Maladies, stérilité, impunité: le legs d'un pesticide au Nicaragua

Le Nicaraguayen Pedro Fletes, touché par le produit chimique Nemagon, travaille dans une plantation de bananes à Chinandega, au Nicaragua, le 10 mai 2022. (RST / AFP)
Le Nicaraguayen Pedro Fletes, touché par le produit chimique Nemagon, travaille dans une plantation de bananes à Chinandega, au Nicaragua, le 10 mai 2022. (RST / AFP)
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Publié le Vendredi 13 mai 2022

Maladies, stérilité, impunité: le legs d'un pesticide au Nicaragua

  • Commercialisé jusqu'au milieu des années 1980 au Nicaragua, sous le nom de Nemagon et de Fumazone, le DBCP a fait l'objet de nombreuses dénonciations en Amérique latine
  • Les plaignants avaient mis tous leurs espoirs dans une procédure d'«exequatur» lancée en 2018 devant la justice française

TONALA, Nicaragua : Malades ou devenus stériles après des années à travailler dans des bananeraies au contact d'un pesticide, des centaines d'ouvriers agricoles nicaraguayens réclament de longue date le versement d'une indemnisation. Un espoir qui s'éloigne un peu plus avec une récente décision de la justice française.

Dans les rues de Tonala, située dans le département de Chinandega, quelques bidons rouillés de DBCP sont toujours visibles ça et là. Ce pesticide a été utilisé pendant des années dans les plantations de bananiers de cette région du nord-est du Nicaragua.

Dans les années 1970, attirés par les opportunités d'emplois proposés par les compagnies bananières dans les plantations alentours, de nombreux travailleurs sont arrivés à Tonala, qui ne comptaient à l'époque que 600 habitants, contre 13.000 aujourd'hui.

Ces plantations ont connu un essor entre les années 1960 à 1980, profitant d'une terre fertile, d'un climat chaud et de pluies abondantes.

«Il y avait quatre exploitations à Tonala, avec jusqu'à 4.000 travailleurs dans chacune. C'était là qu'on vous payait le mieux», se souvient Luis Gomez, 60 ans.

«C'était bien, les gens venaient de partout mais cette joie s'est transformée en tristesse, du fait de ne pas pouvoir avoir d'enfants», explique son épouse Idalia Paz, 55 ans.

Luis est devenu stérile après son exposition au DBCP.

Ce pesticide interdit à la fin des années 1970 aux Etats-Unis et commercialisé jusqu'au milieu des années 1980 au Nicaragua sous le nom de Nemagon et de Fumazone, a fait l'objet de nombreuses dénonciations en Amérique latine, accusé de provoquer cancers et infertilité.

Les risques pour la santé ont été identifiés en 1977 aux Etats-Unis après la détection d'un taux de stérilité élevé chez les travailleurs d'une exploitation en Californie.

«Si nous avions su que c'était dangereux, nous aurions pris d'autres précautions. Mais nous ne le savions pas, ce n'est que plus tard que nous l'avons su», raconte Pedro Regalado, 74 ans, lui aussi devenu stérile après avoir travaillé dans la ferme El Paraiso.

- Exequatur -

En 2006, un tribunal de Chinandega a condamné trois multinationales américaines --Shell, Dow Chemical et Occidental Chemical-- qui commercialisaient le pesticide dans le pays à payer 805 millions de dollars d'indemnisation à 1.200 travailleurs. Mais ils n'ont jamais reçu un centime et nombre d'entre eux sont morts.

La décision avait été confirmée en cassation au Nicaragua en 2013 mais n'a jamais été appliquée.

Les sociétés américaines avaient retiré tous leurs actifs du Nicaragua, avait expliqué un avocat des travailleurs Gustavo Antonio Lopez. De leur côté, les multinationales avaient affirmé n'avoir «jamais été présentes dans le pays», selon leurs conseils.

Les plaignants avaient alors mis tous leurs espoirs dans une procédure d'«exequatur» lancée en 2018 devant la justice française. Cette procédure permet d'exécuter en France une décision rendue par une juridiction étrangère, avec à la clé la saisie possible des actifs des sociétés en Europe.

Réunis à Tonala, les agriculteurs ont attendu ensemble la décision rendue mercredi à Paris. Mais la voix taciturne de leur avocat, Barnard Zavala, au téléphone a vite anéanti leurs espoirs.

«Ils nous déboutent», a annoncé l'avocat, en contact avec ses homologues à Paris.

Les juges ont déclaré «inopposables sur le territoire français» l'ensemble des décisions de la justice nicaraguayenne au motif que les multinationales mises en cause avaient choisi d'être jugées aux Etats-Unis, conformément à leur droit, ce qui «a privé la juridiction nicaraguayenne de toute compétence».

«Nous sommes déçus (...) C'est ici qu'a été répandu (le pesticide), ici au Nicaragua qu'on a été touchés. Nous attendions une décision en faveur des malades», déplore Idalia Paz.

«Quand ils m'ont dit que j'étais à 100% stérile (...) j'ai senti une profonde déception. Ce sont des choses qui font mal et te marquent pour toute la vie», raconte Pedro Fletes, 57 ans, qui avait dix ans lorsque son père l'a emmené travailler dans les bananeraies de Tonala. Il souffre aussi des reins et de douleurs osseuses.

«Je pense que c'est injuste, cela a été un crime» de la part des multinationales au Nicaragua. «Ils n'ont pas voulu me payer pour les dommages mais ils sont là, ils sont irréparables».


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.