SEVERODONETSK: Les derniers combattants retranchés à Marioupol refusaient dimanche de se rendre malgré les incessantes frappes russes sur l'est de l'Ukraine, où une soixantaine de personnes étaient portées disparues après le bombardement de leur refuge, tandis que les pays du G7 ont décidé de ne plus importer de pétrole russe.
Le même jour, la Première dame des Etats-Unis Jill Biden a rencontré son homologue ukrainienne Olena Zelenska dans une école en Ukraine à proximité de la frontière avec la Slovaquie, où elle se trouvait cette semaine. « Je voulais venir pour la fête des mères. Je pensais qu'il était important de montrer au peuple ukrainien que cette guerre doit s'arrêter », a-t-elle lancé devant des journalistes.
Autres visites surprises, celle du Premier ministre canadien Justin Trudeau, qui est allé à Irpin, une localité de la banlieue de Kiev dévastée par les combats, et de la présidente du Bundestag, la chambre basse du parlement allemand, Bärbel Bas, qui a également été près de la capitale ukrainienne, à Boutcha, théâtre d'atrocités sur des civils.
« Le G7 tout entier s'est engagé aujourd'hui à interdire ou supprimer progressivement les importations de pétrole russe », a pour sa part annoncé la Maison Blanche dans un communiqué.
Cette décision « va porter un coup dur à la principale artère irriguant l'économie de (Vladimir) Poutine et le priver des revenus dont il a besoin pour financer sa guerre », ont estimé les Etats-Unis, qui ont d'ores et déjà interdit l'achat d'hydrocarbures russes.
Soixante morts dans une école bombardée dans l'est de l'Ukraine
Soixante personnes ont été tuées samedi dans le bombardement d'une école dans la région de Lougansk dans l'est de l'Ukraine, a déclaré dimanche le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
"Pas plus tard qu'hier, dans le village de Bilogorivka, dans la région de Lougansk, une bombe russe a tué 60 civils", a affirmé M. Zelensky lors d'une intervention en visioconférence à un sommet du G7.
"Ils essayaient de trouver refuge dans le bâtiment d'une école ordinaire qui a été visée par une frappe aérienne russe", a-t-il ajouté.
"Une bombe aérienne a frappé une école et 60 personnes sont mortes sous les décombres", a indiqué de son côté le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, à la télévision en langue russe Current Time TV. "Il y a toujours des frappes très fortes sur Bilogorivka", a-t-il poursuivi. "J'aimerais vraiment croire que des gens sont encore vivants là-bas", a-t-il toutefois dit, précisant "que dès les bombardements seront terminés, nous pourrons commencer à déblayer les décombres".
Dimanche matin, M. Gaïdaï avait déclaré qu'"il y avait au total 90 personnes" sur place au moment de la frappe. "27 ont été sauvées", avait-il ajouté, précisant que la température avait été très élevée sur le site après l'explosion.
Au niveau de l'Union européenne, des négociations se poursuivront « en début de semaine » entre Etats membres pour lever les obstacles au projet d'embargo européen sur le pétrole russe, freiné par la Hongrie.
Sur un plan plus symbolique, le chanteur irlandais Bono a donné un concert dans le métro de Kiev, estimant que les Ukrainiens se battaient « pour nous tous qui aimons la liberté ».
Ukraine: des civils évacués d'Azovstal à Marioupol sont arrivés à Zaporijjia
Plus de 170 civils de Marioupol, dont une quarantaine évacués de l'aciérie Azovstal dans ce port du sud-est ukrainien presque entièrement sous contrôle russe, sont arrivés dimanche soir à Zaporijjia, a constaté un journaliste de l'AFP.
Les évacués, certains avec de jeunes enfants, sont descendus des bus blancs qui les ont transportés jusqu'au parking d'un centre commercial de cette grande ville du sud-est de l'Ukraine, devenu un centre d'accueil pour les personnes fuyant les zones occupées par l'armée russe.
Des travailleurs humanitaires escortaient des personnes âgées y compris une vieille dame en fauteuil roulant.
Au total, 174 civils sont arrivés à bord de huit bus "depuis l'enfer de Marioupol", a précisé dans la foulée sur Twitter la coordinatrice humanitaire des Nations unies pour l'Ukraine, Osnat Lubrani.
"Cette nouvelle opération porte à plus de 600 le nombre total de personnes évacuées de la zone", s'est-elle félicitée dans un communiqué du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU.
Vendredi, la vice-Première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk, avait évoqué "50 femmes, enfants et personnes âgées d'Azovstal sortis d'Azovstal".
"Notre travail, cependant, n'est pas terminée", a affirmé Mme Lubrani, assurant que "des dizaines de personnes qui souhaitaient rejoindre le convoi au cours des derniers jours n'ont pas pu le faire".
Samedi, Kiev avait annoncé que toutes les femmes civiles, tous les enfants et personnes âgées avaient été évacuées de l'immense complexe métallurgique Azovstal, dernière poche de résistance des forces ukrainiennes face à l'armée russe dans la ville dévastée de Marioupol.
"Cette partie de la mission humanitaire de Marioupol est accomplie", s'était félicité Mme Verechtchouk sur les réseaux sociaux, tandis que le président Volodymyr Zelensky soulignait qu'il fallait encore évacuer des blessés et du personnel médical.
Une école abritant des réfugiés détruite
A la veille de la commémoration à Moscou de la victoire contre l'Allemagne nazie, les militaires ukrainiens qui résistent toujours dans l'immense aciérie Azovstal ont annoncé qu'ils excluaient de « capituler ». Car « notre vie n'intéresse pas la Russie. Nous laisser en vie ne lui importe pas », a déclaré Ilya Samoïlenko, un officier du renseignement.
