrôle policier à la suite d'un refus d'obtempérer du conducteur d'un véhicule, lui-même grièvement blessé.
"Nous en sommes à quatre morts en quatre mois pour des refus d'obtempérer", a-t-il déclaré mardi sur la radio France Inter, estimant que "ce n'est pas normal".
"Si vous votez pour moi, je changerai la doctrine d'usage de la force de police", a-t-il promis. "Si je suis Premier ministre, de la cave au grenier nous réformerons la police", a-t-il insisté.
La Première ministre Elisabeth Borne a jugé mardi "très choquante la façon qu'a Jean-Luc Mélenchon de s'en prendre systématiquement à la police avec des propos totalement outranciers", alors que l'enquête est en cours.
Une information judiciaire a été ouverte mardi contre les trois policiers qui ont fait usage de leur arme lors de ce contrôle, a indiqué le parquet dans un communiqué, précisant que leur garde à vue, entamée dimanche, avait en revanche été levée.
Le conducteur, visé par une enquête distincte notamment pour "tentative d'homicide sur personne dépositaire de l'autorité publique", a été placé mardi en garde à vue, a indiqué le parquet.
«Opposant en chef»
"Jean-Luc Mélenchon est toujours du côté des voyous, des criminels, il n'est jamais du côté des forces de l'ordre", a lancé la dirigeante d'extrême droite Marine Le Pen.
Mme Le Pen, qui l'a devancé de peu au premier tour de la présidentielle et lui dispute le statut de principal opposant à M. Macron, s'est prononcée pour une "présomption de légitime défense" des policiers.
L'intéressé a invoqué la nécessité de déjouer "une stratégie de l'anesthésie générale" visant, selon lui, à détourner l'attention des élections législatives.
"Le président se dit, +on n'intervient sur rien, donc il n'y a pas de polémique, il n'y a pas d'histoire, ça ennuie tout le monde+", a affirmé M. Mélenchon. "C'est très habile de la part de M. Macron".
"À nous d'être plus malins et d'amener des débats qui décoiffent", a-t-il poursuivi, citant celui sur la police ou "par exemple sur la retraite", dont l'exécutif compte repousser l'âge légal à 64, voire 65 ans.
Le chef de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) estime que ses chances dépendent de la mobilisation des électeurs des banlieues populaires et de la jeunesse en sa faveur. "S'ils le font nous gagnerons, s'ils ne le font pas nous aurons perdu", a-t-il pronostiqué.
La plupart des instituts de sondage tablent sur une participation inférieure de plusieurs points dimanche aux 48,7% du premier tour en 2017, déjà un plus bas historique depuis 1958.
Ils donnent la coalition présidentielle au coude-à-coude avec la Nupes, autour de 25 %, mais avec une majorité au moins relative des 577 députés à l'Assemblée nationale, selon les projections en sièges, en recul par rapport aux 346 qu'elle contrôle actuellement.
Le baromètre Ifop-Fiducial pour LCI diffusé mardi la crédite de 250 à 290 députés, soit une majorité absolue uniquement dans la fourchette haute, et une enquête de Harris Interactive et Toluna pour l'hebdomadaire Challenges de 285 à 335.
"La stratégie qui avait consisté à faire très peu campagne avait fonctionné pour la présidentielle. Cette fois, elle a connu des ratés et des accrocs", constate le quotidien Le Figaro. "Résultat, pour dimanche prochain, la dynamique des sondages - qu'il convient de relativiser - va à la troupe de Jean-Luc Mélenchon, opposant en chef autoproclamé".
Autre signe préoccupant pour le camp présidentiel : si ses candidats sont arrivés majoritairement en tête parmi les Français de l'étranger, qui votaient ce week-end, la Nupes s'est qualifiée dans 10 circonscriptions sur 11, contre 5 en 2017.
En conséquence, le chef du parti présidentiel Stanislas Guérini a appelé lundi à faire campagne "encore plus fort" contre le "cartel mélenchoniste", agitant la menace de "la sortie déguisée de l'Europe, la sortie de l'Otan" et "du nucléaire".