PARIS: « Se faire condamner ou se faire tuer ? »: quelques centaines de policiers ont manifesté lundi en France à l'appel de plusieurs syndicats pour protester contre la mise en examen pour « homicide volontaire » de leur collègue qui a tué deux hommes qui auraient forcé un contrôle la semaine dernière à Paris.
A Paris, environ 300 policiers se sont rassemblés sur la place Saint-Michel, située à quelques centaines de mètres de l'ancien Palais de justice et du Pont-Neuf, où le policier a ouvert le feu.
« Ça aurait pu finir ainsi, légitime défense pour notre collègue », pouvait-on lire sur des pancartes, avec la photo d'un corps dans une morgue ou celle d'un cercueil recouvert d'un drapeau bleu-blanc-rouge.
« S'il n'avait pas tiré, il aurait pu être tué. Il a sauvé ses collègues et voilà comment il est remercié », a dit Yvan Assioma, secrétaire national pour l'Ile-de-France du syndicat Alliance, à l'initiative de l'appel à manifester auquel se sont joints Synergie et l'Unsa-Police.
« On ne peut pas traiter un policier comme un délinquant », a ajouté Olivier Varlet, secrétaire général de l'Unsa. « Nous demandons une juridiction spécialisée pour qu'il y ait un positionnement commun des magistrats sur l'usage des armes ».
« On ne demande pas un permis de tuer. Tirer ce n'est pas anodin, cela a un impact psychologique énorme », a expliqué Amandine, une policière des Hauts-de-Seine. « Il y a un refus d'obtempérer toutes les trente minutes. Qu'est ce qui est acceptable ? Se laisser rouler dessus ? »
« Remise en cause systématique »
Dans la nuit du 24 au 25 avril, un policier de la Compagnie de sécurisation de la Cité (CSC), armé d'un fusil d'assaut, a ouvert le feu sur le conducteur d'une voiture et son passager qui auraient tenté de se soustraire à un contrôle. Ils sont décédés sur place et un troisième homme, lui aussi passager du véhicule, a été blessé.
Le gardien de la paix, âgé de 24 ans, a été mis en examen, notamment pour « homicide volontaire » concernant le conducteur.
Alors que des élections syndicales sont prévues fin 2022, cette affaire a exacerbé les tensions entre représentants des gardiens de la paix.
Le syndicat Unité SGP Police, concurrent d'Alliance, a ainsi décidé de ne pas appeler à manifester et de ne pas « prendre des positions pouvant porter préjudice » au collègue mis en examen, rappelant qu'il est présumé innocent.
L'appel à manifester a été suivi dans plusieurs villes du pays.
A Strasbourg, environ 80 policiers, certains venus de Nancy, Metz ou Mulhouse, se sont réunis en milieu de journée devant l'hôtel de police. Certains portaient des affichettes « coupable d'être flic », ainsi que des cibles accrochées à leurs vêtements.
A Rennes et Lille, ils étaient une quarantaine, à Toulouse une cinquantaine.
« La qualification de meurtre nous fait bondir », a expliqué Christophe Caron, délégué zonal CRS Hauts-de-France de l'Unsa. « On ne remet pas en cause le fait que la police enquête mais quand elle met en examen pour meurtre un policier qui est intervenu dans le cadre de la légitime défense, cela pose problème ».
« On observe une remise en cause systématique de l'intervention des forces de l'ordre », a dénoncé à Rennes Frédéric Gallet, secrétaire départemental d'Alliance. « Un autre motif aurait été largement suffisant, blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».
Des policiers devaient se mobiliser dans une quarantaine de villes, selon les syndicats.
A Paris, une quinzaine de militants contre les violences policières se sont rassemblés face aux policiers et ont brandi des affichettes: « les politiques à la botte d'Alliance, ça suffit !!! » ou « L435-1 = arme de destruction massive », en référence à l'article du code de sécurité intérieur régissant l'usage des armes chez les policiers.