KABOUL: Mohammad Zahir était assis seul dans sa boutique du marché Kah Faroshi au cœur de la vieille ville de Kaboul, entouré de perroquets, de perdrix, de cailles et d’autres oiseaux qui autrefois attiraient les foules.
Il n'y a pas si longtemps, les visiteurs se pressaient dans le plus ancien marché aux oiseaux de la capitale afghane, où s’enfoncer dans les ruelles étroites et encombrées ressemblait à un voyage de deux siècles en arrière, dans les recoins de la ville épargnés par la guerre.
Mais aujourd’hui, ces visiteurs sont partis, car rares sont ceux qui peuvent désormais s'offrir le passe-temps traditionnel de combats d’oiseaux ou se permettre de posséder des oiseaux chanteurs comme animaux de compagnie.
Pour Zahir, qui dans les temps heureux gagnait jusqu'à 70 dollars par jour, les affaires se sont quasiment taries.
«Il m’arrive de ne réaliser aucune vente pendant plusieurs jours», a-t-il confié à Arab News.
«Je suis gêné quand des mendiants viennent à ma porte et demandent de l'aide. Je ne peux rien leur donner parce que je ne gagne pas d'argent.»
L’homme âgé de 53 ans — ancien membre de l'équipe nationale de football — a commencé à travailler au marché sous le premier régime taliban, au pouvoir de 1996 à 2001. Il raconte qu'il avait même été brièvement emprisonné quand ils gouvernaient le pays pour avoir contrevenu à l'interdiction des combats d'oiseaux, un ancien sport afghan.
Étant donné que les talibans ont repris le contrôle de l'Afghanistan l'année dernière, ce n'est pas la perspective d’une réimposition de l'interdiction qui nuit à ses ventes, a précisé Zahir, mais la crise financière, conséquence des sanctions internationales imposées au pays depuis leur retour.
«Les talibans ne mangent personne», a-t-il affirmé.
«Ce sont les difficultés économiques qui empêchent les gens de continuer à pratiquer leur passe-temps habituel.»
Kah Faroshi, qui est également le plus grand marché aux oiseaux du pays, vend des milliers d'espèces d'oiseaux du monde entier, dont le prix peut varier entre un et 1 000 dollars.
Avant la prise de contrôle par les talibans à la mi-août, il voyait venir des visiteurs de tout le pays, ainsi que des étrangers pour qui c'était une attraction touristique haute en couleurs et un arrière-plan parfait pour les publications sur les réseaux sociaux.
«Nous réalisions de bonnes ventes tous les jours avant que la situation économique ne s'aggrave», a indiqué Mohammad Shafi, un autre vendeur.
«Maintenant, il nous arrive certains jours de ne faire aucune vente.»
L'avenir du marché, qui a survécu à tous les gouvernements afghans, est désormais incertain.
Pour Mohammed Marouf, qui vend des oiseaux depuis près de six décennies, sa disparition mettrait fin à l'espoir de voir revenir les beaux jours.
«J'avais sept ans quand j'ai commencé à travailler dans cette boutique avec mon père», a-t-il confié.
«J'avais la vie la plus aisée du vieux Kaboul.»
Ses ventes ont déjà été touchées par la crise économique, mais ses principaux clients — des hommes qui achètent des cailles, des perdrix, des coqs et des canaris pour les combats — lui permettent encore de se maintenir à flot.
Si une interdiction de ce sport entre en vigueur, il sait que son commerce, dans lequel il fait déjà travailler ses trois fils, pourrait pratiquement disparaître.
«Nous continuerons jusqu'à ce que ce soit interdit», a-t-il affirmé en inspectant de près le bec d'une caille. «Le jour où ce sera interdit, ce sera interdit.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com