PARIS: Il a témoigné une dernière fois devant des jeunes, puis il s'est éteint: Elie Buzyn, l'un des derniers témoins de la Shoah, "militant du devoir de mémoire", est mort à 93 ans, suscitant de nombreux hommages.
"Il est décédé ce matin. Il était entouré de sa famille", a déclaré sa fille Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé. "Il a fait un malaise hier (dimanche) soir juste après une conférence de témoignages, où il était avec des jeunes pour +passer le relais+, une conférence, qui a été très émouvante, très bouleversante, qui l'a beaucoup touché", a-t-elle ajouté.
Ce natif de Pologne, rescapé du camp d'Auschwitz, s'était installé en France en 1956. Après la guerre, il s'était longtemps tu, comme de nombreux autres survivants. Mais plus tard, il n'a eu de cesse de s'employer à transmettre la mémoire de la Shoah; en racontant son terrible récit lors de conférences ou en accompagnant plusieurs de ses petits-enfants ainsi que des groupes scolaires au camp d'Auschwitz-Birkenau.
"Puisque nous allons disparaître sous peu, je vous charge de devenir les 'témoins des témoins' que nous sommes", avait-il dit en 2018, devant les jeunes générations qu'il accompagnait lors d'un voyage organisé par le grand rabbin de France Haïm Korsia.
En janvier encore, celui qui fut chirurgien orthopédique, était au côté de Jean Castex, alors Premier ministre, à l'occasion du 77e anniversaire de la libération des camps nazis allemands. "Je vous rappelle qu'en 1933, le chancelier Hitler est arrivé au pouvoir après des élections tout à fait démocratiques", avait-il lancé devant des adolescents. "Alors, il faut bien réfléchir avant d'aller voter".
"Il a transmis le relais avec une constance et une détermination incroyable jusqu'au bout", a déclaré à l'AFP le grand rabbin Haïm Korsia, saluant "un homme qui a toujours été dans le combat, dans la capacité à regarder devant lui" et dont on "doit garder cette force de vie". "Un militant du devoir de mémoire que j'aimais tendrement comme un père", a-t-il déclaré.
Un «géant»
Après 1945, "d'autres (rescapés, ndlr) se sont suicidés et lui a avancé", a confié Agnès Buzyn. C'était "le choix du courage" que "de choisir la vie".
"Survivant de la Shoah, il témoigna sans relâche et jusqu’à ses derniers jours de l’indicible. Sa mémoire vivra", a affirmé le président Emmanuel Macron dans la soirée sur Twitter.
"Je me rappelle avec une très vive émotion cette visite à Auschwitz", lors de laquelle "il nous a fait ressentir l’horreur de la tragédie", a aussi réagi Jean Castex, ajoutant que cette journée serait "assurément un des moments forts de [son] mandat à Matignon".
Cet "infatigable combattant de la mémoire", aura "jusqu’au bout, porté la parole des victimes de la barbarie nazie", a pour sa part déclaré Francis Kalifat, président du Conseil représentatif des institutions juives (Crif), sur Twitter.
"Nous n'oublierons jamais le témoignage du docteur Elie Buzyn, qui jusqu'à ces derniers jours continuait avec force à transmettre son expérience de vie liée à la Shoah", a ajouté, sur le même réseau, Elie Korchia, président du Consistoire central, tandis que Joël Mergui, président du Consistoire de Paris, louait en lui "un Mensch dont l'absence sera irremplaçable", utilisant le terme yiddish servant à qualifier un homme exemplaire.
"Un géant", qui aura témoigné "devant des milliers d'élèves et d'étudiants", selon l'Union des étudiants juifs de France.
La maire de Paris Anne Hidalgo a salué un homme qui a "consacré, sans relâche, sa vie à témoigner et transmettre la mémoire de la Shoah". SOS Racisme a loué en lui celui qui témoignait "des conséquences de la haine antisémite et raciste".
"A chaque disparition des derniers survivants de la Shoah comme Elie Buzyn, je me pose la même question: allons-nous être à la hauteur pour transmettre cette Histoire indicible que nous avons reçue de la bouche même de ces héros ?", s'est interrogé Ariel Goldmann, président du Fonds social juif unifié.