MOSCOU: Le géant gazier russe Gazprom a annoncé mardi l'interruption à partir de mercredi des livraisons de gaz à plusieurs clients européens - dont la liste s'allonge - ayant refusé de payer en roubles, litige né de l'offensive militaire russe contre l'Ukraine.
En réplique aux sanctions imposées par l'Union européenne à la suite de l'offensive russe en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a réclamé que les acheteurs de gaz russe de pays « inamicaux » payent en roubles depuis des comptes en Russie sous peine d'être privés d'approvisionnement, en dépit de contrats prévoyant des paiements en euros ou en dollars.
Gazprom a annoncé mardi matin avoir « cessé totalement ses livraisons de gaz à la société GasTerra B.V. (Pays-Bas) du fait du non-paiement en roubles ».
GasTerra avait refusé, réclamant le respect d'obligations contractuelles et notant que des versements tels que le réclamait le Kremlin présentaient « un risque de violation des sanctions élaborées par l'UE ».
Dans la soirée, Gazprom a ajouté que les livraisons à Ørsted et Shell Energy Export seraient interrompues dès mercredi pour la même raison.
Gazprom a indiqué avoir été informé par les deux sociétés du fait qu'elles n'ont « pas l'intention d'effectuer de paiements en roubles pour le gaz fourni », et les avoir en retour notifiées de « la suspension des livraisons de gaz (...) à compter du 1er juin » sauf réception des paiements en roubles.
« Shell n'a pas accepté les nouvelles conditions de paiement définies par Gazprom », a indiqué un porte-parole de Shell. « Nous nous efforcerons de continuer à approvisionner nos clients en Europe grâce à notre portefeuille diversifié d'approvisionnement en gaz. Shell continue de travailler sur un retrait progressif des hydrocarbures russes ».
La Russie avait déjà coupé le gaz pour la même raison à la Finlande, à la Bulgarie et à la Pologne.
Les Néerlandais dépendent de la Russie pour environ 15% de leurs approvisionnements en gaz, soit quelque six milliards de mètres cubes par an.
La décision du géant russe de l'énergie signifie que deux milliards de mètres cubes de gaz ne seront pas fournis aux Pays-Bas d'ici octobre, avait prévenu GasTerra, ajoutant avoir « anticipé cela en achetant du gaz ailleurs ».
Au Danemark, le gaz représente 18% de l'énergie consommée chaque année, les trois quarts provenant de la production nationale.
Accord sur un embargo pétrolier
La Commission européenne rejette le paiement du gaz en roubles, comme l'exige le Kremlin, estimant qu'il s'agit d'une violation des sanctions. Les compagnies énergétiques sont tenues de respecter les conditions de paiement des contrats conclus avec Gazprom (97% prévoient un règlement en dollars ou en euros), sous le contrôle des États membres.
L'Union européenne a trouvé un accord sur un embargo pétrolier contre Moscou lundi soir, qui devrait permettre de réduire de quelque 90% leurs importations de pétrole russe d'ici la fin de l'année afin de tarir le financement de la guerre menée par Moscou en Ukraine.
L'UE hésite désormais à envisager des sanctions visant le gaz russe, dont elle est encore plus dépendante.
Selon plusieurs analystes interrogés par l'AFP, cet embargo pétrolier devrait avoir un impact très relatif pour l'économie russe.
« La Russie a diversifié ses relations énergétiques depuis 2014, notamment en Asie. L'UE ne l'a pas fait. Et la Russie a été très proactive au cours des deux derniers mois pour trouver des acheteurs supplémentaires pour son pétrole, même s'ils vendent au rabais, c'est toujours plus cher que ces dernières années en raison de la hausse des prix du pétrole », a indiqué Chris Weafer, fondateur du cabinet d'analyses Macro-Advisory.
Selon lui, ce sont des sanctions contre le gaz qui feraient véritablement mal à la Russie, qui ne dispose pas d'autant d'alternatives en matière de débouchés que pour le pétrole.
En 2021, la Russie a fourni 30% du brut et 15% des produits pétroliers achetés par l'UE. Elle fournit annuellement 150 milliards de m3 de gaz, soit 40% des importations de l'UE.
L'UE, qui a déjà décidé de se passer de charbon russe à partir du mois d'août, a trouvé d'autres fournisseurs aux États-Unis pour un tiers de ses achats de gaz russe.