La guerre en Ukraine fait renaître de ses cendres l'idée d'une communauté politique européenne

Conférence tenue sur l'avenir de l'Europe à Strasbourg, le 9 mai 2022 (Photo, AFP).
Conférence tenue sur l'avenir de l'Europe à Strasbourg, le 9 mai 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 10 mai 2022

La guerre en Ukraine fait renaître de ses cendres l'idée d'une communauté politique européenne

  • A l'heure actuelle, cinq pays sont officiellement candidats pour rejoindre le bloc
  • La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo sont eux des candidats potentiels

PARIS: Lancé en 1989 dans la foulée de la chute du mur de Berlin, le projet d'une confédération politique européenne avait fait long feu. Trente ans plus tard, l'idée renaît de ses cendres, portée par la guerre en Ukraine et le casse-tête du processus d'élargissement de l'Union européenne.

Ce projet a ressurgi lundi au détour d'un discours du président français Emmanuel Macron proposant la mise en place d'une "communauté politique européenne", qui offrirait aux pays désireux de rejoindre l'Union européenne "une autre forme de coopération".

Ce nouvel ensemble, aux contours encore flous, permettrait notamment "aux nations européennes démocratiques adhérant à notre socle de valeurs, de trouver un nouvel espace de coopération politique, de sécurité", a-t-il précisé.

Loin d'être inédite, l'idée s'inspire ouvertement de celle émise en 1989 par un autre président français, François Mitterrand qui avait, juste après la chute du mur de Berlin, émis le souhait de réunir tous les pays du continent européen au sein d'une confédération. 

Cette initiative, qui avait été pourtant bien accueillie dans un premier temps, ne verra finalement jamais le jour.

"L'idée de François Mitterrand était très bonne mais elle contenait deux bugs : il y avait la Russie dedans - là il s'agit de créer un camp alternatif à Moscou - et la proposition était arrivée trop tôt, il n'y avait pas encore eu la réunification allemande", analyse rétrospectivement l'ancien président du Conseil italien Enrico Letta.

Par ailleurs, "les pays concernés avaient une double obsession, celle de l'adhésion à l'Otan et celle à l'Union européenne et cette idée ne leur avait pas semblé assez dense et formelle", abonde Christine Verger, vice-présidente de l'institut Jacques Delors.

Pas d'adhésion automatique 

Plus de trente ans après, la nouvelle proposition se veut cette fois-ci plus transparente  : rejoindre cette nouvelle communauté "ne préjugerait" en aucun cas "d'une adhésion future à l'UE, a insisté Emmanuel Macron lundi, "comme elle ne serait pas non plus fermée à ceux qui ont quitté cette dernière". 

Parmi les pays appelés à la rejoindre, l'Ukraine mais aussi des pays peu avancés sur la voie de l'adhésion, comme la Bosnie-Herzégovine, qui pourrait ne pas intégrer le bloc avant des décennies, a-t-il ajouté. 

Le processus d'adhésion à l'UE fait effectivement figure de chemin de croix pour les pays candidats qui doivent s'armer de patience avant de remplir les critères requis. 

A l'heure actuelle, cinq pays (Albanie, Macédoine du Nord, Monténégro, Serbie, Turquie) sont officiellement candidats pour rejoindre le bloc. La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo sont eux des candidats potentiels. Ils ont été rejoints par l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie, qui ont déposé des demandes d'adhésion dans la foulée de l'offensive militaire russe en Ukraine.

"Aujourd'hui, nous devons ancrer solidement l'Ukraine en Europe, tout comme la Moldavie ou les pays des Balkans occidentaux", a estimé lundi le Premier ministre belge Alexander de Croo, et permettre ainsi "à leurs citoyens de bénéficier directement de notre espace démocratique et de notre marché unique, en les faisant participer à certaines de nos institutions". 

Pour M. Letta, la mise en place d'un tel ensemble pourrait être très rapide et une première réunion pourrait tout à fait se tenir "dès l'automne" à Bruxelles.

Autour de la table, pourraient se retrouver les Vingt-Sept et neuf pays se trouvant actuellement hors du bloc (Albanie, Macedoine du Nord, Montenegro, Serbie, Kosovo, Bosnie, Moldavie, Ukraine, Géorgie), suggère le président de l'institut Jacques Delors. 

Compromis

Reste à savoir comment les pays concernés accueilleront cette proposition. 

"L'idée peut faire figure de compromis positif, à condition de lui donner de la chair et du contenu", reconnaît Mme Verger. "Est-ce que la clause d'assistance mutuelle contenue dans le traité de l'UE s'appliquerait aux membres de cette nouvelle communauté? C'est une question ouverte."

"Qu'est-ce qu'on entend par coopération politique? Et comment on va la faire fonctionner? ", s'interroge également Camino Mortera, du think tank Centre for European Reform. "Certains pays qui sont bloqués à la porte de l'UE depuis des années pourraient peut-être voir dans cette annonce un progrès mais il faut voir ce qu'il y a derrière". 

Au-delà d'envoyer un signal positif à l'Ukraine, l'instauration de ce "sas" permettrait de régler temporairement l'épineuse question de l'élargissement et celle d'une adhésion trop rapide qui inquiète plusieurs pays. 

Paris n'a notamment jamais caché son hostilité à un nouvel élargissement qui complexifierait encore davantage le fonctionnement des institutions européennes. 

Le nouvel ensemble offre l'opportunité de "prendre le temps nécessaire pour que les pays qui ne sont pas prêts se préparent", estime M. Letta. 


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.