MOSCOU: Le ministère russe des Affaires étrangères a critiqué vendredi un projet de l'Allemagne de renforcer son armée, estimant que cela relevait d'une "remilitarisation", référence à la période nazie (1933-1945).
Le gouvernement et l’opposition conservatrice en Allemagne ont trouvé fin mai un accord pour faire une entorse aux règles budgétaires de la constitution nationale, afin de débloquer 100 milliards d'euros pour moderniser les forces allemandes face à la menace russe.
"Nous prenons cela comme une confirmation supplémentaire que Berlin a pris la voie d'une nouvelle remilitarisation. On sait bien comment ça peut se finir", a lâché la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova.
Celle-ci semble faire référence au réarmement de l'Allemagne par les nazis dans les années 1930, qui a été suivi par le déclenchement par le dictateur Adolf Hitler de la Seconde guerre mondiale (1939-1945).
Allemagne: feu vert au fonds exceptionnel de 100 milliards d'euros pour l'armée
Le Bundestag, chambre basse du Parlement, a approuvé vendredi une modification de la constitution pour la mise en place d'un fonds exceptionnel de 100 milliards d'euros visant à moderniser l'armée allemande face à la menace russe.
Cette adoption à une majorité des deux-tiers par les députés doit permettre de remplir la promesse faite par le chancelier social-démocrate Olaf Scholz fin février après le déclenchement de l'invasion russe en Ukraine: réarmer le pays au cours des prochaines années et moderniser la Bundeswehr, dont les équipements sont vétustes.
Le Bundesrat, la Chambre haute du Parlement, devra encore valider la décision.
Pour la première économie européenne, il s'agit d'assurer la défense de son territoire et de remplir ses engagements envers l'Alliance atlantique, en atteignant l'objectif de consacrer 2% du PIB national par an à la défense.
"C'est le moment où l'Allemagne dit: nous sommes là, quand l'Europe a besoin de nous", a lancé la cheffe de la Diplomatie, l'écologiste Annalena Baerbock, devant les députés.
La part du lion, soit 40,9 milliards, reviendra à l'armée de l'air, avec l'acquisition de 35 avions de chasse américains de type F-35, des Eurofighter ECR de reconnaissance, et 60 hélicoptères lourds CH-47F Chinook de Boeing.
Près de 20 milliards seront investis dans la marine, avec de nouvelles corvettes lance-missiles, des frégates et un sous-marin 212 CD.
Plus de 16 milliards renforceront l'armée de terre avec des chars d'assaut Marder et de transport de troupe Fuchs.
Le reste sera dédié à la modernisation des réseaux de communication, au développement du numérique, à la recherche et à l'équipement des troupes.
"L'Allemagne disposera bientôt en Europe de la plus grande armée conventionnelle dans le cadre de l'Otan", avait récemment assuré Olaf Scholz.
Le fonds exceptionnel est financé par de la dette supplémentaire. Pour cela, il a fallu contourner les règles inscrites dans la constitution nationale, appelées "frein à l'endettement", qui limitent strictement les possibilités de déficit budgétaire.
C'est pourquoi le gouvernement de coalition entre sociaux-démocrates, écologistes et libéraux a eu besoin de l'appui de la principale force d'opposition, les conservateurs CDU/CSU.
Le déblocage de 100 milliards d'euros pour l'armée nationale constitue un revirement de taille pour l'Allemagne qui, ces dernières années, traînait des pieds pour se conformer aux engagements de l'Otan dans ce domaine, s'attirant régulièrement les foudres des Etats-Unis.
L'Allemagne, depuis la fin de la Guerre froide, a nettement réduit les effectifs de son armée, passés de 500 000 personnes environ lors de la réunification du pays en 1990 à tout juste 200 000 aujourd'hui.
Par ailleurs, les responsables militaires se plaignent régulièrement de pannes sur leurs avions de chasse, navires de guerre ou chars.
L'offensive russe en Ukraine a agi comme un électrochoc dans un pays pétri de pacifisme depuis les horreurs nazies.