Dans la région de Lougansk, environ 60 personnes sont portées disparues après qu'une frappe aérienne a « complètement » soufflé l'école du village de Bilogorivka, où elles s'étaient réfugiées, a déclaré dimanche son gouverneur Serguiï Gaïdaï.
« L'ennemi ne cesse pas ses opérations offensives (...) afin d'établir un contrôle total sur les régions de Donetsk, de Lougansk et de Kherson et de maintenir le couloir terrestre entre ces territoires et la Crimée occupée » depuis 2014, a averti quant à lui l'état-major de l'armée ukrainienne.
Il a précisé que dans la région de Donetsk, les troupes russes avaient poursuivi leurs attaques autour de Lyman, Popasniansky, Severodonetsk et Avdiivka.
« Rien qu'à Severodonetsk, il y a eu des dizaines de frappes et un hôpital a aussi été touché », a souligné le gouverneur de la région de Lougansk.
La ville de Popasna est désormais en ruines et les militaires ukrainiens s'en sont retirés pour occuper de « meilleures positions », a ajouté Serguiï Gaïdaï.
Côté russe, le ministère de la Défense a revendiqué dimanche la destruction du « poste de commandement d'une brigade mécanisée », dans la région de Kharkiv (nord-est), de même que du « centre de communication de l'aérodrome militaire de Chervonoglinskoye », dans le sud-ouest.
Les autorités ukrainiennes mettent en garde depuis plusieurs jours contre une intensification possible des actions offensives russes à l'approche des célébrations du 9 mai.
« Le mal est de retour »
Le « mal est de retour » en Europe, »dans un uniforme différent, sous des slogans différents, mais avec le même objectif », s'est exclamé dimanche le président ukrainien Volodymyr Zelensky, comparant l'invasion de son pays par la Russie à l'agression des Etats européens par l'Allemagne nazie, dans un discours de commémoration de la fin de la Deuxième Guerre mondiale en Europe.
« Des décennies après (...), les ténèbres sont retombées sur l'Ukraine », a-t-il dit dans un enregistrement vidéo où il est filmé devant des immeubles d'habitation détruits.
A Marioupol, après moult appels et vaines tentatives ces dernières semaines, « nous avons évacué les civils d'Azovstal », avait lancé la veille au soir M. Zelensky, citant le nombre de 300 personnes exfiltrées. « Nous préparons désormais la seconde phase (...) : les blessés et le personnel médical ».
Des centaines de personnes avaient trouvé refuge dans les galeries souterraines de l'aciérie d'Azovstal, qui abrite les derniers défenseurs de cette cité portuaire.
Moscou avait annoncé mercredi un cessez-le feu unilatéral de trois jours à partir de jeudi matin pour permettre aux civils terrés dans ce vaste complexe de pouvoir partir. Mais les autorités ukrainiennes ont maintenu que les Russes ne l'avaient pas respecté.
Selon Kiev, ces opérations ont permis au total à près de 500 personnes de fuir en une semaine, sous l'égide de l'ONU et du Comité international de la Croix-Rouge.
Et, « bien sûr, nous œuvrons aussi à évacuer nos militaires. Tous ces héros défendant Marioupol », a souligné le président Zelensky.
Selon Ievguenia Tytarenko, une infirmière militaire dont le mari, membre du régiment Azov, est toujours l'usine Azovstal, « de nombreux soldats sont dans un état grave. Ils sont blessés et n'ont pas de médicaments ». « La nourriture et l'eau manquent aussi ».
« Je me battrai jusqu'au bout », lui a écrit son mari Mykhaïlo, dans un SMS que l'AFP a pu consulter. Ils se sont mariés deux jours avant le début des hostilités avec la Russie.
« Nos unités dans la zone de l'usine d'Azovstal continuent d'être bloquées », a relevé dimanche l'état-major ukrainien, évoquant des « opérations d'assaut russes » avec « le soutien de l'artillerie et des tirs de chars ».
Marioupol, qui comptait près de 500 000 habitants avant la guerre, a été presque entièrement rayée de la carte par deux mois de bombardements russes.
« La victoire sera à nous » (Poutine)
Le président Poutine a assuré dimanche que « comme en 1945, la victoire sera à nous », multipliant les comparaisons entre la Deuxième Guerre mondiale et le conflit en Ukraine dans ses voeux du 8 mai.
La Russie n'a toutefois jusqu'à présent pu revendiquer le contrôle complet que d'une ville d'importance, Kherson.
Ses habitants pourront d'ailleurs obtenir des passeports russes dès cette année, a révélé Kirill Stremoussov, le « vice-président de l'administration militaro-civile de la région ».
Dans le port de commerce de Marioupol, « les travaux battent leur plein », mais »il reste encore beaucoup à faire », a de son côté dit Denis Pouchiline, le chef de la « République de Donetsk » autoproclamée par les séparatistes prorusses. « Nous prévoyons une reconstruction à grande échelle en très peu de temps », a-t-il ajouté.
Les actions de Vladimir Poutine en Ukraine « couvrent la Russie et les sacrifices historiques de son peuple (pendant la Deuxième Guerre mondiale) de honte », se sont pour leur part indignés dimanche les pays du G7.
Au cours d'une réunion virtuelle à laquelle a participé le président Zelensky, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Allemagne, du Canada, des Etats-Unis, de la France, de l'Italie, du Japon et du Royaume-Uni lui ont « répété (leur) engagement à prendre de nouvelles mesures pour aider l'Ukraine à s'assurer un avenir libre et démocratique », ainsi qu'à « se défendre et repousser de futurs actes d'agression ».